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25/02/2020 | FRANCE | N°19DA00981

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 25 février 2020, 19DA00981


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2018 de la préfète de la Seine-Maritime ordonnant son transfert aux autorités espagnoles, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1900128 du 1er février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2019, Mme A..., représentée par Me B... C..., demand

e à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2018 ordonnant s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2018 de la préfète de la Seine-Maritime ordonnant son transfert aux autorités espagnoles, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1900128 du 1er février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2019, Mme A..., représentée par Me B... C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2018 ordonnant son transfert aux autorités espagnoles ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de prendre en charge sa demande d'asile, sans délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., de nationalité guinéenne, née le 11 décembre 1982, entrée en France le 15 septembre 2018 selon ses déclarations, a présenté le 5 octobre 2018 auprès de la préfète de la Seine-Maritime une demande d'admission au séjour au titre de l'asile. La consultation des données de l'unité centrale Eurodac lors de l'instruction de cette demande a révélé que ses empreintes avaient préalablement été relevées par les autorités espagnoles le 14 septembre 2018. La préfète de la Seine-Maritime a, le 9 octobre 2018, saisi les autorités espagnoles d'une demande de prise en charge, en application de l'article 13-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui a fait l'objet d'un accord implicite le 10 décembre 2018. Par un arrêté du 19 décembre 2018, la préfète de la Seine-Maritime a ordonné le transfert de Mme A... aux autorités espagnoles. Mme A... relève appel du jugement du 1er février 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la caducité de l'arrêté de transfert :

2. Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code applicable au litige : " (...) II. - Lorsqu'une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert ou lorsque celle-ci est notifiée alors que l'étranger fait déjà l'objet d'une telle décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans le délai prévus au III de l'article L. 512-1 (...) ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date de notification à l'autorité administrative du jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Ce délai peut être porté à dix-huit mois si la personne concernée prend la fuite. Il résulte clairement des dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 précité que la notion de fuite doit s'entendre comme visant notamment le cas où un ressortissant étranger se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant.

5. En l'espèce, par un arrêté du 19 décembre 2018, la préfète de la Seine-Maritime a ordonné le transfert de Mme A... aux autorités espagnoles. Le délai de six mois imparti à l'administration pour procéder à son transfert à compter de la décision d'acceptation des autorités espagnoles le 10 décembre 2018 a été interrompu par la présentation d'une demande de l'intéressée devant le tribunal administratif de Rouen, le 18 janvier 2019. Un nouveau délai de six mois a commencé à courir à compter du 5 février 2019, date de la notification du jugement du 1er février 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... s'est vu remettre en main propre le 24 juin 2019 une convocation à se rendre le 26 juin 2019 dans les services de la police aux frontières afin de permettre l'exécution de la décision de transfert. Elle ne s'est pas rendue à cette convocation sans fournir de motif valable de nature à justifier son absence alors que cette convocation portait la mention expresse selon laquelle " le porteur de ce document est informé qu'en cas de non-respect de ses obligations de présentation, il sera déclaré en fuite ". Elle n'a pas davantage justifié de l'impossibilité dans laquelle elle aurait été de se présenter le 26 juin 2019 dans les locaux de la police aux frontières en vue de l'exécution de l'arrêté de transfert. En outre, elle a clairement indiqué lors de la notification de l'arrêté de transfert en litige, qu'elle ne souhaitait pas être reconduite en Espagne. Dès lors, la requérante, qui s'est volontairement soustraite, dans le délai de six mois prévu par l'article 29 du règlement du 26 juin 2013, à une convocation en vue de son transfert, doit être regardée comme ayant pris la fuite, au sens du même article. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime a pu légalement informer les autorités espagnoles, le 22 juillet 2019, de ce que Mme A..., ayant été déclarée en fuite, le délai d'exécution du transfert de six mois était porté à dix-huit mois, soit jusqu'au 1er août 2020.

7. Il résulte de ce qui précède que la décision portant transfert aux autorités espagnoles de la requérante est, à la date du présent arrêt, toujours exécutoire et qu'il y a donc lieu de statuer sur les conclusions tendant à son annulation.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de transfert :

8. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

9. Doit notamment être regardée comme suffisamment motivée, s'agissant d'un étranger en provenance d'un pays tiers ou d'un apatride ayant, au cours des douze mois ayant précédé le dépôt de sa demande d'asile, pénétré irrégulièrement au sein de l'espace Dublin par le biais d'un Etat membre autre que la France, la décision de transfert à fin de prise en charge qui, après avoir visé le règlement, fait référence à la consultation du fichier Eurodac sans autre précision, une telle motivation faisant apparaître que l'Etat responsable a été désigné en application du critère énoncé à l'article 13 du chapitre III du règlement.

10. L'arrêté en litige vise notamment le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, énonce que les autorités espagnoles ont été saisies le 9 octobre 2018 d'une demande de prise en charge de l'intéressée à la suite de la consultation du fichier Eurodac et indique que les autorités espagnoles, saisies en application de l'article 13-1, ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 10 décembre 2018. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 19 décembre 2018 en litige doit être écarté.

Sur les autres moyens :

11. En premier lieu, Mme A... fait valoir qu'aucun élément du dossier ne permet de démontrer qu'elle est entrée irrégulièrement en Espagne, dès lors qu'elle a été secourue en mer et débarquée dans ce pays indépendamment de sa volonté. Toutefois, il ressort de l'arrêté attaqué que les autorités espagnoles ont identifié cette entrée comme correspondant à un franchissement irrégulier de la frontière espagnole. A défaut pour la requérante d'apporter des éléments de nature à contredire l'appréciation de ces autorités, qui pouvait être fondée sur de simples indices, la seule circonstance de son entrée par voie maritime en Espagne en qualité de naufragé secouru en mer, à la supposer établie, n'est pas par elle-même de nature à la faire regarder comme régulière. Par suite, le moyen soulevé tiré de l'absence de preuve de son entrée irrégulière en Espagne doit être écarté.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 dit Dublin III intitulé : " Présentation d'une requête aux fins de reprise en charge lorsqu'une nouvelle demande a été introduite dans l'Etat membre requérant (...) / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (...) / 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'Etat membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale (...) ". Aux termes de l'article 25 du même règlement : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ". Aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 susvisé, dans sa rédaction issue du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, applicable au présent litige : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " Dublinet " établi au titre II du présent règlement (...) / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ". Aux termes de l'article 18 de ce règlement : " Les moyens de transmission électroniques sécurisés, visés à l'article 22, paragraphe 2, du règlement n° 343/2003, sont dénommés " Dublinet " (...) ". Selon l'article 19 de ce règlement : " 1. Chaque Etat membre dispose d'un unique point d'accès national identifié. 2. Les points d'accès nationaux sont responsables du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes. 3. Les points d'accès nationaux sont responsables de l'émission d'un accusé réception pour toute transmission entrante (...) ".

13. Il résulte des dispositions précitées du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 que la production de l'accusé de réception émis, dans le cadre du réseau Dublinet, par le point d'accès national de l'Etat requis lorsqu'il reçoit une demande présentée par les autorités françaises établit l'existence et la date de cette demande et permet, en conséquence, de déterminer le point de départ du délai de deux semaines au terme duquel la demande de reprise est tenue pour implicitement acceptée. Pour autant, la production de cet accusé de réception ne constitue pas le seul moyen d'établir que les conditions mises à la reprise en charge du demandeur étaient effectivement remplies. Il appartient au juge administratif, lorsque l'accusé de réception n'est pas produit, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments qui ont été versés au débat contradictoire devant lui, par exemple du rapprochement des dates de consultation du fichier Eurodac et de saisine du point d'accès national français ou des éléments figurant dans une confirmation explicite par l'Etat requis de son acceptation implicite de reprise en charge.

14. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a déposé une demande d'asile le 5 octobre 2018 et qu'à l'issue de la procédure de vérification effectuée au titre du règlement européen Eurodac, un résultat positif ou " hit " a été enregistré le même jour. Le préfet de la Seine-Maritime verse au débat l'accusé de réception électronique daté du 9 octobre 2018 concernant la demande de prise en charge de Mme A... comportant le numéro de référence de son dossier " Dublinet " ainsi que la désignation de l'Espagne en tant qu'Etat requis. Il verse également au dossier l'accusé de réception électronique " Dublinet " du 20 décembre 2018 concernant le formulaire intitulé " Constat d'un accord implicite et confirmation de reconnaissance de la responsabilité " comportant le numéro de référence du dossier de la requérante. Ces éléments suffisent à tenir pour établie la saisine des autorités espagnoles par les autorités françaises. Il suit de là que le moyen tiré de l'absence de preuve de la saisine des autorités espagnoles de la demande de prise en charge et de l'accord implicite de ces autorités en méconnaissance des articles 23 et 25 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

15. En troisième lieu, l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 dispose : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) ".

16. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que cela ressort du résumé de la fiche d'entretien produite par la préfète de la Seine-Maritime, que Mme A... a bénéficié le 5 octobre 2018 d'un entretien individuel et confidentiel mené par un agent qualifié de la préfecture et à l'occasion duquel il a pu être vérifié qu'elle avait correctement compris les informations dont elle devait avoir connaissance, notamment le fait que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Espagne et que l'entretien s'inscrivait dans un processus de détermination de l'Etat membre de l'Union européenne responsable de l'examen de sa demande d'asile. Le moyen tiré de ce que les obligations prévues à l'article 5 du règlement n'auraient pas été satisfaites doit être écarté.

17. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

18. La faculté qu'ont les autorités françaises d'examiner une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un Etat tiers, alors même que cet examen ne leur incombe pas, relève de l'entier pouvoir discrétionnaire du préfet, et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

19. Il ressort des termes mêmes de la décision contestée et des pièces du dossier que la préfète de la Seine-Maritime, qui, contrairement à ce qu'elle soutient, a procédé à un examen sérieux de l'ensemble de la situation de Mme A..., a recherché notamment s'il y avait lieu de faire application des dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 pour retenir la France comme Etat responsable de la demande d'asile de l'intéressée, qui a déclaré lors de son entretien individuel ne pas avoir de famille en France. La circonstance, à la supposer établie, selon laquelle elle souffrirait de difficultés d'ordre psychologique n'est pas de nature à établir que la préfète aurait méconnu les dispositions précitées de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 en ne faisant pas usage du pouvoir discrétionnaire qu'elle tient de cet article, en l'absence de tout élément apporté par l'intéressée quant à la nature de ces difficultés, à leur gravité et à leur traitement. Pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., au ministre de l'intérieur et à Me B... C....

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

2

N°19DA00981


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00981
Date de la décision : 25/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : SELARL ANTOINE MARY et CAROLINE INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-02-25;19da00981 ?
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