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02/04/2020 | FRANCE | N°17DA02225

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 02 avril 2020, 17DA02225


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les revenus qui lui ont été assignées au titre des années 2010, 2011 et 2012, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui sont réclamés pour la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.

Par un jugement n° 1501242 du 28 septembre 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 novembre 2017, M. A..., repré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les revenus qui lui ont été assignées au titre des années 2010, 2011 et 2012, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui sont réclamés pour la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.

Par un jugement n° 1501242 du 28 septembre 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 novembre 2017, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les revenus qui lui ont été assignées au titre des années 2010, 2011 et 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui sont réclamés pour la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.

Il soutient que :

- les revenus qu'il a retirés de la revente de vins de grands crus de sa collection personnelle ne présentent pas le caractère de bénéfices industriels et commerciaux au sens de l'article 34 du code général des impôts, faute pour cette activité de revêtir un caractère habituel et spéculatif ;

- cette activité ne peut être regardée, faute de comporter l'accomplissement habituel d'actes de commerce, comme étant exercée pour son propre compte et comme présentant un caractère imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux selon les termes de l'instruction référencée BOI-BIC-CHAMP-20-20 20120912 ;

- il est fondé à se prévaloir de la position de l'administration exprimée au comité MOA 24-6-1984 selon laquelle la revente de biens par un particulier sans intention lucrative ne présente pas un caractère économique ;

- l'activité redressée qui n'est professionnelle, ni par sa finalité ni par ses conditions matérielles d'exécution, ne présente pas un caractère occulte au sens du code général des impôts ;

- cette activité, par sa nature non commerciale, n'est pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, comme le précise l'instruction référencée BOI-TVA-SECT 90-50 n°60 ; en tout état de cause, seule la marge dégagée après l'abattement de 71 % sur le prix de vente retenu à l'issue de la vérification de comptabilité, serait passible de taxe sur la valeur ajoutée ;

- en application de l'article 150 UA du code général des impôts, seule la plus-value nette retirée de la vente de ces biens meubles peut être soumise à l'impôt sur le revenu ;

- les impositions en litige n'ont pu valablement être assorties de la majoration de 80 % prévue, en cas de découverte d'une activité occulte, par l'article 1728 du code général des impôts.

Par un mémoire enregistré le 20 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Binand, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1 M. B... A..., qui exerçait la profession de docker salarié, a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2010, 2011 et 2012. Au cours des opérations de contrôle, l'administration a constaté des versements sur les comptes bancaires de M. A..., que celui-ci a justifiés en faisant état de la vente de bouteilles de vins de grands crus provenant de sa cave personnelle. Estimant que M. A... exerçait une activité non déclarée de vente dans le secteur du commerce du vin, sans avoir accompli les formalités d'immatriculation auprès du centre des formalités des entreprises, l'administration a engagé une procédure de vérification de comptabilité de cette activité pour les exercices allant de l'année 2004 à l'année 2012, à l'issue de laquelle, par deux propositions de rectification en date du 24 juillet 2014, elle lui a assigné, par la voie de l'évaluation d'office, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et, par la voie de la taxation d'office, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Ces redressements ont été assortis de l'intérêt de retard et de la majoration de 80 % pour activité occulte prévue par le c. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts, à raison des revenus retirés par M. A... de cette activité de 2010 à 2012. Par un jugement du 28 septembre 2017, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Rouen a constaté que la demande de l'intéressé aux fins de décharge des suppléments d'imposition mis à sa charge avait perdu son objet à concurrence du dégrèvement, d'un montant global de 2 126 euros, prononcé en cours d'instance par l'administration, en matière tant d'impôt sur le revenu que de taxe sur la valeur ajoutée, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu :

2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale ". L'accomplissement à titre professionnel d'actes réputés de commerce par la loi commerciale est une activité commerciale au sens de l'article 34 du code général des impôts. L'article L. 110-1 du code de commerce répute actes de commerce tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en oeuvre.

3. L'administration a établi, à l'issue de l'exercice de son droit de communication auprès de l'établissement bancaire du contribuable et des cavistes acheteurs des vins cédés, que M. A... a procédé à cinq ventes de vins en 2010, à quatorze ventes en 2011 et à quinze ventes en 2012 portant sur plus de trois cents bouteilles de vins de grands crus, pour un montant total de 186 170 euros. M. A... conteste avoir eu une activité commerciale de négoce de vins et fait valoir que les ventes en cause relevaient de la gestion normale de son patrimoine et n'avaient aucun caractère habituel dès lors que les vins cédés provenaient de sa cave personnelle, constituée de vins de collection acquis sans but lucratif, essentiellement auprès d'un particulier entre 2003 et 2005. Il ajoute que ces ventes ne sont intervenues que sur la période de 2010 à 2012, afin de contribuer au financement d'un investissement immobilier personnel.

4. Si l'administration, à qui il incombe d'établir l'existence de l'activité commerciale qu'elle entend redresser, n'a pu déterminer les modalités d'acquisition par M. A... des bouteilles qu'il a cédées, et, en particulier, le délai séparant l'achat de ces bouteilles de leur revente, le requérant n'apporte, pour sa part, aucun élément de preuve quant aux modalités d'entrée en sa possession, telles qu'il les allègue, à sa pratique de collectionneur ou même au réemploi allégué des revenus de leur vente dans un projet immobilier personnel. Dès lors, eu égard au nombre d'opérations de ventes par le contribuable de vins de grand crus, à leur fréquence sur la période de trois ans considérée et à leur montant, dont il n'est pas contesté qu'il représente plus du double des revenus retirés de son activité salariée, M. A... doit être regardé comme s'étant livré, habituellement, pour son propre compte, à une activité d'achat de vins en vue de leur revente, sans qu'il soit besoin de rechercher s'il a eu recours à des moyens commerciaux analogues à ceux qui caractérisent une activité exercée par un professionnel. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a considéré que M. A... exerçait une activité commerciale de négoce de vins imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

5. En deuxième lieu, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les cessions en cause relèvent du régime d'imposition des plus-values des biens meubles prévu par l'article 150 UA du code général des impôts qui, de la lettre même des dispositions de cet article, s'applique sous réserve du régime applicable aux bénéfices industriels et commerciaux.

6. En troisième et dernier lieu, M. A... ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction référencée BOI-BIC-CHAMP-20-20 qui concerne les profits réalisés par les intermédiaires pour le négoce de biens, dans le champ de laquelle il n'entre pas. A supposer que M. A... ait entendu se prévaloir, sur ce même fondement, du point n° 40 de l'instruction référencée BOI-BIC-CHAMP-10-20 selon lequel " Les personnes qui accomplissent habituellement des actes de commerce ne peuvent être considérées comme exerçant une profession commerciale, industrielle ou artisanale qu'autant qu'elles les accomplissent pour leur propre compte ", ces éléments ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application au point 4 du présent arrêt.

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

7. D'une part, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. ". Il résulte des énonciations du point 4 du présent arrêt que l'activité de vente de vins en cause a été exercée par M. A..., sur la période considérée, pour son propre compte et qu'elle présente un caractère commercial. Dès lors, ces ventes doivent être regardées comme des livraisons de biens effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que et passibles, comme telles, de la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions précitées de l'article 256 du code général des impôts.

8. D'autre part, aux termes du I de l'article 297 A du code général des impôts : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qui lui ont été livrés par un non-redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. / La définition des biens d'occasion, des oeuvres d'art, des objets de collection et d'antiquité est fixée par décret. (...) ". Il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas allégué, que les bouteilles de vins cédées par M. A..., dont, au demeurant, les modalités d'entrée en sa possession ne sont pas établies, présenteraient le caractère de biens d'occasion, d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité au sens et pour l'application des dispositions de l'article 98 A de l'annexe 3 à ce code prises pour l'application du 1° du I de l'article 297 du code général des impôts. Dès lors, M. A... ne peut se prévaloir de ces dispositions pour établir l'absence de bien-fondé ou le caractère exagéré des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui sont réclamés.

9. Enfin, M. A... ne peut se prévaloir ni des éléments d'interprétation de la loi fiscale énoncés au n°60 de l'instruction BOI-TVA-SECT 90-50 qui concernent l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée de certains biens lors de ventes publiques à titre occasionnel, dans le champ d'application desquels il n'établit pas entrer, ni de la position du 24 juin 1984 adoptée par le comité fiscal de la mission d'organisation administrative selon laquelle la revente de biens par un particulier sans intention lucrative ne présente pas un caractère économique, qui ne fait pas, en tout état de cause, de la loi fiscale une interprétation différente de celle appliquée par le présent arrêt.

Sur la majoration pour activité occulte :

10. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. ". Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives.

11. En se bornant à contester le caractère commercial de l'activité de négoce de vins, retenu à bon droit par l'administration ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, M. A... n'établit pas que le défaut de déclaration de cette activité et des revenus qu'il en a retirés procéderait d'une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. Dès lors, l'administration était fondée à assortir les droits rappelés de la majoration de 80 % prévue, en cas de découverte d'une activité occulte, par l'article 1728 du code général des impôts.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 5 mars 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Christophe Binand, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2020.

Le président de chambre,

Signé : C. HEU

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Nathalie Roméro

4

N°17DA02225


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17DA02225
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Personnes et activités imposables.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Christophe Binand
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CABINET D'ETUDES JURIDIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-04-02;17da02225 ?
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