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11/06/2020 | FRANCE | N°20DA00081

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 11 juin 2020, 20DA00081


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure:

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 février 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.

Par un jugement n° 1901975 du 12 août 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregist

rée le 17 janvier 2020, M. C..., représenté par Me B... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure:

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 février 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.

Par un jugement n° 1901975 du 12 août 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2020, M. C..., représenté par Me B... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 27 février 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant nigérian, né le 1er janvier 1980, est entré en France selon ses déclarations le 1er décembre 2013. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 23 décembre 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 novembre 2015. Il a sollicité le 21 décembre 2015 son admission au séjour en raison de son état de santé. Invité à présenter des éléments actualisés qu'il souhaitait voir pris en compte dans l'examen de sa situation, il a, le 24 avril 2018, sollicité également son admission au séjour, sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en raison de la naissance à venir de son enfant. Par un arrêté du 27 février 2019, la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination de cette mesure d'éloignement.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. La décision contestée, qui a notamment pris en compte la circonstance que M. C... était le père d'un enfant né le 30 juin 2018, comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde. Par suite, alors même que la décision ne vise pas la convention internationale relative aux droits de l'enfant, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

3. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier et des motifs de la décision en litige que la préfète de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de la situation de M. C....

4. M. C... se borne à soutenir que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration serait incomplet au regard des exigences de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par cette seule allégation, il ne met pas la cour en mesure d'apprécier le bien-fondé de son moyen.

5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

6. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

7. Pour refuser d'accorder à M. C... un titre de séjour pour raison médicale, la préfète de la Seine-Maritime a estimé, au vu notamment de l'avis émis le 20 mars 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que, si l'état de santé de l'intéressé rendait nécessaire une prise en charge médicale et que le défaut de celle-ci pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, M. C... peut toutefois bénéficier effectivement d'un traitement approprié eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire. Pour contester cette appréciation, le requérant, qui souffre d'une pathologie psychiatrique et de diabète, produit comme en première instance, en particulier, un rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés du 10 novembre 2017 sur le traitement des maladies psychiques ainsi que des ordonnances. Les certificats médicaux récents au dossier, établis les 6 janvier 2020 et 16 janvier 2020 par son médecin généraliste et par son médecin psychiatre se bornent à faire état de l'existence des pathologies dont est atteint M. C..., sans aucune appréciation sur les conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'aurait pour l'intéressé le défaut de prise en charge et sur l'état du système de santé au Nigéria. La teneur de l'ensemble de ces documents n'est pas, à elle seule, de nature à remettre en cause l'appréciation de la préfète de la Seine-Maritime, laquelle ne s'est pas estimée liée par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. M. C... fait aussi valoir résider en France depuis 2013 et être père d'un enfant né le 30 juin 2018 d'une relation avec une compatriote titulaire d'un titre de séjour, en qualité de parent d'enfant français. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. C... ne vit pas avec la mère de son enfant. Il n'établit pas la réalité de la relation qu'il prétend entretenir avec son enfant, en produisant quelques factures d'achat de vêtements et deux attestations identiques de sa mère, selon lesquelles une somme lui serait versée mensuellement par M. C... pour l'entretien de son enfant, qui ne sont accompagnées d'aucun justificatif bancaire. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'il serait particulièrement inséré dans la société française sur le plan social ou professionnel. Par ailleurs, le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où vit son autre enfant. Dans ces conditions, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. C..., une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision en litige a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 ducode de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La préfète de la Seine-Maritime n'a pas davantage, en tout état de cause, commis d'erreur de droit dans l'application des notions de vie privée et de vie familiale, dès lors que le droit en question porte sur le respect de tous ces aspects de la vie d'une personne et doit, dès lors être apprécié globalement. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. C....

9. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

10. Si M. C... est effectivement le père d'un enfant né le 30 juin 2018, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait réellement impliqué dans la vie de son enfant, avec lequel il ne vit pas. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 10 que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'illégalité.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. En application des dispositions du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français qui assortit une décision de refus de titre de séjour, n'a pas à faire l'objet d'une motivation en fait distincte de celle de cette décision. Elle est, en l'espèce, suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

13. M. C... se borne à soutenir que l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration serait incomplet au regard des exigences de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par cette seule allégation, il ne met pas la cour en mesure d'apprécier le bien-fondé de son moyen.

14. Il résulte de ce qui a été dit au point 11 que M. C... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

15. Aux termes des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / (...) ". Pour les mêmes raisons que celles exposés au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

16. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de M. C... doivent être écartés.

Sur la décision fixant le pays de destination :

17. M. C... a sollicité son admission au séjour. Il a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a également fixé le pays de destination, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures. Il n'indique d'ailleurs pas quels éléments il n'aurait pas été en mesure de faire valoir préalablement à la décision contestée et qui aurait été susceptible d'en modifier le sens. Par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la mesure d'éloignement, telle qu'elle est notamment consacrée par le droit de l'Union, n'a pas été méconnue.

18. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

19. M. C... soutient encourir des risques de mauvais traitements en cas de retour au Nigéria en raison de " risques persistants " et du fait qu'il ne peut y bénéficier d'un traitement médical. Cependant, il ne produit aucun élément de nature à justifier ses affirmations très peu circonstanciées. Pour ce motif et compte tenu de ce qui a été dit au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

20. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, le moyen tiré de l'erreur manifeste commise par l'autorité préfectorale dans l'appréciation des conséquences de la décision fixant le pays de destination sur la situation personnelle de M. C... doit être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et à Me B... D....

Copie sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.

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N°20DA00081

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00081
Date de la décision : 11/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL ANTOINE MARY et CAROLINE INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-11;20da00081 ?
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