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18/06/2020 | FRANCE | N°19DA01355

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 18 juin 2020, 19DA01355


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 mai 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé son admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale

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Par un jugement n° 1803624 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Rou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 mai 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé son admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Par un jugement n° 1803624 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juin 2019, Mme A... C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 mai 2018 de la préfète de la Seine-Maritime ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., ressortissante marocaine née le 8 mai 1973, est entrée en France le 12 novembre 2012 sous couvert d'un passeport national revêtu d'un visa de court séjour. La première demande de titre de séjour présentée par l'intéressée a été rejetée par une décision implicite du préfet de la Seine-Maritime en date du 5 juillet 2014. La demande de Mme C... tendant à l'annulation de cette décision a été rejetée par un jugement du 9 juillet 2015 du tribunal administratif de Rouen, confirmé par un arrêt du 29 mars 2016 de la cour administrative d'appel de Douai. Le 26 janvier 2017, Mme C... a demandé son admission exceptionnelle au séjour auprès des services de la préfecture de la Seine-Maritime. Par un arrêté du 25 mai 2018, la préfète de la Seine-Maritime lui a refusé l'admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office. Mme C... relève appel du jugement du 29 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le refus d'admission au séjour :

2. Il résulte des motifs mêmes de l'arrêté attaqué que ceux-ci énoncent les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement du refus d'admission au séjour prononcé à l'encontre de Mme C.... La préfète de la Seine-Maritime, qui n'avait pas à faire mention de toutes les circonstances de fait caractérisant la situation de l'intéressée, a cité les éléments pertinents dont elle avait connaissance et qui fondent sa décision. A cet égard, les motifs de l'arrêté font mention des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressée sur le territoire français, du contrat de travail qu'elle a présenté à l'appui de sa demande d'admission au séjour, ainsi que des liens personnels et familiaux dont elle dispose en France et dans son pays d'origine. Par suite, et alors même que ces motifs ne détaillent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressée et qu'ils ne font pas une mention spécifique de l'ancienneté de Mme C... dans son emploi en France, cette décision, dont les mentions permettent à son destinataire d'en comprendre les motifs à la seule lecture, doit être regardée comme suffisamment motivée au regard de l'exigence posée par les dispositions, antérieurement énoncées aux articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979, reprises, à la date de la décision contestée, aux articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

3. Il ne ressort d'aucune disposition législative ou règlementaire que la préfète de la Seine-Maritime aurait dû communiquer à Mme C... l'avis défavorable émis le 4 janvier 2018 par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie sur la demande d'admission au séjour formée par l'intéressée au titre du travail. Dès lors, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de séjour serait, en raison de l'absence de communication de ce document, entachée d'un vice de procédure. Enfin, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que les motifs de l'arrêté contesté reprennent la teneur de cet avis, qui a d'ailleurs été produit par l'autorité préfectorale devant les premiers juges, Mme C..., qui a ainsi mise à même de discuter de la régularité et du bien-fondé dudit avis, ne peut davantage invoquer une méconnaissance, à son détriment, du principe du contradictoire.

4. Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / (...) ".

5. L'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 régit l'intégralité des conditions dans lesquelles un titre de séjour portant la mention " salarié " est délivré aux ressortissants marocains. En application de cet accord, les ressortissants marocains ne peuvent pas se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " et peuvent seulement se prévaloir des dispositions de cet article à l'appui d'une demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il est constant que Mme C... a sollicité son admission au séjour, à la fois au titre du travail, en se prévalant d'un contrat de travail pour exercer une activité professionnelle dans la société gérée par son frère, et au titre de la vie privée et familiale. Dès lors, c'est à bon droit que la préfète de la Seine-Maritime a écarté l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se prononcer sur sa demande d'admission au séjour au titre du travail et a fait application de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987. Par ailleurs, s'appuyant notamment sur l'avis défavorable émis par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, la préfète de la Seine-Maritime a procédé à un examen particulier et suffisamment approfondi de la situation de Mme C.... A cet égard, le seul fait que les motifs de l'arrêté contesté ne font pas une mention expresse de ce que l'autorité préfectorale se serait interrogée sur l'opportunité de faire usage du pouvoir de régularisation qui lui est reconnu ne peut suffire à établir, en l'absence de tout autre élément ressortant des pièces du dossier, que la préfète de la Seine-Maritime aurait méconnu l'étendue de sa compétence sur ce point. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'erreur de droit et du défaut d'examen sérieux de la situation de la requérante doivent être écartés.

6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories (...) qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...) ".

7. Mme C..., qui est entrée en France en novembre 2012, fait valoir la durée de son séjour en France. Elle se prévaut de la présence en France d'une grande partie de sa famille, dont ses parents, qui résident régulièrement sur le territoire français sous couvert d'une carte de résident, et trois de ses frères, qui sont de nationalité française. Hébergée par l'un de ses frères depuis son arrivée en France, elle soutient participer activement à l'éducation des enfants de celui-ci. Par ailleurs, Mme C... se prévaut de son intégration professionnelle, en produisant un certificat de travail couvrant la période d'avril 2016 à mars 2018 ainsi que l'ensemble des bulletins de salaires couvrant cette période. En outre, elle produit plusieurs attestations permettant d'établir qu'elle participe à des ateliers sociolinguistiques depuis son entrée en France. Toutefois, Mme C... est célibataire et sans charge de famille sur le territoire français. En outre, elle ne justifie pas de l'aide qu'elle allègue apporter à son frère et sa belle-soeur installés en France dans l'éducation de leurs enfants. Par ailleurs, les certificats médicaux qu'elle verse au dossier, qui font état de bilans qu'elle a effectués depuis son arrivée sur le territoire français, ne révèlent pas que son état de santé rendrait nécessaire un suivi médical régulier en France. De surcroît, si elle allègue ne plus avoir de contact avec sa famille résidant au Maroc, elle n'apporte aucun élément ni n'avance aucune circonstance particulière permettant de tenir cette situation pour établie. Par suite, Mme C... ne peut être regardée comme étant dépourvue d'attaches familiales ou privées dans son pays d'origine, où elle a vécu habituellement jusqu'à l'âge de trente-neuf ans. Dans ces conditions, eu égard à l'ancienneté relative et aux conditions en majeure partie irrégulières du séjour de Mme C... en France, la préfète de la Seine-Maritime, en lui refusant l'admission au séjour, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en dépit des efforts qu'elle a entrepris en vue d'acquérir une bonne maitrise de la langue française et de s'insérer professionnellement, une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la préfète de la Seine-Maritime aurait entaché la décision de refus de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7 que la décision de refus d'admission au séjour prise à l'encontre de Mme C... n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision l'obligeant à quitter le territoire français, également prononcée par l'arrêté contesté, serait dépourvue de base légale, doit être écarté.

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation à Mme C... de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquences, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., au ministre de l'intérieur et à Me B....

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

2

N°19DA01355


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01355
Date de la décision : 18/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL PASQUIER PICCHIOTTINO ALOUANI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-18;19da01355 ?
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