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23/06/2020 | FRANCE | N°19DA01267

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 23 juin 2020, 19DA01267


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... et le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) du Pigeonnier ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2015 par lequel la préfète du Pas-de-Calais a accordé à M. B... C... l'autorisation d'exploiter une superficie supplémentaire de 4 ha 47 a 90 ca de terres situées sur la commune de Maizières, dont il est propriétaire, précédemment mises en valeur par M. E....

Par un jugement n° 1603609 du 4 avril 2019, le tribunal administratif d

e Lille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... et le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) du Pigeonnier ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2015 par lequel la préfète du Pas-de-Calais a accordé à M. B... C... l'autorisation d'exploiter une superficie supplémentaire de 4 ha 47 a 90 ca de terres situées sur la commune de Maizières, dont il est propriétaire, précédemment mises en valeur par M. E....

Par un jugement n° 1603609 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2019, M. E... et le GAEC du Pigeonnier, représentés par Me F... D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2015 de la préfète du Pas-de-Calais ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 ;

- le décret n° 2015-713 du 22 juin 2015 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de l'agrandissement de son exploitation, M. C... a demandé, le 4 août 2015, l'autorisation d'exploiter une superficie supplémentaire de 4 ha 47 a 90 ca de terres situées sur la commune de Maizières, dans le département du Pas-de-Calais, dont il est propriétaire et qui étaient jusque-là mises en valeur par M. E... et le GAEC du Pigeonnier. Par un arrêté du 3 décembre 2015, la préfète du Pas-de-Calais a accordé à M. C... l'autorisation demandée. M. E... et le GAEC du Pigeonnier relèvent appel du jugement du 4 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2.

2. Aux termes du IX de l'article 93 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt : " Les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles mentionnés à l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de la présente loi, sont arrêtés dans un délai d'un an à compter de sa publication. / Jusqu'à l'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles, le contrôle des structures s'applique selon les modalités, les seuils et les critères définis par le schéma directeur des structures agricoles de chaque département (...) ". Aux termes de l'article 4 du décret du 22 juin 2015 relatif au schéma directeur régional des exploitations agricoles et au contrôle des structures des exploitations agricoles : " I. - Les articles 2 et 3 du présent décret entrent en vigueur à la même date que le schéma directeur régional des exploitations agricoles. II. - Les demandes et déclarations déposées en application des I ou II de l'article L. 331-2 dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 octobre 2014 susvisée avant la date mentionnée au I, ainsi que, le cas échéant, les dossiers concurrents relevant des mêmes dispositions, déposés après cette date, demeurent soumis aux dispositions des articles R. 331-1 à R. 331-12 dans leur rédaction antérieure au présent décret ".

3. Le schéma directeur des exploitations agricoles de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie étant entré en vigueur le 29 juin 2016 et la demande d'autorisation d'exploiter ayant été formulée par M. C... avant cette date, la décision en litige doit être examinée au regard des dispositions de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime dans leur version en vigueur avant la publication de la loi du 13 octobre 2014.

4. D'une part, aux termes de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction applicable au présent litige : " I.- Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : (...) / 3° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole : (...) b) ne comportant pas de membre ayant la qualité d'exploitant. Il en de même pour les exploitants pluriactifs (...) dont les revenus extra-agricoles du foyer fiscal excèdent 3 120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance (...) ". Aux termes de l'article L. 331-3 du même code : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; / 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées ; / 3° Prendre en compte les biens corporels ou incorporels attachés au fonds dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ; / 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ; / 5° Prendre en compte la participation du demandeur ou, lorsque le demandeur est une personne morale, de ses associés à l'exploitation directe des biens objets de la demande dans les conditions prévues à l'article L. 411-59 ; / 6° Tenir compte du nombre d'emplois non salariés et salariés permanents ou saisonniers sur les exploitations concernées ; / 7° Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées, soit par rapport au siège de l'exploitation, soit pour éviter que des mutations en jouissance ne remettent en cause des aménagements réalisés à l'aide de fonds publics ; / 8° Prendre en compte la poursuite d'une activité agricole bénéficiant de la certification du mode de production biologique ; / 9° Tenir compte de l'intérêt environnemental de l'opération. / L'autorisation peut n'être délivrée que pour une partie de la demande, notamment si certaines des parcelles sur lesquelles elle porte font l'objet d'autres candidatures prioritaires. Elle peut également être conditionnelle ou temporaire ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 1er de l'arrêté préfectoral du 28 juillet 2010, portant schéma directeur départemental des structures agricoles du Pas-de-Calais, en vigueur à la date de la décision attaquée : " Orientations pour les structures des exploitations agricoles : 1- Maintenir le plus grand nombre d'exploitations professionnelles de type familial, et pour cela : (...) - préserver les petites exploitations d'une reprise. (...) / 2 - Maintenir le plus grand nombre d'actifs agricoles et favoriser l'emploi et pour cela (...) - Permettre l'installation ou conforter l'exploitation d'agriculteurs pluriactifs dans la limite d'un seuil de revenu par actif (...) ". Aux termes de l'article 9 du même schéma : " Pour évaluer la conformité de l'opération aux orientations définies à l'article 1 ou pour comparer les situations respectives du demandeur et de l'occupant (...) la commission départementale d'orientation de l'agriculture définit un ensemble de coefficients d'équivalences permettant une évaluation forfaitaire de l'excédent brut d'exploitation théorique (EBEt) par actif, à partir du système de production (...) ".

6. En premier lieu, il est constant que pour accorder l'autorisation en litige, la préfète du Pas-de-Calais, qui n'était saisie que d'une seule demande d'autorisation d'exploiter présentée par M. C..., a entaché sa décision d'une erreur de droit en appliquant l'ordre des priorités du schéma départemental des structures agricoles et en estimant que la situation de M. C... était prioritaire par rapport à celle de M. E... et du GAEC du Pigeonnier, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges. Par suite, l'ordre des priorités de ce schéma n'étant pas applicable en l'absence de demandes concurrentes, les requérants ne peuvent utilement invoquer une erreur dans l'appréciation du rang de priorité dont relève la demande de M. C....

7. En second lieu, la préfète du Pas-de-Calais a cependant fait valoir devant les premiers juges qu'elle aurait pris la même décision en prenant en considération les orientations du schéma départemental des structures agricoles, notamment de la première orientation fixée au 1 de l'article 1er de ce schéma relative au maintien du plus grand nombre d'exploitations professionnelles de type familial en préservant les petites exploitations d'une reprise. Il ressort des pièces du dossier que M. C... exploite une superficie de 3 ha 23 ca, soit une superficie inférieure à l'unité de référence fixé à 60 ha dans le département du Pas-de-Calais et au seuil de démembrement fixé à 0,8 (UR). Son exploitation dégage un excédent brut d'exploitation par unité de main d'oeuvre (EBE/UMO) inférieur au seuil de 25 000 euros, défini par l'article 9 de ce schéma comme le seuil en deçà duquel une exploitation est considérée comme petite au sens de l'article 1 et qui est déterminé en fonction de coefficients d'équivalences définis par la commission départementale d'orientation de l'agriculture permettant une évaluation forfaitaire de celui-ci et non des revenus provenant d'autres activités professionnelles. Par suite, l'exploitation de M. C... peut être regardée comme une petite exploitation devant être préservée, alors que M. E... et le GAEC du Pigeonnier exploitent une superficie de 89 ha 43 ca qui dégage un EBE/ UMO supérieur au seuil de 25 000 euros précité. En outre, la reprise de 4 ha 47 a 90 ca envisagée dans un ensemble de terres de plus de 89 ha permet de conforter l'exploitation de M. C... et n'a pas pour effet de démembrer l'exploitation de M. E... et du GAEC du Pigeonnier, ni de porter atteinte à la viabilité économique de celle-ci. Enfin, si M. C... ne dispose pas de la capacité professionnelle et est pluriactif, ces motifs ont pour seul effet de soumettre à autorisation préalable l'opération envisagée en application des dispositions précitées de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime et ne sauraient s'opposer à la délivrance d'une autorisation d'exploiter. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, si la préfète du Pas-de-Calais s'est fondée, à tort, sur l'ordre des priorités établi par le schéma directeur départemental des structures agricoles pour accorder l'autorisation d'exploiter sollicitée, il ressort des pièces du dossier qu'elle aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur les orientations de ce schéma. Elle n'a pas davantage entaché l'arrêté du 3 décembre 2015 en litige d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime et du schéma directeur départemental des structures agricoles.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... et le GAEC du Pigeonnier ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. E... et du GAEC du Pigeonnier une somme de 1 000 euros à verser à M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... et du GAEC du Pigeonnier est rejetée.

Article 2 : M. E... et le GAEC du Pigeonnier, pris ensemble, verseront à M. C... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., au GAEC du Pigeonnier, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à M. B... C....

Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.

2

N°19DA01267


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 19DA01267
Date de la décision : 23/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-03 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles. Cumuls et contrôle des structures.


Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : SCP ROBIQUET DELEVACQUE VERAGUE YAHIAOUI

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-23;19da01267 ?
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