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02/07/2020 | FRANCE | N°19DA02660

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 02 juillet 2020, 19DA02660


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 4 janvier 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, d'enjoindre, sous astreinte à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour tempora

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 4 janvier 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, d'enjoindre, sous astreinte à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à défaut, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente d'un nouvel examen de sa situation.

Par un jugement n° 1901039 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2019, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 4 janvier 2019 de la préfète de la Seine-Maritime ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation après l'avoir mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant nigérian né le 23 février 1982, est entré pour la dernière fois sur le territoire français le 18 septembre 2017, sous couvert d'un visa de court séjour en cours de validité, qui lui avait été délivré par les autorités consulaires italiennes en poste au Nigeria. S'y étant maintenu après la date d'expiration de ce document, il a sollicité, le 7 juin 2018, la régularisation de sa situation administrative en faisant état des attaches familiales dont il dispose sur le territoire français. Par un arrêté du 4 janvier 2019, la préfète de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. M. B... relève appel du jugement du 13 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté.

Sur la décision de refus de séjour :

2. En premier lieu, il ressort des motifs mêmes de l'arrêté en litige que ceux-ci comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision refusant de délivrer à M. B... la carte de séjour temporaire qu'il sollicitait. Sous le visa exprès des dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment de celles du 7° de l'article L. 313-11 de ce code, ces motifs rappellent les conditions de l'entrée de M. B... sur le territoire français, précisent les attaches familiales dont dispose l'intéressé en France, en faisant état notamment de sa fille, dont il avait reconnu la paternité avant sa naissance, le 25 janvier 2017, de son union avec une compatriote en séjour régulier avec laquelle il ne vit pas, de l'absence de justifications suffisantes d'une contribution à l'entretien et à l'éducation de cet enfant qui demeure auprès de sa mère, de la présence des parents et de la fratrie de M. B... dans son pays d'origine et de l'absence de perspectives démontrées d'insertion professionnelle de l'intéressé, dont le séjour est irrégulier et de faible durée. Cette motivation, qui, comme il a été dit, prend en compte la situation de la fille de M. B..., a, par suite, mis l'intéressé à même de comprendre les raisons pour lesquelles ce refus lui était opposé et de les contester utilement. Ainsi, elle satisfait à l'exigence posée par les dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, alors même qu'elle ne fait pas une référence expresse aux stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

3. En deuxième lieu, eu égard notamment à ce qui vient d'être dit au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier et suffisamment attentif de la situation de M. B... avant de refuser, par l'arrêté en litige, de lui délivrer un titre de séjour.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...) ".

5. M. B..., qui justifie, par la production d'une copie de son passeport, être entré régulièrement sur le territoire français le 18 septembre 2017 sous couvert d'un visa de court séjour, mais qui ne conteste pas s'y être maintenu au-delà de la durée de validité de ce document, fait état de la présence, sur ce territoire, de sa fille, qui est née le 25 janvier 2017 et dont il avait reconnu la paternité dès le 13 octobre 2016. Il précise que la mère de cet enfant est une compatriote qui est titulaire d'une carte de séjour temporaire en cours de validité qui lui a été délivrée en tant que mère d'un enfant français. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B... ne vivait pas avec cette dernière à la date de l'arrêté contesté du 4 janvier 2019, la vie commune dont il se prévaut n'étant établie qu'à compter du 25 juin 2019, selon une attestation de sa compagne qu'il verse au dossier. Cependant, M. B... justifie contribuer régulièrement, dans la mesure des moyens que lui permet sa situation de demandeur d'emploi, à l'entretien de sa fille, à l'intention de laquelle il justifie avoir adressé huit virements bancaires de 40 euros entre le mois de mars 2017 et la date de l'arrêté contesté et avoir effectué, à dix-neuf reprises, des achats de vêtements ou de denrées alimentaires durant la même période, ces versements et achats s'étant poursuivis durant la période postérieure. En revanche, ni l'attestation rédigée par la mère de sa fille le 19 février 2019, dépourvue sur ce point de toute précision circonstanciée, ni l'attestation émise le 22 février 2019 par le médecin de famille, selon laquelle M. B... était présent à une consultation dont a bénéficié sa fille le même jour, soit à une date postérieure à celle de l'arrêté contesté, ne peuvent suffire à M. B... à justifier d'une contribution effective à l'éducation de sa fille, ni même de relations régulières avec celle-ci. Par ailleurs, l'intéressé, qui est célibataire, n'établit ni même n'allègue qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel résident, selon ses déclarations, ses parents, ainsi que ses six frères et soeurs et ses cinq demi-frères et demi-soeurs. Enfin, M. B..., qui ne s'est prévalu d'aucune promesse d'embauche, ne justifie d'aucune perspective d'insertion professionnelle en France, ni ne justifie d'une intégration notable dans la société française. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de M. B... en France, la décision de refus de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle ne méconnaît, dès lors, ni les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'est pas davantage établi que, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. B..., la préfète de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

6. En quatrième lieu, les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettent à l'autorité préfectorale de délivrer, au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " prévue à l'article L. 31311 de ce code ou la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " prévue à l'article L. 313-10 du même code à des ressortissants étrangers qui ne satisfont pas aux conditions requises pour prétendre de plein droit à ces titres. Toutefois, cette faculté est subordonnée à la condition que l'admission au séjour du demandeur réponde à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir.

7. Eu égard à ce qui a été dit au point 5 s'agissant de la situation personnelle et familiale de M. B..., il ne ressort pas des pièces du dossier que ce dernier pouvait se prévaloir, à la date de l'arrêté contesté, de motifs exceptionnels, ni de considérations humanitaires, justifiant qu'il soit admis au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, pour lui refuser cette admision, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas méconnu ces dispositions ni n'a commis d'erreur manifeste d'appréciation.

8. En cinquième et dernier lieu, aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant: " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

9. Eu égard à ce qui a été dit au point 5, s'agissant de l'absence de preuve d'une contribution effective de M. B... à l'éducation de sa fille, ni même de l'existence de relations régulières avec celle-ci, pour refuser à l'intéressé la délivrance d'un titre de séjour, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas porté une attention insuffisante à l'intérêt supérieur de cet enfant, ni n'a méconnu les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, en vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, si la décision obligeant un ressortissant étranger à quitter le territoire français doit être motivée, elle n'a pas à faire l'objet, lorsqu'elle est adossée à une décision de refus de séjour, d'une motivation distincte de celle de ce refus. Ainsi qu'il a été dit au point 2, la décision de refus de séjour prononcée par l'arrêté contesté est suffisamment motivée. Par suite, la décision, contenue dans le même arrêté, faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français est, elle-même, suffisamment motivée au regard de l'exigence posée tant par les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que par celles de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 9 que la décision de refus de titre de séjour prise à l'égard de M. B... n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision obligeant l'intéressé à quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de ce refus de séjour doit être écarté.

12. En troisième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 5, le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français aurait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté. En outre, pour les mêmes motifs énoncés au point 5, il n'est pas établi que, pour faire obligation à M. B... de quitter le territoire français, la préfète de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressé.

13. En quatrième et dernier lieu, pour les motifs énoncés au point 9, il n'est pas établi que, pour faire obligation à M. B... de quitter le territoire français, la préfète de la Seine-Maritime aurait porté une attention insuffisante à l'intérêt supérieur de la fille de l'intéressé, en méconnaissance des stipulations, citées au point 8, du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant

Sur la décision fixant le pays de destination :

14. M. B... a sollicité son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale. Il a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui lui a refusé l'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures. Par suite, la garantie consistant dans le droit d'être entendu préalablement à l'édiction de ces décisions, telle qu'elle est notamment protégée par le droit de l'Union européenne, n'a pas été méconnue.

15. Enfin, il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 13 que la décision faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays à destination duquel l'intéressé pourra être reconduit d'office devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette mesure d'éloignement doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles qu'il présente au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et à Me A....

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Seine-Maritime.

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N°19DA02660


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02660
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Binand
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL ANTOINE MARY et CAROLINE INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-07-02;19da02660 ?
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