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17/07/2020 | FRANCE | N°19DA02517

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 juillet 2020, 19DA02517


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 16 avril 2019 par lequel le préfet de l'Eure lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, d'autre part, d'enjoindre à l'autorité préfectorale, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de

procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 16 avril 2019 par lequel le préfet de l'Eure lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, d'autre part, d'enjoindre à l'autorité préfectorale, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 155 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1903144 du 18 octobre 2019, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 novembre 2019 M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 avril 2019 du préfet de l'Eure ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Binand, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D..., ressortissant arménien, né le 2 octobre 1981, a demandé l'asile peu après son entrée en France en 2005. Cette demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile. Sa demande de réexamen a également été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 19 janvier 2006, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 13 décembre 2007. M. D... a alors fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français à laquelle il n'a pas déféré. Alors qu'il était détenu, le préfet de l'Eure, par un arrêté du 16 avril 2019, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. D... relève appel du jugement du 18 octobre 2019 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. D... soutenait devant le tribunal administratif de Rouen que l'arrêté attaqué était entaché de plusieurs erreurs quant aux faits qui en constituaient le fondement, au nombre desquels figurait, notamment, la mention de l'absence de détention de document de voyage. Or, le jugement attaqué ne se prononce pas sur ce moyen, qui, selon les énonciations de l'arrêté dont M. D... faisait la citation littérale, se rapporte aux motifs retenus par le préfet de l'Eure pour faire obligation à l'intéressé de quitter le territoire français, et ne l'a pas davantage visé au nombre des moyens soulevés à l'encontre de cette décision. Dès lors, et quand bien même cette mention erronée procéderait, comme le fait valoir le préfet de l'Eure, d'une erreur de plume sans incidence sur la légalité de cette décision, le jugement attaqué est entaché, à ce titre, d'une irrégularité.

3. Il suit de là, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen tiré par M. D... de l'insuffisance de motivation de ce jugement, que le jugement du 18 octobre 2019 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen doit être annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de M. D... dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, ainsi, par voie de conséquence, en tant qu'il a statué sur les conclusions dirigées contre les décisions refusant de lui accorder un délai de de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français.

4. Il suit de là qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. D... devant le tribunal administratif de Rouen.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, par arrêté du 24 septembre 2018, publié au recueil des actes administratifs spécial n° 27-2018-140 du même jour de la préfecture de l'Eure, M. C... F..., adjoint au chef de bureau de l'éloignement, section éloignement, a reçu délégation du préfet de l'Eure pour signer, notamment, les décisions en matière de police des étrangers au nombre desquelles figurent les décisions attaquées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué, en tant qu'il fait obligation à M. D... de quitter le territoire français, manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

6. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que celle-ci comporte les motifs de droit, en ce qu'elle cite les dispositions des 4° et 7° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les considérations de fait qui en constituent le fondement. Sur ce point, la décision contestée précise, notamment, que M. D... n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour et énumère les nombreux chefs des condamnations pénales prononcées à son encontre, à raison desquels le préfet de l'Eure a estimé que le comportement de l'intéressé constituait une menace à l'ordre public. La décision attaquée est donc suffisamment motivée au regard des exigences posées par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen doit, dès lors, être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) / 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire ou pluriannuel et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre ; / (...) / 7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace à l'ordre public. / (...) ".

8. D'une part, il est constant que le titre de séjour de M. D... expirait le 16 mars 2018 et qu'il n'a effectué des démarches en vue de son renouvellement que le 16 mai 2018. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le défaut de dépôt d'une demande de renouvellement de ce titre de séjour avant qu'il ne soit venu à expiration est imputable à son incarcération qui n'est survenue que le 7 juin 2018.

9. D'autre part, pour estimer que le comportement de M. D... constituait une menace pour l'ordre public, le préfet de l'Eure s'est fondé sur des faits, commis par l'intéressé depuis 2015, d'usage illicite de stupéfiants, de vols, de recels, de conduite d'un véhicule en faisant usage d'un faux permis et d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique pour lesquels il a été condamné à des peines dont la plus élevée s'élevait à 8 mois d'emprisonnement pour ses agissements durant l'année 2018. Il ressort, en outre, des pièces du dossier que des faits essentiellement de vols et d'usage de stupéfiants ont été relevés de manière répétées depuis 2006 à son encontre et ont donné lieu à des condamnations pénales, pour une durée cumulée de plus de trois ans d'emprisonnement. Eu égard à la nature, à la gravité et à la répétition de ces faits, le préfet de l'Eure a considéré à bon droit que le comportement de M. D... constituait une menace pour l'ordre public.

10. Il résulte des deux points qui précèdent que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des 4° et 7° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

11. En quatrième lieu, la circonstance que le préfet de l'Eure aurait, dans l'arrêté contesté, indiqué à tort, par un motif surabondant, que M. D... était démuni de document de voyage, est sans incidence sur la légalité de la mesure d'éloignement, qui trouve son fondement légal, ainsi qu'il vient d'être dit, dans l'application des dispositions des 4° et 7° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. En cinquième lieu, le requérant se prévaut de son concubinage avec une ressortissante française qui élève deux enfants nés d'une précédente union, de la présence en France de ses deux enfants, nés respectivement en 2007 et 2014 d'une précédente union, qui vivent avec leur mère, et de son insertion professionnelle. Toutefois, il n'établit pas, par les attestations insuffisamment probantes de la mère de ses enfants, et par les quelques virements bancaires d'ailleurs postérieurs à l'arrêté contesté, contribuer régulièrement, comme il l'allègue, à l'entretien de ses enfants. Il ne démontre pas davantage contribuer effectivement à leur éducation, en se bornant à faire valoir, d'une part, qu'il est en mesure de suivre leurs résultats scolaires à distance, d'autre part, qu'il exerce, lorsqu'il n'est pas incarcéré, un droit de visite deux fois par mois et, enfin, que ses enfants se sont vu délivrer un permis de visite postérieurement à l'arrêté contesté. L'antériorité de sa relation avec sa compagne n'est pas établie avant la vie commune du couple, qui ne remonte qu'au 1er mars 2018 selon les déclarations de situation adressées aux organismes sociaux. Par ailleurs, le statut d'autoentrepreneur qu'il fait valoir, sans apporter d'éléments sur l'effectivité et l'importance de cette activité, n'est pas de nature, à lui seul, à établir l'insertion professionnelle alléguée par celui-ci. Enfin, il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet de l'Eure, en faisant obligation à M. D... de quitter le territoire français, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard, notamment, du but de préservation de l'ordre public en vue duquel cette décision a été prise. Dès lors, et alors que les conditions de notification de l'arrêté contesté ainsi que les mentions relatives au délai de recours sont, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de cet arrêté, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

13. En sixième lieu, en l'absence d'intensité particulière des liens de M. D... avec ses deux enfants, qui résident, comme il a été dit au point 12, habituellement avec leur mère, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

14. En septième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Eure aurait, dans les circonstances de l'espèce, entaché la décision faisant obligation à M. D... de quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressé.

15. En huitième lieu, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement dont il fait l'objet, constituerait un traitement inhumain et dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.

Sur le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

16. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté, en tant qu'il refuse d'accorder à M. D... un délai de départ, doit être écarté.

17. En deuxième lieu, la décision attaquée, d'une part, vise le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et cite, dans ses motifs, les dispositions du 1° et du c) du 3° de cet article, d'autre part, fait état des condamnations pénales ayant conduit le préfet à considérer que la présence du requérant sur le territoire français constitue une menace à l'ordre public et rappelle qu'il s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire français après l'expiration de son titre de séjour intervenue le 16 mars 2018. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

18. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit, respectivement, aux points 9 et 8, M. D... n'est fondé à soutenir ni que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public ni que la situation de maintien irrégulier sur le territoire français après l'expiration de son titre de séjour est imputable à son incarcération. Par suite, le préfet de l'Eure, en refusant de lui accorder un délai de départ pour déférer à la mesure d'éloignement, n'a pas fait un inexacte application des dispositions du 1° et du c) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni, dans les circonstances de l'espèce, commis d'erreur manifeste d'appréciation.

19. En quatrième lieu, est sans incidence sur la légalité de cette décision, la circonstance que, pour retenir que M. D... ne présentait pas de garanties de représentation, le préfet de l'Eure a indiqué, par une erreur de plume, que l'intéressé ne souhaitait pas retourner en Moldavie alors que son pays d'origine est l'Arménie, comme cela ressort des autres mentions portées en ce sens dans l'arrêté contesté.

20. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 12 à 15, les moyens tirés de ce que la décision refusant d'accorder à M. D... un délai de départ volontaire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de ce qu'elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressé et de ce qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

Sur le pays de renvoi :

21. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté, en tant qu'il fixe le pays de renvoi, doit être écarté.

22. En deuxième lieu, le préfet de l'Eure, après avoir visé l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a relevé que M. D..., de nationalité arménienne, n'établissait pas être exposé à des peines ou des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté.

23. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 12 à 15, les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de ce qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressé et de ce qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. De même, est sans incidence sur la légalité de cette décision le fait, ainsi qu'il a été dit au point 19, que le préfet de l'Eure ait, à l'occasion d'une erreur de plume, mentionné que M. D... ne souhaitait pas retourner en Moldavie, alors en outre que l'arrêté contesté fixe l'Arménie comme pays de renvoi.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans :

24. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier (...) alinéa[s] du présent III (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".

25. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté, en tant qu'il interdit le retour de M. D... sur le territoire français pour une durée de trois ans, doit être écarté.

26. En second lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens contre la décision d'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans sa durée cette mesure et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

27. Dans les circonstances de l'espèce, au regard de la menace pour l'ordre public que représente la présence de M. D... sur le territoire français et des attaches privées et familiales de celui-ci, telles qu'elles ont été indiquées au point 12 du présent arrêt, le préfet de l'Eure, en lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

28. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande, que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 16 avril 2019 du préfet de l'Eure. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que ses conclusions tendant, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 18 octobre 2019 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... et sa demande devant le tribunal administratif de Rouen sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Eure.

3

N°19DA02517


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02517
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Christophe Binand
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SAINT-GEORGES CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-07-17;19da02517 ?
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