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22/09/2020 | FRANCE | N°19DA01028

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 22 septembre 2020, 19DA01028


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... épouse E... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 7 septembre 2017 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Ham a prononcé son licenciement pour motif disciplinaire sans préavis ni indemnité, d'enjoindre au centre hospitalier de Ham de la réintégrer dans ses fonctions dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à venir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, d'enjoindre au centre hospitalier de Ham de la rétablir dans

ses droits sociaux dans un délai d'un mois à compter de la notification du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... épouse E... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 7 septembre 2017 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Ham a prononcé son licenciement pour motif disciplinaire sans préavis ni indemnité, d'enjoindre au centre hospitalier de Ham de la réintégrer dans ses fonctions dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à venir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, d'enjoindre au centre hospitalier de Ham de la rétablir dans ses droits sociaux dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à venir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de condamner le centre hospitalier de Ham à lui verser une indemnité de 8 490,04 euros au titre des traitements non perçus depuis son licenciement et une indemnité de 5 000 euros en indemnisation de son préjudice moral, outre une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1703072 du 5 mars 2019, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 7 septembre 2017 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Ham a prononcé le licenciement de Mme E..., enjoint au centre hospitalier de Ham de réintégrer Mme E... et de la rétablir dans ses droits sociaux, y compris ses droits à pension de retraite, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, condamné le centre hospitalier à verser à Mme E... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 mai 2019 et le 28 novembre 2019, le centre hospitalier de Ham, représenté par Me B... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé la décision du 7 septembre 2017 prononçant le licenciement pour motif disciplinaire de Mme E... ;

2°) de condamner Mme E... au versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Khater, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... C... épouse E... a été recrutée par le centre hospitalier de Ham, par contrat à durée déterminée à compter du 19 août 2002, puis par contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2003, en qualité d'adjoint des cadres hospitaliers. Par un courrier du 7 août 2017, alors qu'elle occupait les fonctions de responsable du bureau des admissions et de la facturation depuis plusieurs années, Mme E... a été informée par le directeur du centre hospitalier de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre pour avoir exercé un harcèlement moral sur les agents placés sous sa responsabilité et employé des méthodes de management inappropriées. Par une décision du 7 septembre suivant, le directeur du centre hospitalier de Ham a prononcé son licenciement pour motif disciplinaire. Par un jugement du 5 mars 2019, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cette décision, enjoint au centre hospitalier de Ham de réintégrer Mme E... et de la rétablir dans ses droits sociaux, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et rejeté le surplus des conclusions des parties, notamment les conclusions indemnitaires présentées par Mme E... aux fins d'indemnisation de ses préjudices financier et moral. Le centre hospitalier de Ham relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé le licenciement prononcé à titre disciplinaire et, par la voie de l'appel incident, Mme E... demande l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier à lui verser une indemnité de 8 490,04 euros au titre des traitements non perçus depuis son licenciement et une indemnité de 5 000 euros en indemnisation de son préjudice moral.

Sur la décision de licenciement pour motif disciplinaire :

2. Aux termes de l'article 39 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : (...) / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. (...) ".

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. Il ressort de la décision prononçant le licenciement sans préavis ni indemnité de Mme E... que le directeur du centre hospitalier de Ham s'est fondé sur des " faits pouvant être qualifiés de harcèlement moral ", une " méthode d'encadrement caractérisée par un contrôle excessif et constant du travail des agents ", une " interdiction posée aux agents de [son] service de coopérer avec d'autres services ", des " critiques vexatoires à l'encontre des agents " du service, un " comportement agressif ayant eu pour effet de nuire gravement au bon fonctionnement du service ", une " désorganisation du service " et un " climat de tension ", ces faits ayant été révélés à l'issue d'une enquête administrative diligentée par la direction au début de l'année 2017.

5. Toutefois, si plusieurs témoignages des agents du bureau des admissions et de la facturation relatent des comportements agressifs et vexatoires de la part de Mme E... à leur égard, qui seraient à l'origine d'une souffrance au travail, cette origine est partiellement contredite par les pièces produites par Mme E..., ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, notamment par les résultats de l'enquête sur la qualité de vie au travail menée en 2016, qui révèlent que les rapports entre les agents du service se sont dégradés alors même que Mme E... était absente du service depuis plusieurs mois, et par les nombreux échanges électroniques produits par Mme E... qui établissent que celle-ci entretenait des rapports cordiaux avec plusieurs agents ayant témoigné contre elle, y compris jusqu'au début de l'année 2017.

6. Certains agents font par ailleurs valoir que Mme E... a été responsable de plusieurs arrêts de travail au sein du service. Toutefois, les fiches d'aptitude médicale remplies par le médecin du travail à la reprise de ces agents mentionnent que ces arrêts étaient justifiés par des affections non professionnelles. S'agissant du cas plus spécifique de l'agent qui a été hospitalisé à plusieurs reprises entre 2005 et 2012 et qui a exprimé se sentir harcelé par sa supérieure hiérarchique jusqu'à tenir des propos suicidaires en 2012, il ressort aussi des pièces du dossier que cet agent est entré en conflit avec plusieurs autres agents du service et que Mme E... a fait preuve de bienveillance à son égard.

7. De manière générale, il ne ressort pas des pièces du dossier que le climat de tension régnant au sein du bureau des admissions et de la facturation et ses dysfonctionnements puissent être regardés comme exclusivement imputables à Mme E.... Le centre hospitalier de Ham n'apporte en appel aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal sur le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits de harcèlement moral reprochés à Mme E..., que ne vient étayer aucune enquête interne approfondie, ni aucune précision quant à la nature et à l'intensité des faits en cause, dénoncés tardivement et de façon très générale par les seuls témoignages des agents concernés qui ne révèlent pas la réalité d'agissements répétés ayant eu pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à leurs droits et à leur dignité, d'altérer leur santé ou de compromettre leur avenir professionnel.

8. Si, par ailleurs, et ainsi que l'ont reconnu les premiers juges, l'attitude inappropriée de Mme E..., caractérisée alternativement par un comportement distant et des propos vexatoires, a pu, ponctuellement, générer au sein du service des tensions vivement ressenties par les agents et peut être qualifiée de fautive, la sanction du licenciement sans préavis ni indemnité d'une agent ayant une ancienneté de quinze ans, n'ayant jamais fait l'objet d'une sanction disciplinaire, n'ayant travaillé effectivement qu'une vingtaine de mois sur les cinq années précédant la sanction litigieuse, à la tête d'un bureau ayant connu une importante désorganisation et de graves dysfonctionnements, et qui, ainsi qu'il a été dit, entretenait par ailleurs des relations cordiales avec plusieurs collaboratrices, apparaît hors de proportion avec les fautes commises.

9. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Ham n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 7 septembre 2017 prononçant le licenciement pour motif disciplinaire de Mme E....

Sur les conclusions indemnitaires incidentes présentées par Mme E... :

10. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " (...) Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ".

11. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que les conclusions indemnitaires présentées par Mme E... tendant à voir condamner le centre hospitalier de Ham à lui verser la somme de 8 490,04 euros au titre des traitements non perçus depuis son licenciement et la somme de 5 000 euros en indemnisation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi aient été précédées d'une réclamation préalable adressée à l'administration. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, de rejeter ces conclusions indemnitaires comme étant irrecevables.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les conclusions du centre hospitalier de Ham tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions de Mme E... présentées au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier de Ham est rejetée.

Article 2 : L'appel incident et les conclusions de Mme E... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Ham et à Mme D... C... épouse E....

2

N°19DA01028


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01028
Date de la décision : 22/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : ANGLE DROIT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-09-22;19da01028 ?
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