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22/10/2020 | FRANCE | N°19DA00233

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 22 octobre 2020, 19DA00233


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour avoir été employé de façon dissimulée en qualité d'interprète et de traducteur par les ministères de la justice et de l'intérieur pendant dix ans et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un juge

ment n° 1600282 du 31 décembre 2018 le tribunal administratif de Lille a rejeté sa de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour avoir été employé de façon dissimulée en qualité d'interprète et de traducteur par les ministères de la justice et de l'intérieur pendant dix ans et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600282 du 31 décembre 2018 le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 janvier 2019, M. B... A... B..., représenté par Me Mougel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour avoir été employé de façon dissimulée en qualité d'interprète et de traducteur par les ministères de la justice et de l'intérieur pendant dix ans ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur ;

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Entre 2004 et 2014, M. B... A... B... a fait l'objet de réquisitions des services de police de l'air et des frontières, ainsi que des tribunaux de grande instance de Boulogne-sur-Mer et de Dunkerque, pour exercer en tant que traducteur et interprète des langues kurde, parsi et arabe, en raison de la pénurie de traducteurs pour ces langues. Du fait de ces activités, il s'est ensuite vu notifier des redressements fiscaux faute d'avoir reversé la taxe sur la valeur ajoutée et déclaré les sommes dues au titre des bénéfices non commerciaux. M. A... B... a, alors, adressé au ministre de la justice une demande indemnitaire d'un montant de 100 000 euros. Le ministère de la justice a rejeté cette demande par décision du 24 décembre 2015. M. A... B... relève appel du jugement du 31 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande visant à obtenir cette indemnisation.

Sur les exceptions d'incompétence de la juridiction administrative :

2. M. A... B... soutient que la responsabilité extracontractuelle de l'Etat serait engagée pour faute à l'égard d'un collaborateur occasionnel du service public. Il revient bien à la juridiction administrative de connaître d'un tel litige. Par suite, les exceptions d'incompétence opposées respectivement par la ministre de la justice et par le ministre de l'intérieur doivent être écartées.

Sur la responsabilité de l'Etat :

3. La réalisation des prestations des interprètent-traducteurs donne lieu à une indemnité au titre des frais de justice sur le fondement des articles R91, R92 et R. 93-1 du code de procédure pénale et la rémunération de ces prestations donne lieu à une liquidation et une taxation suivant un barème fixé par voie réglementaire.

4. En premier lieu, aux termes de l'article 256 A du code général des impôts : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. Ne sont pas considérés comme agissant de manière indépendante : les salariés et les autres personnes qui sont liés par un contrat de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail, les modalités de rémunération et la responsabilité de l'employeur (...) ".

5. L'activité des interprètes-traducteurs s'exerce dans le cadre d'un service organisé par l'administration, dans les locaux de celle-ci et aux horaires qu'elle fixe. Ces contraintes sont inhérentes à l'activité même des professionnels en cause. En outre, si le code de procédure pénale prévoit que les interprètes sont requis ou désignés, ces réquisitions s'opèrent en tout état de cause, par priorité, à partir d'une liste sur laquelle les interprètes-traducteurs se sont volontairement inscrits. Si, du fait de sa nature même, leur travail est accompli sous l'autorité immédiate des officiers de police judiciaire ou des magistrats, les interprètes-traducteurs réalisent leurs prestations de façon indépendante et ne peuvent faire l'objet de sanctions disciplinaires. La rémunération des interprètes-traducteurs est fixée forfaitairement par les dispositions du code de procédure pénale, l'administration ne leur garantit aucun volume d'activité ni aucun revenu minimal. Dès lors, eu égard aux conditions dans lesquelles ils exécutent leur mission, à la nature de leurs relations avec l'administration et aux modalités de leur rémunération, les interprètes-traducteurs collaborateurs du service public de la justice doivent être regardés comme agissant de manière indépendante.

6. M. A... B..., qui n'a pas la qualité d'agent public, doit donc être regardé comme agissant de manière indépendante, alors même que l'Etat est responsable du bon fonctionnement du service public de la justice. Il ne saurait rechercher la responsabilité de l'Etat alors que les redressements fiscaux dont il a fait l'objet correspondent à des impositions dont il était redevable. Par ailleurs, s'il souligne que certains des états de frais émanant de l'administration portaient la mention " non assujetti à la TVA ", cette mention doit être comprise comme signifiant que le décompte était établi hors taxes. Il lui appartenait, en tant que contribuable, de se rapprocher des services fiscaux afin de connaître les modalités d'imposition et de déclaration de ses revenus et activités. Seule son inertie doit être regardée comme étant à l'origine des procédures de redressement dont il a fait l'objet. Par suite, M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que l'Etat aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité " pour s'être rendu coupable de travail dissimulé " et pour n'avoir pas déclaré la taxe sur la valeur ajoutée pour ses prestations de traduction et d'interprétariat.

7. En second lieu, M. A... B... soutient que l'Etat aurait engagé sa responsabilité pour faute en ne le déclarant pas à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et aux organismes de protection sociale. Mais ainsi que cela a été précédemment exposé, il lui appartenait au premier chef de s'enquérir de sa situation auprès de ces organismes. En tout état de cause, M. A... B... se borne à indiquer qu'il perçoit dorénavant le revenu social d'activité et qu'il a divorcé. Il ne fait pas ainsi état de préjudices présentant un lien direct et certain avec une absence de déclaration aux organismes sociaux.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille, a rejeté sa demande. Les conclusions qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées. Il en est de même des conclusions relatives aux dépens, la présente instance n'en ayant entrainé aucun.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... B..., au garde des sceaux, ministre de la justice, et au ministre de l'intérieur.

N°19DA00233 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00233
Date de la décision : 22/10/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP MOUGEL - BROUWER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-10-22;19da00233 ?
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