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05/11/2020 | FRANCE | N°18DA01100

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 05 novembre 2020, 18DA01100


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1503338 du 29 mars 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 mai 2018 et le 28 décembre 2018, M. et Mme A.

.., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1503338 du 29 mars 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 mai 2018 et le 28 décembre 2018, M. et Mme A..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer, à titre principal, la décharge et, à titre subsidiaire, la réduction, en droits et pénalités, de l'imposition et des prélèvements sociaux en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile Holding CL2, dont M. C... A... était associé et le gérant, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, portant sur la période du 30 avril 2010 au 31 décembre 2011, au cours de laquelle le vérificateur a constaté que le compte courant d'associé ouvert au nom de l'intéressé présentait, à la clôture de l'exercice 2010, un solde débiteur de 318 491 euros. L'administration a estimé que M. A... devait être réputé avoir eu la disposition de cette somme et que celle-ci avait la nature d'un revenu distribué imposable entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Par ailleurs, l'administration a estimé que M. A... avait abusivement placé, au titre de l'année 2010, une plus-value de cession de droits sociaux, réalisée dans le cadre d'une opération d'apport puis de cession de titres, sous le régime de sursis d'imposition prévu à l'article 150-0 B du code général des impôts. En utilisant la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, l'administration a entendu remettre en cause le régime d'imposition sous lequel l'intéressé avait placé cette plus-value. Elle a fait connaître sa position, sur ces deux points, à M. et Mme A... par une proposition de rectification qu'elle leur a adressée le 10 septembre 2013. Les intéressés ont présenté des observations et exercé un recours hiérarchique qui n'ont pas amené l'administration à revenir sur sa position. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les suppléments de prélèvements sociaux résultant, au titre de l'année 2010, des rectifications notifiées aux contribuables ont, par suite, été mis en recouvrement le 30 avril 2014. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 29 mars 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels ils ont ainsi été assujettis au titre de l'année 2010.

Sur le bien-fondé des impositions et contributions en litige :

En ce qui concerne le rehaussement relatif aux revenus réputés distribués :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes des dispositions de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes. / Nonobstant toutes dispositions contraires, lorsque ces sommes sont remboursées (...) à la personne morale qui les avait versées, la fraction des impositions auxquelles leur attribution avait donné lieu est restituée aux bénéficiaires ou à leurs ayants cause dans des conditions et suivant des modalités fixées par décret ; / (...) ". En outre, aux termes de l'article 49 quinquies de l'annexe III à ce code, pris pour l'application de ces dispositions : " I. La restitution est ordonnée sur la demande de l'intéressé, adressée au directeur des services fiscaux du département dans lequel le requérant avait son domicile ou son principal établissement au 1er janvier de l'année de la réclamation. / II. La demande de restitution doit être présentée par l'associé ou par ses ayants cause au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle le remboursement a été opéré. / (...) ".

3. Les dispositions précitées n'ouvrent pas au contribuable la possibilité de demander la décharge ou la réduction de la cotisation supplémentaire assise sur les avances, prêts ou acomptes que lui a consentis une société, mais un droit à restitution de l'imposition en principal à proportion des remboursements de ces sommes à la société, à la condition que le contribuable ait procédé au préalable au paiement effectif des impositions procédant de la taxation de ces sommes.

4. Les appelants soutiennent que M. A... a spontanément procédé, en 2011, en 2012 et en 2013, à des remboursements partiels, à concurrence d'un montant total de 138 117 euros, de la somme de 318 491 euros correspondant au solde débiteur que présentait, à la clôture de l'exercice clos en 2010, le compte courant d'associé ouvert à son nom dans la comptabilité de la société civile Holding CL2. Toutefois, à supposer même que l'extrait du grand livre général de cette société, que M. et Mme A... versent à l'instruction et qui présente la situation de ce compte courant d'associé au 6 novembre 2013, soit de nature à établir la réalité de ces remboursements, les intéressés, qui d'ailleurs ne contestent pas n'avoir pas acquitté les impositions en litige de sorte qu'ils ne pourraient en obtenir en tout ou partie la restitution, ne peuvent, en vertu des principes rappelés au point précédent, prétendre, en conséquence des remboursements dont ils se prévalent, à la décharge, ni même à la réduction, des impositions procédant de la réintégration, dans leurs revenus imposables de l'année 2010, de la somme de 318 491 euros, correspondant au solde débiteur, au 31 décembre 2010, du compte courant d'associé ouvert au nom de M. A... dans la comptabilité de la société civile Holding CL2. Comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges, en dépit de l'erreur de plume affectant le point 4 du jugement attaqué, consistant à mentionner l'inscription de celle-ci au crédit et non au débit du compte courant d'associé, cette somme de 318 491 euros a pu, à bon droit, être regardée par l'administration, dès lors qu'elle constituait le solde débiteur d'un compte dont M. A... avait la libre disposition et qu'aucun élément ne permettait d'en établir l'objet, comme correspondant, au sens des dispositions précitées du a. de l'article 111 du code général des impôts, à des revenus distribués imposables entre les mains de M. et Mme A..., qui n'en contestent d'ailleurs pas l'appréhension.

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

5. Le paragraphe n°320 de la doctrine BOI-RPPM-RCM-10-20-20-20 du 12 septembre 2012, qui est issu du paragraphe n°36 de la documentation administrative de base 4 J-1212 à jour au 1er novembre 1995, ne comporte, s'agissant des conditions dans lesquelles un contribuable peut obtenir la restitution d'une imposition à laquelle il a été assujetti, à raison d'une somme réputée distribuée, sur le fondement du a. de l'article 111 du code général des impôts, aucune interprétation formelle de la loi fiscale qui soit différente de celle dont le présent arrêt fait application. M. et Mme A... ne sont, dès lors, pas fondés à se prévaloir de cet extrait de doctrine sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le rehaussement relatif au report de l'imposition de la plus-value :

6. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / (...) ".

7. En vertu de l'article 150-0 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige, les plus-values réalisées dans le cadre d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés bénéficient d'un sursis d'imposition au titre de l'année de l'échange des titres. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 de laquelle elles sont issues, que le législateur a, en les adoptant, entendu faciliter les opérations de restructuration d'entreprises, en vue de favoriser la création et le développement de celles-ci, par l'octroi automatique d'un sursis d'imposition pour les plus-values résultant de certaines opérations qui ne dégagent pas de liquidités. L'opération par laquelle des titres d'une société sont apportés par un contribuable à une société qu'il contrôle, puis sont immédiatement cédés par cette dernière, répond à l'objectif économique ainsi poursuivi par le législateur, lorsque le produit de cession fait l'objet d'un réinvestissement, à bref délai, par cette société. En revanche, en l'absence de réinvestissement, une telle opération doit, en principe, être regardée comme poursuivant un but exclusivement fiscal dans la mesure où elle conduit, en différant l'imposition de la plus-value, à minorer l'assiette de l'année au titre de laquelle l'impôt est normalement dû à raison de la situation et des activités réelles du contribuable.

8. Lorsque l'administration entend remettre en cause les conséquences fiscales d'une opération qui s'est traduite par un sursis d'imposition au motif que les actes passés par le contribuable ne lui sont pas opposables, elle est fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. En effet, une telle opération, dont l'intérêt fiscal est de différer l'imposition, entre dans le champ d'application de cet article, dès lors qu'elle a nécessairement pour effet de minorer l'assiette de l'année au titre de laquelle l'impôt est normalement dû à raison de la situation et des activités réelles du contribuable.

9. M. et Mme A..., qui détenaient 8 000 des 8 500 actions qui composaient le capital de la société par actions simplifiée (SAS) Agence Immo, ont, lors de la création, le 30 avril 2010, de la société civile Holding CL2, apporté au capital de cette dernière 3 902 des actions ainsi détenues par eux et ont, en outre, effectué un apport en numéraire de 756 euros. Ces apports ont permis aux intéressés de devenir détenteurs de 99,96 % du capital de la société civile Holding CL2, dont M. A... a été nommé gérant statutaire. La plus-value, évaluée à hauteur de la somme de 327 330 euros, réalisée à l'occasion de l'échange ainsi opéré par M. et Mme A..., entre les actions de la SAS Agence Immo apportées par eux au capital de la société civile Holding CL2 et les participations dans le capital de cette dernière, a été soumise par les intéressés au sursis d'imposition prévu par les dispositions, rappelées au point 7, de l'article 150-0 B du code général des impôts. La société civile Holding CL2, dont l'objet social consiste dans l'exercice d'une activité de contrôle et de prise de participation dans des sociétés et qui a opté, le 23 juin 2010, pour le régime d'imposition applicable aux sociétés de capitaux, a ensuite, aux termes d'un acte de cession d'actions conclu le 5 mai 2010, cédé à la société unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Acro Immo, dont l'objet social est le contrôle et la prise de participation dans toute société, les 3 902 actions de la SAS Agence Immo apportées par M. et Mme A..., cette cession, conclue pour un prix de 462 202 euros, ayant généré une moins-value à court terme de 13 842 euros. Par le même acte, M. et Mme A... ont également cédé à l'EURL Acro Immo les 4 098 actions de la SAS Agence Immo qui étaient restées en leur possession et ont déclaré, au titre de cette cession, conclue pour un montant de 485 449 euros, une plus-value imposable de 324 660 euros. Enfin, le porteur des 500 actions restantes a cédé celles-ci à l'EURL Acro Immo, de sorte que cette dernière est devenue, au 31 décembre 2012, l'unique associée de la SAS Agence Immo.

10. Pour estimer que l'interposition de la société civile Holding CL2 avait permis à M. et Mme A... de bénéficier abusivement, pour une partie du prix de cession à l'EURL Acro Immo de leurs participations dans le capital de la SAS Agence Immo, du régime de sursis d'imposition prévu à l'article 150-0 B du code général des impôts, l'administration s'est fondée sur le fait que le produit de cette cession n'avait pas donné lieu à un réinvestissement significatif, mais qu'il avait été appréhendé par M. et Mme A..., qui s'étaient rendus débiteurs de la société civile Holding CL2. Le ministre de l'action et des comptes publics, qui s'approprie ce raisonnement dans ses écritures, fait valoir, à son soutien, que le réinvestissement du prix de cession ne s'est traduit que par la création, le 2 septembre 2010, de l'EURL HCL, qui a pour objet social l'exercice d'une activité de marchand de biens et de gestion d'immeubles et pour gérant statuaire M. A..., ce réinvestissement s'étant concrétisé par l'acquisition, par la société civile Holding CL2, dont le siège social est situé à la même adresse, des 800 parts composant le capital social de l'EURL HCL, pour une somme de 8 000 euros, laquelle représente 1,78 % du produit de la cession à l'EURL Acro Immo, par la société civile Holding CL2, des 3 902 actions de la SAS Agence Immo apportées à son capital par M. et Mme A.... Le ministre ajoute que la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la société civile Holding CL2 a révélé l'existence d'un compte courant d'associé ouvert au nom de l'EURL HCL, présentant un solde débiteur de 4 722 euros au 31 décembre 2010 et de 138 795 euros au 31 décembre 2011. Il précise que ce contrôle a permis, en outre, de mettre en évidence le fait que la société civile Holding CL2 avait porté, dans la comptabilité de son exercice clos en 2012, une provision constatant la dépréciation, à hauteur de 100 % de son montant, de la participation d'une valeur de 8 000 euros qu'elle avait prise dans le capital de l'EURL HCL. Enfin, le ministre fait valoir que la situation débitrice que présentait au 31 décembre 2010, à hauteur de la somme de 318 491 euros, ainsi qu'il a été dit au point 4, le solde du compte courant d'associé ouvert au nom de M. A... dans la comptabilité de la société civile Holding CL2, compte dont l'intéressé avait la libre disposition, permet d'établir que celui-ci a appréhendé, au moins pour partie, le produit de la cession par cette société des participations qu'elle détenait dans le capital de la SAS Agence Immo et d'achever de démontrer l'emploi purement patrimonial de ce produit.

11. M. et Mme A... contestent ces éléments et soutiennent qu'ils projetaient de réinvestir le produit de la cession en cause dans une activité économique, à savoir la création, à Amiens, d'un magasin de décoration, ainsi que d'un établissement de restauration et de réception. Ils indiquent également que le montant de ce réinvestissement ne se limite pas aux 8 000 euros correspondant à la participation prise par la société civile Holding CL2 dans le capital de l'EURL HCL, mais qu'il excède la somme de 250 000 euros. Ils se prévalent, pour en justifier, d'un extrait du grand livre général de la société civile Holding CL2, qui révèle que le compte courant d'associé ouvert au nom de l'EURL HCL présentait, au 6 novembre 2013, un solde débiteur s'élevant à 246 685,88 euros. Ils ajoutent que le montant de ce solde est irrécupérable, au motif que l'EURL HCL a été contrainte de cesser son activité en raison du manque de fréquentation du magasin imputable, selon eux, à des difficultés d'accès occasionnées par des travaux effectués sur la voie publique, et que cette société a fait l'objet, le 20 juillet 2017, d'une dissolution sans liquidation, par voie de transmission universelle de son patrimoine. Ils font ainsi observer que le montant total du réinvestissement, qui équivaut à leurs yeux à celui de la prise de participation de la société civile Holding CL2, à hauteur de 8 000 euros, dans le capital de l'EURL HCL, auquel s'ajoute le montant du solde débiteur du compte courant d'associé ouvert au nom de cette dernière dans la comptabilité de la société civile Holding CL2, atteint ainsi 52,46 % du montant de leur apport total dans l'opération et qu'en dépit du fait que leur intention a toujours été de faire aboutir ce projet, il n'a pu être mis en oeuvre pour des raisons indépendantes de leur volonté. Ils soutiennent, en outre, que leur projet d'investissement dans un fonds de commerce de restauration et de réception a reçu un commencement d'exécution, par la signature, le 16 octobre 2012, d'un compromis d'achat du fonds et de l'immeuble pour un montant total de 1 250 000 euros, que cet investissement, s'il avait pu être mené à son terme, aurait excédé 100 % du prix de cession des actions de la SAS Agence Immo et qu'il n'a cependant pu aboutir en raison du refus des banques de leur accorder les financements qu'ils avaient sollicités. M. et Mme A... précisent à cet égard que le fait que ce compromis d'achat n'a pas été signé par l'EURL HCL est indifférent et que l'administration n'a pu valablement leur opposer l'absence d'aboutissement, pour des raisons qui ne peuvent leur être imputées, de ces deux projets, sans tenir compte des démarches qu'ils ont ainsi accomplies afin de les mener à bien. Par ailleurs, M. et Mme A... soutiennent qu'ils n'ont aucunement appréhendé le produit de la cession, par la société civile Holding CL2, des titres de la SAS Agence Immo. Enfin, ils font observer que, si leur intention avait été réellement de tirer abusivement profit du régime de sursis d'imposition à des fins exclusivement fiscales, ils auraient apporté l'intégralité de leurs actions au capital de la société civile Holding Cl2, afin de maximiser le bénéfice tiré de l'opération, et non une partie seulement de celles-ci, et n'auraient pas davantage soumis spontanément à l'impôt sur le revenu le produit de la cession des titres restants.

12. Toutefois, M. et Mme A... justifient seulement, en ce qui concerne l'investissement dans la création du commerce de décoration qu'ils indiquent avoir voulu mener à bien, d'une prise de participation, par la société civile Holding CL2, à concurrence de la somme de 8 000 euros, dans le capital de l'EURL HCL, dont l'objet social était l'exercice d'une activité de marchand de biens immobiliers et non la gestion d'un fonds de commerce. Par ailleurs, en ce qui concerne l'investissement qu'ils indiquent avoir projeté dans la création d'un fonds de commerce de restauration et de réception, M. et Mme A... ont produit à l'instruction une promesse d'achat, qu'ils ont conclue sous la forme authentique le 16 octobre 2012, portant sur l'acquisition d'un fonds de commerce de restauration, ainsi d'ailleurs qu'une autre promesse d'achat, conclue par eux à la même date et sous la même forme, portant sur l'acquisition d'un l'immeuble situé à Amiens. Cependant, ces promesses d'achat sont toutes deux conclues par M. et Mme A... et non par la société civile Holding CL2, bénéficiaire du sursis d'imposition destiné à faciliter de tels investissements. Ainsi, en admettant même que ce projet d'installation d'un fonds de commerce de restauration et de réception était effectivement l'objectif recherché par M. et Mme A... et que ce projet n'a pu être mené à bien pour des raisons indépendantes de leur volonté, cet objectif ne peut justifier, autrement que par la recherche d'un intérêt purement fiscal, l'interposition de la société civile Holding CL2 dans la réalisation de l'opération de cession de titres destinée à contribuer à son financement. Par ailleurs, en l'absence, dans ces conditions, d'élément permettant de justifier de l'objet des écritures d'apport figurant, sur l'extrait de grand livre comptable produit par les appelants, au débit du compte courant d'associé ouvert au nom de l'EURL HCL dans la comptabilité de la société civile Holding CL2, pour les montants de 2 637,80 euros, 5 000 euros, 30 518 euros et 3 185,45 euros lesquelles inscriptions, enregistrées entre le 31 mars 2013 et le 31 octobre 2013, ont, au vu du même extrait, pour contrepartie des inscriptions de même montant au crédit du compte courant d'associé ouvert, dans la comptabilité, au nom de M. A..., le solde débiteur d'un montant de 246 685,88 euros que présentait ce compte courant d'associé de l'EURL HCL, dont se prévalent les appelants, ne peut, par lui-même, suffire à leur permettre de justifier d'un réinvestissement, par la société civile Holding CL2, du produit de cession au titre duquel celle-ci a bénéficié du sursis d'imposition. De surcroît, du fait de la situation débitrice que présentait au 31 décembre 2010, ainsi qu'il a été dit au point 4, à hauteur de 318 491 euros, le compte courant d'associé de M. A..., dont celui-ci, au demeurant détenteur de 99,96 % du capital de la société civile Holding CL2 et gérant statutaire de celle-ci, avait la libre disposition, M. et Mme A... doivent être réputés avoir appréhendé, fût-ce pour partie, le produit de cette cession. Enfin, le seul fait que M. et Mme A... n'aient pas apporté au capital de la société civile Holding CL2 l'intégralité des actions de la SAS Agence Immo qu'ils détenaient ne permet pas de contester utilement l'analyse de l'administration, selon laquelle l'interposition de la société civile Holding CL2 dans la cession par les intéressés d'une partie de leurs titres répondait à un intérêt purement fiscal. Ainsi, par les éléments concordants qu'il avance, le ministre de l'action et des comptes publics doit être regardé comme apportant la preuve, qui incombe à l'administration, de ce que cette interposition a permis à M. et Mme A... de bénéficier abusivement, pour une partie du prix de cession à l'EURL Acro Immo de leurs participations dans le capital de la SAS Agence Immo, du régime de sursis d'imposition prévu à l'article 150-0 B du code général des impôts. L'administration était, dès lors, fondée à écarter comme ne lui étant pas opposable, dans le cadre de la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, l'acte d'apport à la société civile Holding CL2 des titres en cause, à regarder la cession de ces titres comme ayant été effectuée par M. et Mme A... et, en conséquence, à soumettre à l'impôt sur le revenu, entre leurs mains, la plus-value correspondante.

Sur le bien-fondé des pénalités :

13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / b. 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ; / (...) ".

14. Le ministre de l'action et des comptes publics fait valoir que M. A..., gérant statutaire et détenteur de 99,96 % du capital de la société civile Holding CL2, a laissé subsister, au 31 décembre 2010, sur le compte courant d'associé ouvert à son nom dans la comptabilité de cette société, un solde débiteur de 399 205 euros, ramené à 318 491 euros au 31 décembre 2011, alors qu'une telle situation débitrice, dont l'objet précis n'était établi par aucun élément, avait déjà été constatée et clairement exposée au contribuable, à l'occasion d'un précédent contrôle, par une proposition de rectification du 17 décembre 2008, et que l'administration avait en conséquence déjà procédé à des rehaussements à ce titre. Le ministre établit, ce faisant, l'intention délibérée, qui a été celle de M. A..., en ne portant pas la somme correspondante sur sa déclaration de revenus, d'éluder l'impôt, alors même que l'intéressé a effectué, après la notification de ces précédents rehaussements, des remboursements très partiels, à concurrence de la somme de 138 117 euros, à la fin de la période vérifiée, puis au cours des années 2012 à 2013, et justifie, dès lors, le bien-fondé de la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts, dont l'administration a fait application au chef de rehaussement relatif aux revenus réputés distribués.

15. L'administration a établi, ainsi qu'il a été dit au point 12, que M. et Mme A... ont indûment bénéficié, dans des conditions constitutives d'un abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, du régime de sursis d'imposition prévu à l'article 150-0 B du code général des impôts pour une partie du prix de cession à l'EURL Acro Immo de leurs participations dans le capital de la SAS Agence Immo. Elle était donc fondée à assortir le rehaussement correspondant, de la majoration prévue en cas d'abus de droit par les dispositions précitées du b. de l'article 1729 du code général des impôts. Par ailleurs, l'administration fait valoir que M. A..., gérant majoritaire de la société civile Holding CL2 à laquelle il a apporté une partie des actions qu'il détenait dans le capital de la SAS Agence Immo, avait souscrit le 4 février 2010, avant même la création, le 30 avril 2010, de la société civile Holding CL2, avec les représentants légaux de l'EURL Acro Immo, une promesse synallagmatique de cession à cette dernière de l'ensemble des actions de la SAS Agence Immo alors en sa possession. L'administration établit, ce faisant, que M. A... a pris une part active à ce montage consistant à obtenir, par l'interposition de la société civile Holding CL2, un avantage fiscal indu lui ayant permis de bénéficier de liquidités. C'est donc à bon droit qu'il a été fait application par l'administration du taux de 80 % prévu par le b. de l'article 1729 du code général des impôts.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande. Les conclusions qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... A... et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°18DA01100


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01100
Date de la décision : 05/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Abus de droit et fraude à la loi.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués - Notion de revenus distribués - Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CABINET GUEROULT - FLEYRAT ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-11-05;18da01100 ?
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