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10/11/2020 | FRANCE | N°19DA01958

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 10 novembre 2020, 19DA01958


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler la décision du 29 septembre 2015 du directeur du centre hospitalier de Sambre-Avesnois prononçant son licenciement pour suppression d'emploi, ensemble la décision du 15 décembre 2015 de rejet de son recours gracieux, de prononcer sa réintégration au sein de l'établissement et, d'autre part, de condamner le centre hospitalier de Sambre-Avesnois à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi.

Par

un jugement avant-dire-droit du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Lill...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler la décision du 29 septembre 2015 du directeur du centre hospitalier de Sambre-Avesnois prononçant son licenciement pour suppression d'emploi, ensemble la décision du 15 décembre 2015 de rejet de son recours gracieux, de prononcer sa réintégration au sein de l'établissement et, d'autre part, de condamner le centre hospitalier de Sambre-Avesnois à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi.

Par un jugement avant-dire-droit du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision du 29 septembre 2015 et celle du 15 décembre 2015 de rejet du recours gracieux formé par M. B..., a enjoint au centre hospitalier de Sambre-Avesnois de procéder à la réintégration de l'intéressé dans un délai d'un mois, a condamné cet établissement à verser à M. B... la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral subi et, s'agissant du préjudice financier résultant des pertes de rémunérations, a ordonné un supplément d'instruction aux fins pour les parties de produire toutes informations utiles à la détermination de son montant.

Par un jugement n° 1601555 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Lille a condamné le centre hospitalier de Sambre-Avesnois à verser à M. B... la somme de 41 767 euros en réparation du préjudice financier subi du fait de l'illégalité fautive entachant la décision du 29 septembre 2015 prononçant son licenciement pour suppression d'emploi.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 août 2019, M. B..., représenté par Me C... F..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a limité à 41 767 euros la somme que le centre hospitalier de Sambre-Avesnois a été condamné à lui verser en indemnisation de son préjudice financier ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Sambre-Avesnois à lui verser une somme de 200 000 euros en indemnisation de son préjudice subi du fait de son licenciement ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge du centre hospitalier de Sambre-Avesnois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le décret n° 91-870 du 5 septembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me H... G... substituant Me C... F... représentant M. B... et de Me A... D... représentant le centre hospitalier de Sambre-Avesnois.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 20 octobre 1970, a été recruté par le centre hospitalier de Sambre-Avesnois par un contrat à durée indéterminée en date du 1er septembre 2011 en qualité d'ingénieur hospitalier principal. A la suite d'une demande de l'intéressé, il a été placé en congé de formation professionnelle du 2 septembre 2014 au 1er septembre 2015, congé prolongé jusqu'au 13 septembre 2015. Après la signature avec l'agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais, le 13 novembre 2014, d'un plan de retour à l'équilibre afin de rationaliser les charges de personnel, le directeur du centre hospitalier a, par une décision du 29 septembre 2015, prononcé le licenciement de M. B... pour suppression de son emploi de responsable d'exploitation. Par un jugement du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision et celle de rejet du recours gracieux de l'intéressé, au motif que le centre hospitalier avait méconnu l'obligation de recherche de reclassement de M. B... qui lui incombait et enjoint au centre hospitalier de réintégrer l'intéressé dans un délai d'un mois. S'agissant de la demande indemnitaire, par ce même jugement, le tribunal a, avant-dire-droit, ordonné un supplément d'instruction quant aux rémunérations, primes et indemnités que l'intéressé aurait perçues pendant sa période d'éviction et condamné le centre hospitalier à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral. Puis, par un jugement du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Lille a condamné le centre hospitalier de Sambre-Avesnois à verser à M. B... la somme de 41 767 euros en réparation du préjudice financier subi du fait de l'illégalité fautive entachant la décision de licenciement du 29 septembre 2015. M. B... relève appel du jugement du 20 juin 2019 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a limité le montant de son indemnisation à la somme de 41 767 euros.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Sambre-Avesnois :

2. L'engagement de la responsabilité du centre hospitalier de Sambre-Avesnois à raison de l'illégalité fautive de la décision du 29 septembre 2015 prononçant le licenciement de M. B... n'est pas contesté.

Sur la réparation des préjudices subis par M. B... :

3. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doivent être prises en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations et des allocations pour perte d'emploi que l'agent a pu percevoir au cours de la période d'éviction.

4. En premier lieu, M. B... soutient à nouveau de manière identique que le montant mensuel de son traitement en vigueur préalablement à son congé de formation professionnelle était de 2 694,63 euros et que sa perte de salaire sur une période de six mois s'élève ainsi à la somme de 16 168,98 euros. Toutefois, il résulte de l'instruction, en particulier des éléments communiqués par le centre hospitalier de Sambre-Avesnois à la suite du supplément d'instruction ordonné par le jugement avant-dire-droit du 14 mars 2019 susvisé, que M. B... aurait perçu, s'il avait été maintenu dans son emploi, un traitement indiciaire mensuel net de 2 191,90 euros et non de 2 694,63 euros. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu ce montant pour évaluer la perte de salaires subie par M. B... pendant la période du 1er janvier 2016 au 7 mars 2019, date à laquelle le tribunal administratif de Lille s'est prononcé sur le principe de la demande indemnitaire de M. B.... Dans ce montant, ont été prises en compte l'indemnité de résidence d'un montant net mensuel de 21,92 euros et une indemnité de sujétion spéciale d'un montant mensuel net de 181,76 euros.

5. En outre, si M. B... fait valoir qu'il est fondé à demander la prise en compte de la prime de technicité et de l'indemnité de chaussures, en vertu du décret du 5 septembre 1991, la prime de technicité attribuée aux ingénieurs hospitaliers est liée à l'exercice effectif des fonctions et il en est de même de l'indemnité de chaussures. Par suite, c'est à bon droit que celles-ci ont été exclues du montant de l'indemnité due. Par ailleurs, M. B... ne critique pas le principe de la déduction des revenus d'activité qu'il a perçus pendant sa période d'éviction d'un montant de 91 573 euros, ni celle de la somme de 44 694, 31 euros au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi qu'il a perçue pour la même période, ni celle de 1 024, 32 euros au titre des indemnités journalières de sécurité sociale perçues en octobre 2016, de 3 767,22 euros pour un stage de formation professionnelle suivi entre juin 2018 et février 2019 et de 320,88 euros correspondant à des activités exercées auprès de la commune de Seclin en janvier 2018. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont évalué à la somme de 41 767 euros le montant de l'indemnité due à M. B... en réparation de son préjudice financier.

6. En deuxième lieu, M. B... soutient qu'il a été privé de la rémunération relative aux astreintes qu'il aurait dû assurer. Toutefois, si l'intéressé a demandé au début du mois de septembre 2015 à assurer des astreintes informatiques, il n'apporte cependant aucun élément de nature à démontrer que sa demande aurait été acceptée alors qu'il ne ressort pas des fiches de paie produites qu'il aurait perçu antérieurement régulièrement une rémunération à ce titre. S'il fait également valoir qu'il n'a pu bénéficier de l'intégralité des congés payés et des jours de RTT de l'année 2019, suite à sa réintégration, cette circonstance est, en tout état de cause, sans lien avec l'illégalité commise.

7. En troisième lieu, le requérant demande l'indemnisation du préjudice résultant pour lui de l'absence d'évolution professionnelle pendant la période d'éviction. Toutefois, l'annulation du licenciement dont il a fait l'objet implique la reconstitution de sa carrière, y compris les avancements d'échelon dont il aurait dû bénéficier. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il a subi un préjudice à ce titre. Par ailleurs, il ne démontre pas que le taux de prime de technicité aurait dû être de 20 % en l'absence de la mesure d'éviction illégale. Enfin, l'exécution du jugement annulant la mesure d'éviction impliquant nécessairement la régularisation de l'affiliation de l'agent à la caisse de retraite de laquelle il aurait relevé en l'absence d'intervention de la décision illégale et, par suite, le versement par l'employeur des cotisations correspondantes, M. B... ne peut ainsi prétendre à aucune indemnité à ce titre.

8. En quatrième lieu, si M. B... soutient qu'il a souffert d'un syndrome dépressif qui a entraîné son hospitalisation pendant deux mois et a pour origine son licenciement, il n'établit cependant pas par les seuls éléments médicaux produits, à savoir un certificat médical du 27 août 2018 qui se borne à mentionner un " syndrome dépressif sévère ", un bulletin d'hospitalisation et un autre certificat médical du 3 septembre 2018 qui reprend les propres déclarations de M. B..., que les troubles psychologiques dont il a souffert trouveraient leur origine exclusive dans la mesure d'éviction dont il a fait l'objet. En outre, et en tout état de cause, par le jugement du 14 mars 2019 du tribunal administratif de Lille, M. B... a été indemnisé du préjudice moral subi du fait de sa perte d'emploi en s'étant vu allouer la somme de 2 000 euros.

9. Enfin, si M. B... fait valoir que son projet de passer des concours dans la fonction publique hospitalière n'a pu se réaliser pendant la période d'éviction, il n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par le centre hospitalier de Sambre-Avesnois, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a limité à 41 767 euros la somme qui lui a été allouée en indemnisation du préjudice subi à la suite de son licenciement illégal.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Le centre hospitalier de Sambre-Avesnois n'étant pas la partie perdante à l'instance, les conclusions de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement, au même titre, au centre hospitalier de Sambre-Avesnois d'une somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera au centre hospitalier de Sambre-Avesnois une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N°19DA01958


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01958
Date de la décision : 10/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat - Licenciement.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SELARL AVOCATCOM

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-11-10;19da01958 ?
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