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10/11/2020 | FRANCE | N°19DA02579

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 10 novembre 2020, 19DA02579


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les arrêtés du 1er décembre 2017 par lesquels le préfet du Pas-de-Calais a prononcé son expulsion du territoire français et a fixé le pays de destination de cette mesure.

Par un jugement du 21 mai 2019, après avoir joint les requêtes n° 1710273 et n° 1710545, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2019, M. C..., représent

par Me A... E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les arrêtés du 1er décembre 2017 par lesquels le préfet du Pas-de-Calais a prononcé son expulsion du territoire français et a fixé le pays de destination de cette mesure.

Par un jugement du 21 mai 2019, après avoir joint les requêtes n° 1710273 et n° 1710545, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2019, M. C..., représenté par Me A... E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du 1er décembre 2017 du préfet du Pas-de-Calais prononçant l'expulsion du territoire de M. C... et fixant le pays de destination ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... D..., présidente de chambre,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me A... E..., pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. F... C..., ressortissant macédonien né le 10 mars 1967, a déclaré être entré en France en 2011, accompagné de son épouse. M. C... relève appel du jugement du 21 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 1er décembre 2017 prononçant son expulsion du territoire français et fixant le pays de destination.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. " Aux termes de l'article L. 521-3 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : (...) 5° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. "

3. Aux termes de l'article R. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'état de santé défini au 5° de l'article L. 521-3 est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues à l'article R. 511-1. " Et aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. " Il résulte de la combinaison des dispositions précitées qu'avant de prononcer une mesure d'expulsion à l'encontre d'un étranger, résidant habituellement en France, qui a sollicité son maintien sur le territoire compte tenu de son état de santé ou qui justifie d'éléments suffisamment précis sur la nature et la gravité des troubles dont il souffre, l'autorité préfectorale doit recueillir l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été, en l'espèce, privé d'une garantie ou, à défaut, si cette irrégularité a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise.

5. M. C..., qui déclare être entré en France en 2011, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 15 mai 2012, confirmée par une décision du 10 janvier 2013 de la Cour nationale du droit d'asile. Il a ensuite sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Après avoir saisi pour avis le médecin de l'agence régionale de santé, le préfet du Pas-de-Calais a invité M. C... à compléter son dossier en s'acquittant du droit de visa de régularisation. Toutefois, faute d'avoir pu se présenter physiquement en préfecture en raison de son incarcération, il n'a pas pu compléter son dossier.

6. M. C... a, par la suite, été condamné par un jugement du 28 avril 2017 du tribunal correctionnel de Valenciennes à une peine de quatre ans d'emprisonnement, dont un an avec sursis avec mise à l'épreuve d'une durée de deux ans, pour des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni au moins de cinq ans d'emprisonnement et de recel habituel de biens provenant d'un délit. Sa peine venant à expiration le 1er décembre 2017, le préfet du Pas-de-Calais, qui envisageait de prendre une mesure d'expulsion contre le requérant, a convoqué l'intéressé devant la commission d'expulsion, qui s'est réunie le 6 octobre 2017. Par un courrier du 28 novembre 2017, le préfet du Pas-de-Calais a confirmé sa volonté de prononcer à l'encontre de M. C... une mesure d'expulsion, en dépit de l'avis défavorable de la commission d'expulsion. L'arrêté prononçant l'expulsion de l'intéressé a été pris le 1er décembre 2017 et, par un arrêté du même jour, le préfet a fixé le pays de destination. Or, il ressort des pièces du dossier que M. C... a, à plusieurs reprises, informé l'autorité préfectorale de ses problèmes psychiatriques et cardiologiques et, en dernier lieu, lors de l'entretien mené le 26 novembre 2017 préalablement à l'édiction de l'arrêté d'expulsion. Il ressort également des pièces médicales des 19 avril 2016 et 13 juillet 2017 que M. C... a été reçu en consultation médicale psychiatrique à douze reprises au cours de son incarcération. Dès lors, en s'abstenant de saisir le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, alors que M. C... établit avoir porté à sa connaissance des éléments suffisamment précis de nature à justifier la saisine de ce collège de médecins, le préfet du Pas-de-Calais l'a privé d'une garantie. Par suite, M. C... est fondé à soutenir que la mesure d'expulsion est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière.

7. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 1er décembre 2017 prononçant son expulsion du territoire français et fixant le pays de destination de cette mesure. Il y a donc lieu de prononcer l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille et, par l'effet dévolutif de l'appel, l'annulation de l'arrêté du 1er décembre 2017 prononçant l'expulsion de M. C... et l'arrêté du même jour fixant le pays de destination.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser à Me E..., conseil de M. C..., sous réserve que cette avocate renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1710273, 1710545 du 21 mai 2019 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Les arrêtés du 1er décembre 2017 prononçant l'expulsion de M. C... et fixant le pays de destination sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera à Me A... E... la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.

N°19DA02579 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02579
Date de la décision : 10/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02 Étrangers. Expulsion.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Seulin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : THIEFFRY

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-11-10;19da02579 ?
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