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22/12/2020 | FRANCE | N°19DA01113

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 22 décembre 2020, 19DA01113


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B..., M. E... B... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée B..., ont demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler l'arrêté du 16 février 2017 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a refusé à M. E... B... l'autorisation d'exploiter au sein de l'exploitation agricole à responsabilité limitée B... les parcelles cadastrées YB nos 8 et 9, et YC nos 32, 20 et 21, situées sur le territoire de la commune d'Epehy, ensemble la décision implicite de rejet d

e leur recours gracieux et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B..., M. E... B... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée B..., ont demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler l'arrêté du 16 février 2017 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a refusé à M. E... B... l'autorisation d'exploiter au sein de l'exploitation agricole à responsabilité limitée B... les parcelles cadastrées YB nos 8 et 9, et YC nos 32, 20 et 21, situées sur le territoire de la commune d'Epehy, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 16 février 2017 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a accordé à M. D... B... l'autorisation d'exploiter les mêmes parcelles, ensemble de la décision implicite de rejet de leur recours gracieux et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1702295, 1702296 du 12 mars 2019, le tribunal administratif d'Amiens a annulé les deux arrêtés du 16 février 2017, ensemble les décisions de rejet des recours gracieux formés par M. F... B..., M. E... B... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée B... et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mai 2019, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance présentée par M. F... B..., M. E... B... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée B....

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Khater, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Baillard, rapporteur public ;

- et les observations de Me A... G... substituant Me H... C..., représentant M. F... B..., M. E... B... et l'EARL B....

Considérant ce qui suit :

1. M. F... B... est associé unique de l'exploitation agricole à responsabilité limitée B... qui exploite une surface de 92 hectares 87 ares 41 centiares sur des parcelles cadastrées YB nos 8 et 9, et YC nos 32, 20 et 21 sises à Epehy. M. E... B..., fils de M. F... B..., a présenté, le 30 octobre 2016, auprès du préfet de la région Hauts-de-France, une demande d'autorisation d'exploiter ces parcelles, en s'associant à l'exploitation agricole à responsabilité limitée de son père. M. D... B..., frère cadet de M. F... B..., a présenté une demande d'autorisation concurrente sur ces parcelles. Par deux arrêtés en dates du 16 février 2017, le préfet de la région Hauts-de-France a refusé l'autorisation d'exploiter demandée par M. E... B... et l'a accordée à M. D... B.... M. F... B..., M. E... B... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée B... ont présenté deux recours gracieux contre ces deux arrêtés qui ont été implicitement rejetés. Par un jugement n° 1702295, 1702296 du 12 mars 2019, le tribunal administratif d'Amiens a annulé les deux arrêtés du 16 février 2017, ensemble les décisions de rejet des recours gracieux formés par M. F... B..., M. E... B... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée B..., et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime : " I.- Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : (...) 3° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole : (...) c) Lorsque l'exploitant est un pluriactif, remplissant les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle, dont les revenus extra-agricoles excèdent 3120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance, à l'exception des exploitants engagés dans un dispositif d'installation progressive, au sens de l'article L. 330-2 ; (...) ". L. 331-3 du même code dispose : " L'autorité administrative assure la publicité des demandes d'autorisation dont elle est saisie, selon des modalités définies par décret. / Elle vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331-1-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 et se prononce sur la demande d'autorisation par une décision motivée. " Aux termes de l'article L. 331-3-1 de ce code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; (...) ".

3. D'autre part, aux termes du 1° de l'article 5 du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie : " Les critères d'appréciation de l'intérêt économique et environnemental reprennent les critères énoncés à l'article L. 312-1. Ils permettront de départager les candidats dans le même rang de priorité. " Aux termes de l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime : " (...) / III.- Le schéma directeur régional des exploitations agricoles établit, pour répondre à l'ensemble des objectifs et orientations mentionnés au I du présent article, l'ordre des priorités entre les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2, en prenant en compte l'intérêt économique et environnemental de l'opération. (...) Les critères d'appréciation de l'intérêt économique et environnemental d'une opération, en fonction desquels est établi l'ordre des priorités, sont les suivants : (...) 8° La situation personnelle des personnes mentionnées au premier alinéa du V. "

4. Il résulte des principes fixés par les dispositions énoncées aux points 2 et 3 du présent arrêt que, dès lors qu'il a estimé que les deux demandes concurrentes présentées respectivement par M. E... B... et M. D... B... relevaient du même rang de priorité, le préfet de la région Hauts-de-France pouvait légalement se fonder sur la situation personnelle, notamment la situation professionnelle, de chacun des deux candidats pour les départager. Dès lors, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le motif tiré de ce que M. E... B... disposait de revenus supérieurs à 3 120 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance, à l'inverse de M. D... B..., n'est pas entaché d'une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a retenu ce moyen pour annuler les deux arrêtés attaqués et les décisions de rejet des recours gracieux formés par M. F... B..., M. E... B... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée B....

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F... B..., M. E... B... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée B... devant le tribunal administratif d'Amiens.

Sur les autres moyens soulevés en première instance par M. F... B..., M. E... B... et l'EARL B... :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie : " Ordre de Priorités - Les autorisations d'exploiter sont délivrées selon un ordre de priorité établi en prenant en compte : / - la nature de l'opération, au regard des objectifs du contrôle des structures et des orientations définies par le présent schéma ; / - l'intérêt économique et environnemental de l'opération, selon les critères définis ci-dessous et, le cas échéant, les éléments définis à l'article 5. / (...) 1° Installation à titre principal d'agriculteurs qui remplissent les conditions pour prétendre aux aides, (dispositions prévues à l'article L. 330-1 à 2 et D. 343-4 du Code Rural et de la Pêche Maritime) ou reprise à titre principal de l'exploitation par le conjoint collaborateur à titre principal, en cas de départ à la retraite de l'exploitant ou en cas de décès du chef d'exploitation et afin de maintenir l'entité économique. / 2° Installation ou confortement d'une exploitation pour atteindre ou maintenir le seuil de contrôle (inclus) après reprise, le cas échéant. (...) ".

8. M. F... B..., M. E... B... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée B... soutiennent que l'installation de M. E... B... répond à un ordre de priorité supérieur à celle de M. D... B..., contrairement à ce qu'a retenu le préfet de la région Hauts-de-France. Toutefois, s'ils font valoir que M. E... B... relèverait du rang de priorité n° 1 énoncé ci-dessus, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que son installation lui permettrait de retirer au moins 50 % de son revenu professionnel global de ses activités agricoles au sens de l'article L. 311-1 du code rural et du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie, dont il résulte que l'agriculteur à titre principal est celui qui retire au moins 50 % de son revenu professionnel global de ses activités agricoles. C'est donc sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation que le préfet de la région Hauts-de-France a regardé les deux candidats comme relevant du même rang de priorité.

9. En deuxième lieu, M. F... B..., M. E... B... et l'EARL B... ne peuvent utilement se prévaloir de l'inadéquation des arrêtés attaqués aux orientations du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie, relatives à la préservation des exploitations viables d'un démantèlement ou à la consolidation des exploitations professionnelles de type familial, alors qu'il résulte des dispositions précitées au 3 du présent arrêt qu'en cas de même rang de priorité, ce sont les critères d'appréciation de l'intérêt économique et environnemental qui permettent de départager les candidats. Le moyen tiré de l'inadéquation aux orientations du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie doit donc être écarté comme étant inopérant.

10. En troisième lieu, il résulte des principes énoncés aux points 3 et 4 du présent arrêt que le préfet de la région Hauts-de-France pouvait départager les deux candidats en appréciant leurs situations personnelles respectives, en tenant compte notamment de leur situation professionnelle. Si M. F... B..., M. E... B... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée B... invoquent l'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces critères, il ressort des pièces du dossier que, dans les deux cas, il s'agit d'une installation d'agriculteurs sensiblement du même âge, dans le cadre d'une exploitation familiale. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet de la région Hauts-de-France a tenu compte de l'importance relative des revenus extra-agricoles pour favoriser celui des deux candidats qui disposait des revenus extra-agricoles les moins élevés. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation de la situation personnelle des candidats doit donc être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des moyens soulevés par M. F... B..., M. E... B... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée B... devant le tribunal administratif d'Amiens ou devant la cour n'est fondé. Par voie de conséquence, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Amiens n° 1702295, 1702296 du 12 mars 2019.

Sur les frais liés à l'instance :

12. L'Etat n'étant pas la partie perdante à l'instance, les conclusions présentées par M. F... B..., M. E... B... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1702295, 1702296 du 12 mars 2019 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. F... B..., M. E... B... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée B... devant le tribunal administratif d'Amiens sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de M. F... B..., M. E... B... et de l'exploitation agricole à responsabilité limitée B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à M. F... B..., M. E... B... et à l'exploitation agricole à responsabilité limitée B....

Copie pour information sera adressée à M. D... B....

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N°19DA01113


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 19DA01113
Date de la décision : 22/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-03-01-03 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles. Cumuls et contrôle des structures. Cumuls d'exploitations. Motifs de la décision.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SCP ROBIQUET DELEVACQUE VERAGUE YAHIAOUI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-12-22;19da01113 ?
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