La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/12/2020 | FRANCE | N°19DA01610

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 22 décembre 2020, 19DA01610


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Axa France Iard a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement la société Etablissements Descamps TP et la société Cible VRD à lui verser une somme de 590 170,32 euros avec intérêts au taux légal capitalisés à compter de la date de paiement des indemnités qu'elle a allouées aux victimes de l'effondrement de la route départementale 142 et de la parcelle n° 1287, survenu le 4 octobre 2013, en indemnisation des préjudices que leur a causés ce sinistre.

Par

un jugement n° 1807159 du 10 mai 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté cett...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Axa France Iard a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement la société Etablissements Descamps TP et la société Cible VRD à lui verser une somme de 590 170,32 euros avec intérêts au taux légal capitalisés à compter de la date de paiement des indemnités qu'elle a allouées aux victimes de l'effondrement de la route départementale 142 et de la parcelle n° 1287, survenu le 4 octobre 2013, en indemnisation des préjudices que leur a causés ce sinistre.

Par un jugement n° 1807159 du 10 mai 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 juillet 2019 et 26 mai 2020, la société Axa France Iard, représentée par Me C... A..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2) de condamner la société Etablissements Descamps TP à lui verser une somme de 206 559,60 euros ;

3°) de condamner la société Cible VRD à lui verser une somme de 29 508,50 euros ;

4°) de mettre à la charge solidaire de ces deux sociétés une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code civil ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me C... A..., représentant la société Axa France Iard et le département du Nord.

Une note en délibéré pour la société Axa France Iard a été enregistrée le 11 décembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Le département du Nord a décidé, dans le cadre de la mise en oeuvre du plan routier départemental 2011-2015, la réalisation de travaux de renforcement portant sur la mise " hors gel " de la route départementale n° 142 passant sur le territoire de la commune de Rumilly-en-Cambrésis sous la dénomination rue Jean Jaurès. La commune ayant projeté, à cette occasion, la réfection des trottoirs de la rue Jean Jaurès au droit des travaux assurés par le département, elle a conclu avec lui le 4 juillet 2012 une convention de délégation de maîtrise d'ouvrage l'autorisant à diligenter les procédures de passation des marchés publics nécessaires à la réalisation des travaux. La maîtrise d'oeuvre des travaux a été confiée, s'agissant des travaux de renforcement de la route départementale, au département du Nord, et, s'agissant de la réfection des trottoirs, à la société Cible VRD. La réalisation des travaux départementaux et communaux a été confiée à la société Etablissements Descamps TP. Les travaux se sont déroulés du mois de septembre 2012 au mois de juillet 2013. Le 4 octobre 2013, la chaussée s'est brusquement affaissée, laissant apparaître une excavation d'une dizaine de mètres de circonférence et de deux à trois mètres de profondeur, ce sinistre résultant de l'effet combiné de la rupture d'une canalisation du réseau d'eau potable de la commune, vétuste et insuffisamment enfouie, et de la présence d'importantes cavités souterraines rapidement et massivement investies par l'eau échappée de la canalisation. La société Axa France Iard interjette régulièrement appel du jugement du 10 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation des sociétés Etablissements Descamps TP et Cible VRD de lui rembourser les sommes versées aux consorts B..., Laturelle et Sorriaux, riverains victimes du sinistre, en indemnisation des préjudices subis.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Après avoir rappelé que la société Axa France Iard avait indemnisé les riverains victimes du sinistre du 4 octobre 2013 en sa qualité d'assureur du département du Nord et de la commune de Rumilly-en-Cambrésis, les premiers juges, qui ont exposé les règles de droit applicables à une telle situation, en ont déduit que la société Axa France Iard ne disposait, à l'encontre des sociétés Etablissements Descamps TP et Cible VRD, d'aucune autre action que celle résultant soit du contrat qui unissait ces participants aux travaux publics au département ou à la commune, soit, dès lors qu'il est constant que ces travaux n'ont pas donné lieu à réception définitive, de la responsabilité quasi-délictuelle que ceux-ci engagent à l'égard du maître d'ouvrage auquel ils ne sont pas liés. Ils ont ainsi, nécessairement, exclu la possibilité pour la société Axa France Iard d'exercer une action sur le fondement de l'enrichissement sans cause des sociétés défenderesses et ont, par suite, suffisamment motivé leur jugement et répondu à l'ensemble des conclusions dont ils étaient saisis.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. D'une part, le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.

4. D'autre part, aux termes de l'article 1346 du code civil : " La subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette. " Aux termes du premier alinéa de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. " Il résulte de ces dispositions que la subrogation légale de l'assureur dans les droits et actions de l'assuré est subordonnée au seul paiement à l'assuré de l'indemnité d'assurance en exécution du contrat d'assurance et ce, dans la limite de la somme versée.

5. Aux termes de l'article 1346-1 du code civil : " La subrogation conventionnelle s'opère à l'initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d'une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur. / Cette subrogation doit être expresse. / Elle doit être consentie en même temps que le paiement, à moins que, dans un acte antérieur, le subrogeant n'ait manifesté la volonté que son cocontractant lui soit subrogé lors du paiement. La concomitance de la subrogation et du paiement peut être prouvée par tous moyens. "

6. Si en cas de dommage accidentel causé à des tiers par un ouvrage public, la victime peut en demander réparation, même en l'absence de faute, aussi bien au maître de l'ouvrage, au maître de l'ouvrage délégué, à l'entrepreneur ou au maître d'oeuvre, il ne s'ensuit pas qu'en cas de condamnation de l'une ou l'autre de ces personnes intervenue à la demande d'un tiers, la ou les personnes condamnées qui entendraient mettre en cause la responsabilité de l'une ou l'autre de celles ayant concouru à la réalisation de l'ouvrage public puissent utilement se prévaloir, dans leurs rapports réciproques, d'un régime de responsabilité sans faute.

7. En l'espèce, la société Axa France Iard a indemnisé les consorts B..., Laturelle et Sorriaux, riverains victimes du sinistre survenu le 4 octobre 2013. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment des quittances subrogatives produites, que la société Axa France Iard a indemnisé ces victimes non en sa qualité d'assureur de celles-ci, mais en sa qualité d'assureur du département du Nord et de la commune de Rumilly-en-Cambrésis, dans les droits desquels elle se trouve subrogée. La société requérante ne dispose, par suite, à l'égard des participants aux travaux de voirie réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de ces deux personnes publiques, sauf cas de fraude ou de dol, d'autre action que celle qui résulte soit du contrat qui unissait ces participants aux travaux publics au département ou à la commune, soit, dès lors qu'il est constant que ces travaux n'ont pas donné lieu à réception définitive, de la responsabilité quasi-délictuelle que ceux-ci engagent à l'égard du maître d'ouvrage auquel ils ne sont pas liés. La circonstance que les victimes aient, en vertu des quittances subrogatives précitées, subrogé la société Axa France Iard dans leurs droits est, à cet égard, sans incidence, dès lors que, ayant agi en sa qualité d'assureur du département du Nord et de la commune de Rumilly-en-Cambrésis, la société requérante ne saurait avoir plus de droits que ces collectivités publiques qui ne peuvent, ainsi qu'il a été dit, se prévaloir, à l'égard des entreprises coauteurs du sinistre, d'un régime de responsabilité sans faute.

8. Si, par ailleurs, la société Axa France Iard soutient qu'en application du principe général du droit selon lequel nul ne peut s'enrichir injustement aux dépens d'autrui, celui qui, par erreur, a payé la dette d'autrui de ses propres deniers a, bien que non subrogé aux droits du créancier, un recours contre le débiteur, elle n'établit pas que c'est par erreur qu'elle aurait payé la dette contractée par le département du Nord et par la commune de Rumilly-en-Cambrésis à l'endroit des riverains victimes du sinistre survenu le 4 octobre 2013, ni que serait résulté de ce paiement un enrichissement sans cause des sociétés Etablissements Descamps TP et Cible VRD. En tout état de cause, ainsi qu'il a été dit, la société Axa France Iard disposant à l'encontre des coauteurs du dommage des actions mentionnées au point précédent, il lui appartient d'exercer à leur encontre, si elle s'y croit fondée, tels recours que de droit.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Axa France Iard n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur les appels en garantie :

10. Le présent arrêt rejetant la requête de la société Axa France Iard, les appels en garantie dirigés par la société Etablissements Descamps TP contre le département du Nord et la commune de Rumilly-en-Cambrésis et par la société Cible VRD contre le département du Nord et la société Etablissements Descamps TP sont dépourvus d'objet.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sociétés Etablissements Descamps TP et Cible VRD, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, versent à la société Axa France Iard et au département du Nord les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Axa France Iard une somme de 1 500 euros au titre des frais respectivement exposés par la société Etablissements Descamps TP et par la société Cible VRD et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Axa France Iard est rejetée.

Article 2 : La société Axa France Iard versera à la société Etablissements Descamps TP et à la société Cible VRD, chacune, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Axa France Iard, au département du Nord, à la commune de Rumilly-en-Cambrésis, à la société Etablissements Descamps TP et à la société Cible VRD.

2

N°19DA01610


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award