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26/01/2021 | FRANCE | N°19DA01797

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 26 janvier 2021, 19DA01797


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association des parents d'élèves de l'école Marie-Louise Bogart a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la délibération du conseil municipal de Merville du 21 décembre 2015 décidant de procéder à la désaffectation des locaux de l'école Marie-Louise Bogart et au déclassement du bâtiment afin de l'intégrer au domaine privé de la commune ainsi que la délibération du 7 mars 2016 par laquelle la commune a retiré la délibération du 21 décembre 2015 et a décidé de procéder à la

désaffectation des locaux de l'école Marie-Louise Bogart, avec effet à la rentrée scola...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association des parents d'élèves de l'école Marie-Louise Bogart a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la délibération du conseil municipal de Merville du 21 décembre 2015 décidant de procéder à la désaffectation des locaux de l'école Marie-Louise Bogart et au déclassement du bâtiment afin de l'intégrer au domaine privé de la commune ainsi que la délibération du 7 mars 2016 par laquelle la commune a retiré la délibération du 21 décembre 2015 et a décidé de procéder à la désaffectation des locaux de l'école Marie-Louise Bogart, avec effet à la rentrée scolaire 2016/2017, et au déclassement du bâtiment afin de l'intégrer au domaine privé de la commune.

Par un jugement n° 1601506 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Lille a annulé les délibérations des 21 décembre 2015 et 7 mars 2016 prononçant la désaffectation des locaux de l'école Marie-Louise Bogart et leur déclassement du domaine public communal.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2019, la commune de Merville, représentée par la Me A... C... de la SCP Savoye et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de l'association des parents d'élèves de l'école Marie-Louise Bogart ;

4°) de mettre à la charge de l'association des parents d'élèves de l'école Marie-Louise Bogart la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant la commune de Merville.

Une note en délibéré présentée par l'association des parents d'élèves de l'école Marie-Louise Bogart a été enregistrée le 12 janvier 2021.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Merville relève appel du jugement du 29 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé les délibérations des 21 décembre 2015 et 7 mars 2016 prononçant la désaffectation des bâtiments affectés à l'école Marie-Louise Bogart et leur déclassement du domaine public communal.

Sur l'exception de non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la délibération du 21 décembre 2015 :

2. Si avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai de recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté ce qui conduit à ce qu'il n'y ait pas lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du recours dont il était saisi.

3. Il ressort des pièces du dossier que par une délibération du 7 mars 2016, postérieure à l'introduction devant le tribunal administratif de la demande dirigée contre la délibération du 21 décembre 2015, le conseil municipal de Merville a, d'une part, procédé au retrait de cette délibération et, d'autre part, décidé de désaffecter et de déclasser les locaux de l'école Marie-Louise Bogart à compter de la rentrée scolaire 2016/2017. Si l'association a demandé l'annulation de la délibération du 7 mars 2016 et l'a transmise au tribunal, par un courrier enregistré le 4 avril 2016, il ressort de son mémoire enregistré le 15 juillet 2016 au greffe du tribunal administratif qu'elle n'a en demandé l'annulation qu'en tant qu'étaient décidés à nouveau la désaffectation et le déclassement, et qu'elle n'a donc pas contesté le retrait de la délibération du 21 décembre 2015 qui d'ailleurs lui donnait satisfaction. Ce retrait avait donc acquis un caractère définitif. Dans ces conditions, la demande présentée par l'association à l'encontre de la délibération du 21 décembre 2015 était devenue sans objet. Le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 29 mai 2019, qui a statué sur cette demande après avoir rejeté l'exception de non-lieu à statuer invoquée par la commune, doit, dès lors, être annulé dans cette mesure. Il y a lieu d'évoquer les conclusions de la demande ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de constater qu'il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions dirigées contre la délibération du 7 mars 2016 :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

4. L'article L. 212-2 du code de l'éducation dispose : " Toute commune doit être pourvue au moins d'une école élémentaire publique. Il en est de même de tout hameau séparé du chef-lieu ou de toute autre agglomération par une distance de trois kilomètres et réunissant au moins quinze enfants d'âge scolaire ". Aux termes de l'article L. 131-1 du même code : " L'instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six ans et seize ans ". Enfin, l'article L. 113-1 de ce code prévoit : " Les classes enfantines ou les écoles maternelles sont ouvertes, en milieu rural comme en milieu urbain, aux enfants qui n'ont pas atteint l'âge de la scolarité obligatoire. / Tout enfant doit pouvoir être accueilli, à l'âge de trois ans, dans une école maternelle ou une classe enfantine le plus près possible de son domicile, si sa famille en fait la demande. / (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que les bâtiments de l'école Marie-Louise Bogart, située au 68 rue de l'Epinette sur le territoire de la commune de Merville, de même que le hameau de la Caudescure, situé dans le ressort de cette école, sont implantés à plus de 3 kilomètres du chef-lieu de la commune.

6. Ni les dispositions précitées des articles L. 212-2 et L. 113-1 du code de l'éducation, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire, ne donnent aux familles du hameau de la Caudescure un droit à la scolarisation de leurs enfants de moins de six ans à l'école de ce hameau. Il ressort des tableaux d'effectifs produits par l'association que douze enfants de plus de six ans étaient domiciliés dans la partie du hameau de la Caudescure située sur le territoire de la commune de Merville en 2015. Le seuil de quinze élèves prévu par les dispositions de l'article L. 212-2 du code de l'éducation n'étant pas atteint, la commune n'était donc pas placée dans l'obligation de pourvoir le hameau de la Caudescure d'une école élémentaire publique, malgré la circonstance que le nombre d'élèves effectivement inscrits dans cette école dépassait ce seuil. Ainsi c'est à tort qu'en ajoutant aux effectifs des enfants de plus de six ans ceux des enfants de trois ans et plus qui n'avaient pas atteint l'âge de la scolarité obligatoire, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance de l'article L. 212-2 du code de l'éducation pour annuler les délibérations en litige.

7. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'association des parents d'élèves de l'école Marie-Louise Bogart tant devant le tribunal administratif que devant la cour.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par l'association contre la délibération du 7 mars 2016 :

S'agissant de la légalité externe :

8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la délibération en litige, que celle-ci a été adoptée par le conseil municipal de Merville et que le maire en a signé un extrait conforme. Dès lors, la délibération n'est pas entachée d'incompétence de son auteur.

9. Il ne ressort d'aucune disposition législative ou réglementaire que la délibération du 7 mars 2016 prise sur le fondement de l'article L. 2121-30 du code général des collectivités territoriales et de l'article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques soit soumise à une obligation de motivation. Le moyen tiré de son insuffisance de motivation est, par suite, sans influence sur sa légalité.

10. Aux termes de l'article L. 212-1 du code de l'éducation : " La création et l'implantation des écoles et classes élémentaires et maternelles d'enseignement public sont régies par les dispositions de l'article L. 2121-30 du code général des collectivités territoriales, ci-après reproduites : / " Art. L. 2121-30.-Le conseil municipal décide de la création et de l'implantation des écoles et classes élémentaires et maternelles d'enseignement public après avis du représentant de l'Etat dans le département " ". Il résulte de ces dispositions que les communes ne peuvent prendre les décisions de désaffectation des biens affectés aux besoins du service public des écoles élémentaires et maternelles dont elles sont propriétaires sans avoir recueilli au préalable l'avis du représentant de l'Etat. Il ressort des pièces du dossier que le sous-préfet de Dunkerque a émis, par un courrier du 19 janvier 2016, un avis favorable à la mesure de déclassement envisagée par la commune. L'insuffisance de motivation de cet avis n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la délibération en litige. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2121-30 du code général des collectivités territoriales doit, par suite, être écarté.

11. Le moyen tiré de l'absence de décision préalable relative aux transports scolaires n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

S'agissant de la légalité interne :

12. Aux termes de l'article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui n'est plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement ".

13. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la délibération du 7 mars 2016 en litige, que le conseil municipal a constaté la désaffectation du bien immobilier, constitué par l'école Marie-Louise Bogart, après avoir procédé à une modification des secteurs de scolarisation des élèves de la commune, avant de procéder au déclassement de ce bien immobilier. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques doit être écarté.

14. Aux termes de l'article L. 212-7 du code de l'éducation : " Dans les communes qui ont plusieurs écoles publiques, le ressort de chacune de ces écoles est déterminé par délibération du conseil municipal. (...). L'inscription des élèves par les personnes responsables de l'enfant au sens de l'article L. 131-4 se fait conformément aux dispositions de l'article L. 131-5 ".

15. Il ressort des pièces du dossier, et notamment d'une délibération adoptée le 7 mars 2016, que le conseil municipal a décidé d'intégrer le secteur de l'école Marie-Louise Bogart dans les secteurs des écoles Louis Pergaud et Victor Hugo à compter de la rentrée scolaire de septembre 2016, conformément à une carte annexée à cette délibération. Dès lors, à le supposer opérant, le moyen tiré de ce que la délibération en litige n'aurait pas été accompagnée d'une nouvelle carte de sectorisation scolaire manque en fait et doit être écarté.

16. Si l'association conteste ensuite l'intérêt général de désaffecter l'école Marie-Louise Bogart, en soutenant que les finances de la commune se portent bien et que les conditions d'accueil des élèves seront dégradées dans les écoles du centre-ville, il ressort des pièces du dossier qu'au regard du coût des travaux nécessaires pour moderniser les bâtiments de l'école et du souci d'améliorer la situation des élèves en les faisant bénéficier des équipements du centre-ville, notamment de restauration, d'un accès à des salles de sport de proximité et d'une salle informatique, la délibération tendant à constater la désaffectation des bâtiments de cette école après modification de la sectorisation scolaire poursuit un intérêt général suffisant.

17. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la délibération en litige serait entachée d'une erreur de fait, notamment quant à la distance de l'école par rapport au chef-lieu de la commune, ni d'une erreur manifeste d'appréciation de l'obligation de scolariser tous les enfants en âge scolaire, l'ancienne école se trouvant à quelques minutes en voiture des deux écoles du centre-ville.

18. Dès lors que, par la délibération en litige, le conseil municipal a prévu que les élèves relevant du secteur de l'école Marie-Louise Bogart seront accueillis dans les écoles du centre-ville de la commune, le principe d'égal accès des enfants en âge scolaire et de ceux de moins de six ans à un enseignement public, gratuit et laïque n'a en tout état de cause pas été méconnu.

19. L'existence d'un détournement de procédure et de pouvoir n'est pas établie par les pièces du dossier.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Merville est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Lille a annulé sa délibération du 7 mars 2016 décidant de procéder à la désaffectation des locaux de l'école Marie-Louise Bogart et au déclassement du bâtiment afin de l'intégrer au domaine privé de la commune.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

21. Le présent arrêt se bornant à constater qu'il n'y pas lieu de statuer sur la délibération du 21 décembre 2015 du conseil municipal de Merville et à rejeter la demande d'annulation de la délibération du 7 mars 2016 n'appelle aucune mesure d'exécution au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par l'association des parents d'élèves de l'école Marie-Louise Bogart doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Merville, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à l'association des parents d'élèves de l'école Marie-Louise Bogart au titre des frais du procès. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association des parents d'élèves de l'école Marie-Louise Bogart la somme que la commune de Merville demande à ce même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 29 mai 2019 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la délibération du 21 décembre 2015, présentée par l'association des parents d'élèves de l'école Marie-Louise Bogart devant le tribunal administratif de Lille.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées devant la cour et le tribunal par l'association des parents d'élèves de l'école Marie-Louise Bogart est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Merville présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Merville et à Me B... D... pour l'association des parents d'élèves de l'école Marie-Louise Bogart.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

N°19DA01797 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01797
Date de la décision : 26/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Domaine - Domaine public - Régime - Changement d'affectation.

Enseignement et recherche - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement - Enseignement du premier degré.

Procédure - Incidents - Non-lieu.


Composition du Tribunal
Président : Mme Rollet-Perraud
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre Bouchut
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SCP SAVOYE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-01-26;19da01797 ?
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