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04/02/2021 | FRANCE | N°19DA02508

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 04 février 2021, 19DA02508


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés Valerian et SOCAFL ont demandé au tribunal administratif de Lille de les décharger de l'obligation de payer la somme de 7 121,73 euros mise à leur charge par des titres de perception émis par Lille métropole communauté urbaine au titre du lot n° 1 " voirie et réseaux divers, espaces verts, clôtures " d'un marché de construction d'un dépôt d'autobus à gaz sur le territoire de la commune de Wattrelos (Nord), et de condamner Lille métropole communauté urbaine à leur verser la somme de 1

458 916,38 euros, augmentée des intérêts moratoires et de leur capitalisation, a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés Valerian et SOCAFL ont demandé au tribunal administratif de Lille de les décharger de l'obligation de payer la somme de 7 121,73 euros mise à leur charge par des titres de perception émis par Lille métropole communauté urbaine au titre du lot n° 1 " voirie et réseaux divers, espaces verts, clôtures " d'un marché de construction d'un dépôt d'autobus à gaz sur le territoire de la commune de Wattrelos (Nord), et de condamner Lille métropole communauté urbaine à leur verser la somme de 1 458 916,38 euros, augmentée des intérêts moratoires et de leur capitalisation, au titre du solde de ce marché. Dans le cadre de cette instance, Lille métropole communauté urbaine, aux droits de laquelle est venue la métropole européenne de Lille, a appelé en garantie l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Marc Larivière, la société Denu et Paradon Architectes et la société Omnium technique européen ingénierie, membres du groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre.

Par un jugement n° 1101596 du 26 mai 2015, le tribunal administratif de Lille, après avoir fait partiellement droit à la demande des sociétés Valerian et SOCAFL, en condamnant la métropole européenne de Lille à leur verser une somme de 298 564,02 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts et de la capitalisation de ces intérêts, a condamné la société Marc Larivière, la société Denu et Paradon Architectes et la société Omnium technique européen ingénierie à garantir la métropole européenne de Lille à hauteur d'une somme de 107 558,76 euros et a mis à leur charge 15 % des frais d'expertise.

Par un arrêt n° 15DA01232 du 4 juin 2018, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la société Denu et Paradon Architectes et par la société Marc Larivière tendant à l'annulation de ce jugement en tant qu'il les condamnait ainsi que la société Omnium technique européen ingénierie à garantir la métropole européenne de Lille à hauteur de 107 558,76 euros et qu'il mettait à leur charge 15 % des dépens.

Par une décision n° 422924 du 13 novembre 2019, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt de la cour administrative d'appel de Douai et a renvoyé l'affaire devant cette cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête initialement, enregistrée sous le n° 1501232, le 22 juillet 2015 et un mémoire enregistré le 20 mars 2020, l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Marc Larivière et la société anonyme à responsabilité limitée Denu et Paradon Architectes, représentées par Me A... E..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 26 mai 2015 en tant qu'il les condamne à garantir la métropole européenne de Lille à hauteur d'une somme de 107 558,76 euros, en tant qu'il a mis à la charge de ce groupement, 15 % des frais d'expertise et en tant qu'il a rejeté leurs appels de la société Omnium technique européen ingénierie à les garantir ;

2°) de rejeter les conclusions d'appel en garantie présentées à leur encontre par la métropole européenne de Lille ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la société Omnium technique européen ingénierie ingénierie à les garantir ;

4°) de condamner la société Omnium technique européen ingénierie à payer à la société Denu et Paradon la somme de 12 485,29 euros et à la société Marc Larivière, la somme de 16 272 euros ;

5°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la métropole européenne de Lille et de la société Omnium technique européen ingénierie la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public ;

- et les observations de Me G... B... pour la métropole européenne de Lille.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat mixte d'exploitation de transports en commun de la communauté urbaine de Lille, aux droits duquel vient désormais la métropole européenne de Lille, a décidé la construction d'un dépôt d'autobus au gaz à Wattrelos. La maîtrise d'oeuvre était confiée à un groupement solidaire composé par les sociétés Denu et Paradon, Marc Larivière et Omnium technique européen ingénierie. Dans ce cadre, un groupement solidaire composé des sociétés Valerian et Socafl était titulaire du lot 1 " voirie et réseaux divers, espaces verts et clôture " pour un montant de 3 262 146,88 euros hors taxes, par acte d'engagement du 26 avril 2006. Saisi par la société Valerian, le tribunal administratif de Lille a, par jugement du 26 mai 2015, condamné la métropole européenne de Lille à verser à la société Valerian la somme de 298 564,02 euros, avec intérêts capitalisés. Il a également condamné les sociétés Denu et Paradon, Marc Larivière et Omnium technique européen ingénierie à garantir la métropole européenne de Lille à hauteur de 107 558,76 euros et a mis à leur charge 15 % des dépens. Il a enfin rejeté les demandes de ces deux sociétés d'être garanties par le troisième membre du groupement, la société Omnium technique européen ingénierie. Les sociétés Denu et Paradon et Marc Larivière ont saisi la cour administrative d'appel de Douai, de conclusions aux fins d'annulation partielle de ce jugement. Par un arrêt du 4 juin 2018, la cour a rejeté leurs demandes pour irrecevabilité. ,Le Conseil d'Etat a, le 13 novembre 2019, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Douai.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Le jugement du tribunal administratif de Lille contesté condamne en premier lieu la métropole européenne de Lille à indemniser la société Valerian. Les sociétés Denu et Paradon et Marc Larivière n'ont donc pas intérêt à contester cette partie du jugement qui ne les concernent pas. Toutefois, dans leurs dernières écritures après cassation, elles n'entendent pas attaquer l'intégralité du jugement mais limitent leurs demandes à l'annulation partielle du jugement en ce qu'il les condamne à garantir la métropole européenne de Lille à hauteur de la somme de 107 558,76 euros et en ce qu'il rejette leur appel en garantie de la société Omnium technique européen ingénierie et met à leur charge 15 % des dépens. La fin de non-recevoir opposée par la métropole européenne de Lille tirée de l'absence d'intérêt à faire appel des sociétés Denu et Paradon et Marc Larivière ne peut donc qu'être écartée.

3. Les sociétés Denu et Paradon et Marc Larivière ont présenté pour la première fois en appel des conclusions tendant à ce que la société Omnium technique européen ingénierie soit condamnée à leur verser " à titre de dommages et intérêts " les sommes respectivement de 12 485,29 euros et de 16 272 euros. Ces conclusions n'ont pas le même objet que les conclusions d'appel en garantie, seules formulées en première instance. Par suite, ces conclusions, nouvelles en appel, sont irrecevables et doivent être rejetées pour ce motif.

Sur la recevabilité de l'appel en garantie :

4. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. L'ensemble des conséquences financières de l'exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. Toutefois, la circonstance que le décompte général d'un marché public soit devenu définitif ne fait pas, par elle-même, obstacle à la recevabilité de conclusions d'appel en garantie du maître d'ouvrage contre le titulaire du marché, sauf s'il est établi que le maître d'ouvrage avait eu connaissance de l'existence du litige avant qu'il n'établisse le décompte général du marché et qu'il n'a pas assorti le décompte d'une réserve, même non chiffrée, concernant ce litige.

5. En l'espèce, le décompte général du lot n°1 a été notifié aux sociétés Valerian et Socafl le 23 octobre 2009 et le décompte du marché de maîtrise d'oeuvre a été notifié le 17 février 2015. Il n'est pas sérieusement contesté que la métropole européenne de Lille avait connaissance avant cette date du litige avec la société Valerian sur le solde de son marché puisque celle-ci en avait saisi le tribunal administratif de Lille dès le 14 juin 2010 en référé provision. Toutefois, il ressort du décompte du marché de maîtrise d'oeuvre que la métropole européenne de Lille a appliqué une réfaction sur les honoraires de maîtrise d'oeuvre pour un montant de 39 410 euros avec la mention " ne pas payer, deux contentieux en cours ". Il ressort également de ce décompte que la métropole européenne de Lille a mis au débit du groupement de maîtrise d'oeuvre, une pénalité pour travaux complémentaires augmentant le coût du projet de 746 917,2 euros, et une pénalité pour non-respect du seuil de tolérance de 193 466,7 euros. Le décompte précisait que le montant de cette pénalité est " à parfaire en fonction des travaux supplémentaires réalisés par les sociétés Valerian et Module et imputés par le juge administratif à des manquements de la maîtrise d'oeuvre. ". Le décompte mettait également à la charge du groupement de maîtrise d'oeuvre une pénalité pour non-respect du planning de 1 491 337,12 euros. Le décompte renvoyait à un courrier du 27 octobre 2009 de l'établissement public intercommunal adressé à la maîtrise d'oeuvre qui récapitulait les travaux supplémentaires pour un montant identique à celui mentionné dans le décompte général précité. Enfin les sommes que le tribunal administratif a condamné la métropole européenne de Lille à payer à la société Valerian et pour lesquelles celle-ci demandait la garantie de la maîtrise d'oeuvre correspondent à des travaux supplémentaires et à des retards dans le déroulement du chantier, qui sont précisément l'objet des réserves. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la métropole européenne de Lille a assorti le décompte général du marché de maîtrise d'oeuvre de réserves afférentes aux sommes dues à la société Valerian, en raison de travaux supplémentaires. Par suite, elle était recevable à appeler en garantie les sociétés membres du groupement de maîtrise d'oeuvre.

6. De même, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, la circonstance que le tribunal administratif de Lille, par un jugement devenu définitif du 20 novembre 2018, ait statué sur le solde du marché de maîtrise d'oeuvre en condamnant la métropole européenne de Lille à verser la somme de 31 777,18 euros à la société Denu et Paradon ne fait pas obstacle à la recevabilité des conclusions d'appel en garantie de cette communauté urbaine dès lors qu'elle avait assorti ce décompte de réserves au titre des sommes réclamées par la société Valerian.

7. Il résulte des points 5 et 6 que l'irrecevabilité opposée en première instance et réitérée en cause d'appel par les appelantes et par la société Omnium technique européen ingénierie ne peut qu'être écartée.

Sur l'appel en garantie et la faute de la maîtrise d'oeuvre :

En ce qui concerne l'allongement du chantier :

8. D'une part, la société Omnium technique européen ingénierie se borne à faire valoir que la maîtrise d'oeuvre n'assurait pas la mission ordonnancement-pilotage-coordination. Or, il résulte de l'acte d'engagement de la maîtrise d'oeuvre que celle-ci était rémunérée pour cette mission. Il n'est pas contesté que le délai d'exécution du chantier est passé de 12 à 24 mois. Les sociétés membres du groupement de maîtrise d'oeuvre n'apportent aucun élément probant pour justifier le défaut de définition d'un planning de travaux que reproche la métropole européenne de Lille au groupement. Par suite, la métropole européenne de Lille est fondée à soutenir que l'allongement du chantier résulte d'une faute de la maîtrise d'oeuvre.

9 D'autre part, la société Omnium technique européen ingénierie fait valoir qu'elle n'était pas en charge de l'établissement des plans d'exécution pour le lot n° 16 relatif aux massifs de gaz dont la mauvaise exécution est à l'origine de l'allongement du chantier. Toutefois, il ressort de la réunion de compte-rendu de chantier n° 59 du 30 août 2007 que le plan d'exécution erroné de ces massifs résulte d'une erreur sur l'hypothèse de pente de voirie et que la conception de la voirie comme ses plans d'exécution incombait à la société Omnium technique européen ingénierie. Par ailleurs, la maîtrise d'oeuvre avait une mission générale de coordination entre l'ensemble des lots. C'est donc à bon droit que le tribunal administratif de Lille a retenu une faute de la maîtrise d'oeuvre dans la réalisation des plans d'exécution entraînant un retard de chantier.

10. Il résulte des points 8 et 9 que la métropole européenne de Lille est fondée, compte tenu de ces fautes de la maîtrise d'oeuvre à obtenir la garantie de celle-ci pour les condamnations prononcées à son encontre par le tribunal administratif de Lille en raison des retards de chantier, soit à hauteur de 2 550 euros.

En ce qui concerne l'accord préalable du maître d'ouvrage sur les ordres de service :

11. Aux termes de l'article 21 du cahier des clauses administratives particulières du marché de maîtrise d'oeuvre : " Dans le cadre de l'élément de mission DET (Direction de l'exécution des travaux), le maître d'oeuvre est chargé d'émettre tous les ordres de service à destination de l'entrepreneur. / Les ordres de service doivent être écrits, signés, datés et numérotés, adressés à l'entreprise dans les conditions précisées à l'article 2.5 du CCAG applicable aux marchés de travaux. / Cependant, en aucun cas, le maître d'oeuvre ne peut notifier des ordres de service relatifs : - à la notification de la date de commencement des travaux ; - au passage à l'exécution d'une tranche conditionnelle ; -à la notification de prix nouveaux aux entrepreneurs pour des ouvrages ou travaux non prévus ; - à la prolongation des délais ; sans avoir recueilli au préalable l'accord du maître d'ouvrage. / Les ordres de service dont copie doit être remise au maître d'ouvrage sont répertoriés dans un registre tenue par le maître d'oeuvre. ".

12. Le seul fait que la maîtrise d'ouvrage ait été présente à la quasi-totalité des réunions de chantier ne saurait valoir approbation tacite préalable des ordres de service évoqués lors de ces réunions, contrairement à ce que soutiennent les appelantes.

13. Il résulte également de l'instruction que le maître d'ouvrage a été rendu destinataire des devis préalables à l'établissement des ordres de service ainsi que des ordres de service émis par la maîtrise d'oeuvre. Toutefois, aucun ordre de service signé par le maître d'ouvrage n'est produit. Au contraire, à plusieurs reprises, la société Valerian a demandé à la société Omnium technique européen ingénierie d'intervenir auprès de la maîtrise d'ouvrage pour qu'elle lui notifie préalablement à l'exécution des travaux, le marché complémentaire ou la décision de poursuivre les travaux au-delà de la masse initiale, ce qui accrédite le fait que l'entreprise ne disposait pas d'un ordre de service dûment signé par le maître d'ouvrage. C'est en particulier le cas à propos de l'ordre de service n°17 émis par la société Omnium technique européen ingénierie comme en témoigne le courrier de la société Valerian du 31 octobre 2008. De même si le courrier électronique du 18 mars 2008 de la métropole européenne de Lille donne son accord pour les travaux de deux chambres de raccordement, la société Denu et Paradon demande en réponse un ordre de service, conformément aux dispositions du cahier des clauses administratives particulières. La société Valerian indique encore, par courrier du 5 mai 2008 qu'elle a bien reçu l'ordre de service n° 13 émis par la société Omnium technique européen ingénierie correspondant à ces travaux, mais réclame une validation préalable par la maîtrise d'ouvrage. De même, si un courrier électronique du 10 octobre 2008 donne un accord de principe de la métropole européenne de Lille pour les travaux relatifs aux manches à air, la société Valerian demande à réception de l'ordre de service n° 18 correspondant à ces travaux la notification préalable par le maître d'ouvrage de son accord par son courrier du 31 octobre 2008. Il n'est donc pas établi par l'ensemble de ces éléments que le maître d'ouvrage ait donné son accord préalable à la commande des travaux supplémentaires, même s'il était informé de ces travaux. Il résulte au contraire que ces travaux résultent de décisions formalisées par la seule maîtrise d'oeuvre, en méconnaissance des dispositions rappelées au point 10.

14. Si deux projets d'avenants ont été adressés le 6 mars 2008 à la société Valerian par le maître d'ouvrage, il résulte de l'instruction, contrairement à ce que soutiennent les appelantes que les travaux commandés par ces avenants ne correspondent pas à la totalité des travaux supplémentaires relevant des ordres de service n° 3, 13, 15, 17, 18 et 19. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la société Valerian a refusé de signer ces avenants. Ces projets d'avenant ne sauraient donc valoir approbation par le maître d'ouvrage des ordres de service précités qui recouvrent des prestations différentes de celles prévues par les avenants. De la même manière, le courrier du 26 octobre 2009 du maître d'ouvrage proposant d'indemniser la société Valerian à hauteur de 474 659,77 euros pour des travaux supplémentaires ne peut valoir approbation des ordres de service précités, d'autant qu'il leur est postérieur.

15. Il résulte des points 11 à 14 qu'il n'est pas établi que les ordres de service n° 3, 13, 15, 17, 18 et 19 émis par la maitrise d'oeuvre aient fait l'objet d'un accord préalable du maître d'ouvrage. La métropole européenne de Lille était donc fondée à obtenir la garantie des sociétés membres du groupement de maîtrise d'oeuvre pour les travaux commandés par ces ordres de service, soit pour un montant de 105 008,76 euros, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges.

En ce qui concerne les dépens :

16. Compte tenu de la faute de la maîtrise d'oeuvre résultant de ce qui a été dit aux points 10 et 15, c'est également à bon droit que les premiers juges ont mis à la charge des sociétés membres du groupement de maîtrise d'oeuvre 15 % des dépens.

Sur l'appel en garantie de la société Omnium technique européen ingénierie par les autres sociétés membres du groupement de maîtrise d'oeuvre :

17. Un constructeur dont la responsabilité est recherchée par un maître d'ouvrage est fondé à demander à être garanti par un autre constructeur si et dans la mesure où les condamnations qu'il supporte correspondent à un dommage imputable à ce constructeur. Dans le cas d'un groupement, il appartient au juge administratif d'apprécier l'importance des fautes respectives de chaque membre de celui-ci pour déterminer le montant de cette garantie en se fondant, le cas échéant, sur la répartition des tâches prévue dans l'acte d'engagement.

18. En l'espèce, il résulte d'une part de l'instruction que la société Omnium technique européen ingénierie a émis la quasi-totalité des ordres de service dont il n'est pas établi qu'ils aient été approuvés préalablement par le maître d'ouvrage, à l'exception du seul ordre de service n°3 émis par l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Marc Larivière. Si la société Omnium technique européen ingénierie soutient que les deux autres membres du groupement ont participé à l'élaboration des ordres de service, elle ne le démontre pas. De même si la société Denu et Paradon était mandataire du groupement solidaire et assurait le suivi financier, ces missions ne démontrent ni qu'elle ait contribué, ni qu'elle ait une responsabilité dans la commande de travaux sans s'assurer de l'accord préalable du maître d'ouvrage. Au contraire, le courrier électronique du 18 mars 2008 de cette société indique qu'elle refuse d'établir un ordre de service pour le raccordement de deux chambres sans l'accord du maître d'ouvrage, cet ordre de service n° 13 ayant été délivré par la société Omnium technique européen ingénierie. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 9, le retard dans le chantier résulte également en ce qui concerne la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre d'une faute de la société Omnium technique européen ingénierie. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le jugement du tribunal administratif de Lille du 26 mai 2015 doit donc être annulé en tant qu'il a rejeté l'appel en garantie formées par les sociétés Denu et Paradon et Marc Larivière de la société Omnium technique européen ingénierie. La répartition des honoraires annexée à l'acte d'engagement fixe ceux-ci pour la mission direction de l'exécution des travaux, ici en cause, à 32 % pour la société Denu et Paradon, 41 % pour la société Marc Larivière et 27 % pour la société Omnium technique européen ingénierie. Compte tenu de cette répartition et de la faute propre de la société Omnium technique européen ingénierie, la société Denu et Paradon est seulement fondée à être garantie par la société Omnium technique européen ingénierie à hauteur de 80 % de la somme de 107 558,76 euros que le groupement de maîtrise d'oeuvre a été condamné à garantir à la métropole européenne de Lille par l'article 4 du jugement du 26 mai 2015 du tribunal administratif de Lille. Compte tenu de ces éléments mais également de la faute propre de la société Marc Larivière, cette dernière société est seulement fondée à être garantie par la société Omnium technique européen ingénierie à hauteur de 60 % de la somme précédemment évoquée.

Sur les frais liés à l'instance :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la métropole européenne de Lille, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les sociétés Denu et Paradon, Marc Larivière et Omnium technique européen ingénierie lui demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge solidaire des sociétés Denu et Paradon et Marc Larivière une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la métropole européenne de Lille et non compris dans les dépens. Il y a également lieu de mettre à la charge de la société Omnium technique européen ingénierie une somme de 2 000 euros à verser aux sociétés Denu et Paradon et Marc Larivière.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 7 du jugement du tribunal administratif de Lille du 26 mai 2015 est annulé en tant qu'il rejette l'appel en garantie de la société Omnium technique européen ingénierie par les sociétés Denu et Paradon et Marc Larivière.

Article 2 : La société Omnium technique européen ingénierie est condamnée à garantir la société Denu et Paradon à hauteur de 80 % et la société Marc Larivière à hauteur de 60 % de la somme de 107 558,76 euros que le tribunal administratif de Lille a condamné solidairement les sociétés Denu et Paradon, Marc Larivière et Omnium technique européen ingénierie à garantir à la métropole européenne de Lille.

Article 3 : Les sociétés Denu et Paradon et Marc Larivière verseront une somme de 2 000 euros à la métropole européenne de Lille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La société Omnium technique européen ingénierie versera une somme de 2 000 euros aux sociétés Denu et Paradon et Marc Larivière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Me A... E... pour les sociétés Denu et Paradon et Marc Larivière, à Me F... C... pour la société Omnium technique européen ingénierie et à Me A... D... pour la métropole européenne de Lille.

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N°19DA02508

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02508
Date de la décision : 04/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-06 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Actions en garantie.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP BIGNON LEBRAY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-02-04;19da02508 ?
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