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18/02/2021 | FRANCE | N°19DA01935

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 18 février 2021, 19DA01935


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du président du centre communal d'action sociale de Roubaix du 25 février 2017 entraînant sa révocation, d'enjoindre au centre communal d'action sociale de Roubaix de le réintégrer et de reconstituer sa carrière, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du dixième jour suivant la décision à intervenir et de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Roubaix une somme de 3 500 euros en applicati

on de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du président du centre communal d'action sociale de Roubaix du 25 février 2017 entraînant sa révocation, d'enjoindre au centre communal d'action sociale de Roubaix de le réintégrer et de reconstituer sa carrière, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du dixième jour suivant la décision à intervenir et de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Roubaix une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1703701 du 14 juin 2019 le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes et mis à sa charge la somme de 500 euros à verser au centre communal d'action sociale de Roubaix au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 août 2019, M. B... F..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du président du centre communal d'action sociale de Roubaix du 25 février 2017 portant révocation ;

3°) d'enjoindre au centre communal d'action sociale de Roubaix de le réintégrer et de reconstituer sa carrière, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du dixième jour suivant l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Roubaix une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de condamner le centre communal d'action sociale de Roubaix aux entiers frais et dépens de l'instance.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur ;

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.F..., coordinateur du pôle accueil du centre communal d'action sociale de Roubaix centre depuis 2006, nommé rédacteur principal de 2ème classe le 3 mars 2016, était chargé d'encadrer huit agents. Ses fonctions l'amenaient à participer à la distribution de tickets services aux roubaisiens en difficulté. Il a été informé, par lettre du 17 décembre 2016, de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre après avoir fait l'objet d'une mesure de suspension de ses fonctions à compter du 28 octobre 2016. Le président du centre communal d'action sociale de Roubaix a prononcé sa révocation par un arrêté du 25 février 2017 après la réunion du conseil de discipline du 24 février 2017. Par jugement du 14 juin 2019 dont M. F... relève appel, le tribunal administratif de Lille a rejeté, notamment, ses conclusions à fin d'annulation de cet arrêté du 25 février 2017.

2. En premier lieu, aucune disposition n'interdisait à l'administration de procéder à une enquête administrative avant la mesure de suspension du 28 octobre 2016 et avant l'envoi le 17 décembre 2016 d'une lettre informant M. F... de l'engagement d'une procédure disciplinaire et le convoquant à un entretien préalable le 10 janvier 2017. A supposer que ce dernier ait entendu se prévaloir des dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires, issues de l'article 36 de la loi du 20 avril 2016, aux termes desquelles aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction, les faits reprochés, révélés lors de l'enquête administrative initiée début 2016, pouvaient être régulièrement invoqués pour engager des poursuites disciplinaires dans un délai de trois ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016.

3. En deuxième lieu, la lettre du 17 décembre 2016, précitée informait M. F... qu'il pouvait se faire assister par un conseil de son choix et accéder à l'intégralité de son dossier. Une nouvelle lettre l'invitant à prendre connaissance de son dossier complétée par des ajouts, lui a été adressée le 1er février 2017. M. F... a attesté le 11 février 2017, avoir pris connaissance le jour même, de son dossier administratif et disciplinaire. Il a ainsi bénéficié de l'ensemble des garanties qui s'attachent à la procédure disciplinaire. Le moyen tiré de la violation de ses droits à la défense ne peut qu'être écarté.

4. En troisième lieu, Mme C... D..., directrice des ressources humaines du centre communal d'action sociale de Roubaix a exercé les fonctions de secrétaire du conseil de discipline. Mais il n'est ni allégué ni établi qu'elle aurait manifesté une animosité personnelle ou fait preuve de partialité et influencé les débats et l'avis rendu. Si, M. F... soutient également, qu'un membre de la famille de Mme D... était présent, ses allégations, contestées en défense, ne sont pas assorties de précisions. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du conseil de discipline doit être rejeté.

5 . En quatrième lieu, l'arrêté de révocation du 25 février 2017 a été pris au visa de l'avis du conseil de discipline émis 24 février 2017, jour de la séance, mais dont le procès-verbal n'a été rédigé que le 27 février 2017. Toutefois, les dispositions de l'article 14 du décret du 18 septembre 1989 susvisé qui prévoient que " L'avis émis par le conseil de discipline est communiqué sans délai au fonctionnaire intéressé ainsi qu'à l'autorité territoriale (...) " n'impliquent nullement que soit communiqué à l'intéressé, avant que soit édictée une sanction, le procès-verbal du conseil de discipline. M. F... n'a pas été privé de la possibilité de contester cet avis devant le conseil de discipline de recours. Par suite, le moyen tiré d'un tel vice de procédure doit être écarté.

6. En cinquième lieu, l'arrêté du 28 octobre 2016 suspendant M. F... de ses fonctions ne constitue pas la base légale de l'arrêté de révocation qui n'a pas été pris pour son application. Dès lors, les allégations de M. F... tenant à l'illégalité de l'arrêté de suspension sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté de révocation en litige dans la présente instance.

7. En sixième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

8. D'une part, en l'absence de dispositions législatives contraires, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen. Toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté. Il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l'encontre de l'un de ses agents sur des pièces ou documents qu'il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie. Il appartient au juge administratif, saisi d'une sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un agent public, d'en apprécier la légalité au regard des seules pièces ou documents que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir. En l'espèce, l'enquête administrative diligentée en 2016 par la direction du centre communal d'action sociale de Roubaix repose sur les témoignages précis et concordants des collègues de M. F... et sur une analyse détaillée de la gestion administrative et comptable des tickets services et sur l'examen de pièces. Le moyen tiré d'une attitude déloyale de la hiérarchie lors du déroulé de cette enquête doit être écarté et les éléments ainsi mis en évidence peuvent être pris en compte.

9. D'autre part, l'arrêté de révocation du 25 février 2017 mentionne cette enquête réalisée à compter de février 2016 et indique que M. F... n'a pas contrôlé les enregistrements de séries tickets services provenant du service finances du centre communal d'action sociale de Roubaix, ni vérifié les reçus, qu'il avait connaissance et a cautionné le non-respect délibéré de la procédure interne de délivrance de ces tickets et l'édition de faux par le personnel du service dont il avait la responsabilité sans en alerter sa hiérarchie. Cette enquête a mis en évidence un montant estimé des aides distribuées non justifiées de 28 000 euros pour l'année 2016, sans que la circonstance que ce chiffre ne soit pas repris dans un document comptable conduise à douter de la réalité de l'ordre de grandeur des dysfonctionnements. Contrairement aux affirmations de l'appelant, aucun fait de vol ou fait de détournement de fonds ne lui est reproché. Par suite, l'erreur de fait qu'il invoque doit être écartée. La matérialité de graves manquements imputables à M. F... est établie et n'a d'ailleurs pas été réellement contestée par l'intéressé lors de son audition le 12 décembre 2016 par les services de police. Ces manquements constituent des fautes de nature à justifier une sanction et la sanction de révocation retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

10. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté attaqué avait pour objet d'évincer M. F... ou de lui nuire car il aurait signalé des difficultés dans la gestion du pôle accueil tenant au manque de moyens et à la surcharge de travail résultant de la suppression d'un des sites d'accueil du centre communal d'action sociale de Roubaix. Le détournement de pouvoir ou de procédure ainsi allégué ne ressort pas des pièces du dossier et ce moyen doit, par suite, être rejeté.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le centre communal d'action sociale de Roubaix, que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal a rejeté sa requête.

Sur les frais liés à l'instance :

12. L'instance n'ayant entraîné aucun dépens les conclusions présentées par M. F... tendant à leur remboursement ne peuvent qu'être rejetées.

13. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. F... doivent dès lors être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. F... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le centre communal d'action sociale de Roubaix et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : M. F... versera la somme de 1 000 euros au centre communal d'action sociale de Roubaix en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me A... pour M. B... F... et à Me E... pour le centre communal d'action sociale de Roubaix.

2

N° 19DA01935


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01935
Date de la décision : 18/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Suspension.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : DANDOY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-02-18;19da01935 ?
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