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18/02/2021 | FRANCE | N°20DA01616

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 18 février 2021, 20DA01616


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 mars 2020 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2001349 du 15 septembre 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête et un mémoire, enregistrés les 18 octobre 2020 et 11 janvier 2021, M. D..., représenté par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 mars 2020 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2001349 du 15 septembre 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 octobre 2020 et 11 janvier 2021, M. D..., représenté par Me E... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté du 12 mars 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même condition d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F... A..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... ressortissant du Nigéria né le 11 août 1984, serait, selon ses déclarations, entré en France le 11 juillet 2015. Il a bénéficié d'un titre de séjour temporaire d'un an à compter du mois d'avril 2018 sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui a été renouvelé une fois. Le 6 février 2020, il a sollicité la délivrance d'une carte de résident de longue durée, sur le fondement de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 12 mars 2020, le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le Nigéria comme pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office. M. D... relève appel du jugement du 15 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. / (...). / L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience. (...) ". Selon l'article R. 431-1 du même code : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire. ".

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que les parties ou leurs mandataires ont été convoqués à l'audience du 1er septembre 2020 dans les conditions prévues par les dispositions précitées du code de justice administrative, ni qu'ils aient été présents ou représentés à cette audience. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité soulevé, le jugement attaqué ayant été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière, M. D... est fondé à en demander, pour ce motif, l'annulation.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif d'Amiens.

Sur le moyen commun tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige :

5. Par un arrêté du 9 septembre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet de l'Oise a donné à M. Dominique Lepidi, secrétaire général de la préfecture de l'Oise, signataire de l'arrêté contesté, délégation à l'effet de signer toutes les décisions et tous les actes de procédure prévus par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait et doit être écarté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

6. La décision contestée comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier et des motifs de la décision en litige que le préfet de l'Oise n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de la situation de M. D....

8. Il ressort de la décision contestée que le droit au séjour de la compagne de M. D... en raison de sa qualité de parent d'enfant français a été frauduleusement acquis selon les motifs d'un arrêt n°16PA01041 de la cour administrative d'appel de Paris du 26 septembre 2017. Le préfet a pu, sans erreur de fait, indiquer que le droit au séjour de M. D... découlait de celui de sa concubine dès lors que celui-ci avait sollicité une carte de résident sur le fondement de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en invoquant vivre en concubinage avec une compatriote titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle " parent d'enfant français ". Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

9. Aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de (...) de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de refuser de délivrer une carte de résident sur le fondement de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'un vice de procédure en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour doit être écarté.

10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...). ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : /(...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

11. M. D... se prévaut de sa présence en France depuis 2015 et de son concubinage avec une compatriote, avec laquelle il a eu deux enfants. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que sa compagne est en situation irrégulière. Rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale, que le couple forme avec leurs deux enfants nés les 6 septembre 2016 et 13 mars 2018, se reconstitue au Nigéria, pays dont le couple a la nationalité. Même si M. D... exerce une activité salarié en tant qu'agent de service par des contrats à durée déterminée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait tissé en France des liens personnels intenses, anciens et stables. Il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans. Dans ces conditions, la décision en litige n'a pas porté au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'en prenant cette décision, le préfet de l'Oise aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant usage de son pouvoir de régularisation.

13. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

14. La décision en litige n'a pas pour effet de séparer M. D... de ses enfants. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ses enfants ainsi que sa concubine seraient dans l'impossibilité de le suivre au Nigéria. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 14, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'illégalité.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

16. Il résulte de ce qui a été dit au point 15 que M. D... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux 11 et 14, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de M. D....

18. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, qui n'a ni pour objet ni pour effet de refuser de délivrer un titre de séjour à M. D....

Sur la décision fixant le pays de destination :

19. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

20. M. D..., qui se borne à faire état d'une situation conflictuelle au Nigéria, ne produit aucun élément de nature à établir la réalité et l'actualité des risques qu'il prétend encourir en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Oise du 12 mars 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 15 septembre 2020 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me E... B... pour M. C... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information à la préfète de l'Oise.

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N°20DA01616

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01616
Date de la décision : 18/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : KANZA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-02-18;20da01616 ?
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