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25/03/2021 | FRANCE | N°20DA01866

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 25 mars 2021, 20DA01866


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. M'A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 4 novembre 2020 par lequel la préfète de la Somme l'a obligé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2003582 du 16 novembre 2020, le magistrat désigné par le président du trib

unal administratif d'Amiens a admis provisoirement M. B... à l'aide juridictionnelle et a ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. M'A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 4 novembre 2020 par lequel la préfète de la Somme l'a obligé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2003582 du 16 novembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a admis provisoirement M. B... à l'aide juridictionnelle et a annulé cet arrêté du 4 novembre 2020.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2020, la préfète de la Somme, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif d'Amiens.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. M'A... B..., ressortissant marocain né le 21 mai 1984, est entré sur le territoire français le 10 juillet 2014 sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles. Il a sollicité le 14 août 2014, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 10 septembre 2014, dont la légalité a été confirmée par une ordonnance de la cour administrative d'appel de Douai du 2 mars 2015, la préfète de la Somme lui a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. B... n'a pas respecté les obligations qui lui étaient imparties par un arrêté du 17 mars 2015 portant assignation à domicile, et n'a pas déféré à la mesure d'éloignement dont il faisait l'objet. M. B... a été interpellé le 4 novembre 2020 par les services de police d'Amiens dans le cadre d'un contrôle d'identité. Par un arrêté du 4 novembre 2020, la préfète de la Somme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant un an. La préfète de la Somme relève appel du jugement du 16 novembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté du 4 novembre 2020.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France à l'âge de trente ans. Il est célibataire et sans enfant à charge. Il s'est maintenu sur le territoire en dépit d'une mesure d'éloignement prononcée à son encontre en 2014. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ni n'est même allégué qu'il aurait effectué des démarches pour régulariser sa situation au regard du droit au séjour. Les pièces du dossier, constituées d'une attestation du médecin du père de M. B... du 12 novembre 2020 et de courriers de ses deux soeurs, qui font état de leur éloignement géographique en raison de leurs études ou de leur situation professionnelle, ne suffisent pas à établir que la présence de M. B... soit indispensable auprès de son père, atteint d'une maladie chronique et incurable alors que ce dernier est marié avec une ressortissante marocaine, qui vit en France avec lui et que ses deux filles sont également présentes sur le territoire. A la date de la décision contestée, l'une des soeurs de M. B..., infirmière en poste à Paris, est d'ailleurs la curatrice de son père. La circonstance qu'immédiatement après l'arrêté contesté, M. B... ainsi que sa soeur ont entrepris conjointement des démarches et obtenu du juge des tutelles par un jugement du 7 décembre 2020 que le requérant soit désigné comme curateur de son père, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté et ne suffit en tout état de cause pas à établir que la soeur de M B... n'aurait pas pu continuer à s'occuper de son père. M. B... ne justifie par ailleurs d'aucune insertion sociale ou professionnelle. Dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, la préfète de la Somme est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a annulé son arrêté pour ce motif.

4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... tant devant le tribunal administratif que devant la cour.

Sur les autres moyens :

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été entendu par les services de police le 4 novembre 2020. Il a ainsi été mis en mesure, à cette occasion, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il jugeait utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour. En outre, il n'est pas établi que l'intéressé aurait disposé d'autres informations tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure contestée et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction d'une telle mesure. Ainsi, la procédure suivie par la préfète de la Somme n'a pas porté atteinte au principe fondamental du droit d'être entendu tel qu'énoncé par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu tel que garanti par le principe général du droit de l'Union européenne doit être écarté.

6. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 2, le moyen tiré de ce que la préfète de la Somme aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de M. B... doit être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Somme est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé son arrêté du 4 novembre 2020. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par le conseil de M. B... en appel au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du 16 novembre 2020 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif ainsi que les conclusions de son conseil présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Me D... C... pour M. M'A... B....

Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Somme.

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N°20DA01866

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01866
Date de la décision : 25/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP FRISON ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-03-25;20da01866 ?
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