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08/04/2021 | FRANCE | N°19DA01079

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 08 avril 2021, 19DA01079


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat à lui verser d'une part la somme de 6 452,07 euros au titre de l'indemnité de préavis ainsi que la somme de 5 160 euros au titre de l'indemnité de licenciement d'autre part la somme de 77 400 euros en réparation de son préjudice matériel et de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1604138 du 14 décembre 201

8 le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes

Procédure devant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat à lui verser d'une part la somme de 6 452,07 euros au titre de l'indemnité de préavis ainsi que la somme de 5 160 euros au titre de l'indemnité de licenciement d'autre part la somme de 77 400 euros en réparation de son préjudice matériel et de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1604138 du 14 décembre 2018 le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mai 2019, Mme A... B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6 452,07 euros au titre de l'indemnité de préavis ainsi que la somme de 5 160 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 77 400 euros en réparation de son préjudice matériel ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive n° 1999/70 du Conseil de l'Union européenne du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée ;

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur-public ;

- et les observations de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée par l'Etat par contrats à durée déterminée successifs pour assurer les fonctions de professeur contractuel de secrétariat, puis de coordonnatrice et d'assistante pédagogique, puis de responsable de centre de ressources, entre le 15 octobre 1984 et 31 décembre 2002 dans le cadre de programmes de formation continue, puis, à compter du 1er janvier 2003 par le groupement d'intérêt public " Formation continue Insertion professionnelle " de l'académie de Rouen. Son contrat a été régulièrement renouvelé, dont en dernier lieu le 15 juillet 2008 pour la période du 1er août 2008 au 31 décembre 2008 inclus. Par courrier du 24 octobre 2008, le directeur du groupement d'intérêt public " Formation continue Insertion professionnelle " l'a informée de son intention de ne pas renouveler son contrat à l'expiration de celui-ci, décision confirmée le 5 décembre 2008 sur recours gracieux de l'intéressée. Mme B..., estimant qu'elle aurait dû pouvoir bénéficier d'un contrat à durée indéterminée après avoir exercé en qualité d'enseignante formatrice pendant vingt-quatre années, dans le cadre de contrats successifs à durée déterminée, a demandé la condamnation de l'Etat à lui verser des indemnités de préavis et de licenciement et à réparer les préjudices résultant de cette situation. Par un jugement du 14 décembre 2018 le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes. Mme B... en relève appel.

Sur la responsabilité pour faute :

2. Aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'éducation, alors en vigueur : " Pour la mise en oeuvre de leur mission de formation continue ainsi que de formation et d'insertion professionnelles, les établissements scolaires publics peuvent s'associer en groupement d'établissements, dans des conditions définies par décret, ou constituer, pour une durée déterminée, un groupement d'intérêt public. Des groupements d'intérêt public peuvent également être constitués à cette fin entre l'Etat et des personnes morales de droit public ou de droit privé. Les dispositions de l'article 21 de la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France sont applicables aux groupements d'intérêt public mentionnés au présent article. Toutefois, les directeurs de ces groupements d'intérêt public sont nommés par le recteur d'académie ". Aux termes de l'article 3 du décret du 28 août 2001: " Le groupement d'intérêt public jouit de la personnalité morale à compter de la publication au Journal officiel de la République française de la convention constitutive, sous la forme d'un avis (...) ". Aux termes de l'article R. 423-27 du code de l'éducation, alors en vigueur : " Lorsque les missions, les activités et les ressources du groupement le justifient, des agents contractuels de droit public rémunérés sur le budget de celui-ci peuvent être recrutés par des contrats à durée déterminée qui ne peuvent être renouvelés que par disposition expresse. Les personnels ainsi recrutés, pour une durée au plus égale à celle du groupement, n'acquièrent pas de droit à occuper ultérieurement des emplois dans les personnes morales membres de celui-ci. Les dispositions du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions applicables aux agents non titulaires de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, à l'exception de ses articles 4 à 8, leur sont applicables (...) ".

3. Aux termes de l'article 13 de la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique : " I. - Lorsque l'agent, recruté sur un emploi permanent, est en fonction à la date de publication de la présente loi (...) le renouvellement de son contrat est soumis aux conditions prévues aux quatrième, cinquième et sixième alinéas de l'article 4 de la même loi. / Lorsque, à la date de publication de la présente loi, l'agent est en fonction depuis six ans au moins, de manière continue, son contrat ne peut, à son terme, être reconduit que par décision expresse et pour une durée indéterminée. / II. - Le contrat est, à la date de publication de la présente loi, transformé en contrat à durée indéterminée, si l'agent satisfait, le 1er juin 2004 ou au plus tard au terme de son contrat en cours, aux conditions suivantes : 1° Etre âgé d'au moins cinquante ans ; 2° Etre en fonction (...) 3° Justifier d'une durée de services effectifs au moins égale à six ans au cours des huit dernières années ; 4° Occuper un emploi en application de l'article 4 ou du premier alinéa de l'article 6 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, dans les services de l'Etat ou de ses établissements publics administratifs. ".

4. Mme B... soutient en premier lieu que, l'Etat a engagé sa responsabilité pour faute en méconnaissant l'article 13 de la loi du 26 juillet 2005 en la laissant exercer en qualité d'enseignante formatrice pendant vingt-quatre ans dans le cadre de contrats successifs à durée déterminée sans lui proposer un contrat à dure indéterminée. Mais comme cela a été indiqué au point 1, à la date de la publication de la loi du 26 juillet 2005, elle était employée par un groupement d'intérêt public " Formation continue Insertion professionnelle " de l'académie de Rouen, doté de la personnalité morale. Elle n'était donc pas employée ni par un service de l'Etat ni par un de ses établissements publics. Par suite, sa situation n'entrait pas dans le champ de l'article 13 de la loi du 26 juillet 2005 et Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de l'Etat serait engagée pour méconnaissance de ces dispositions.

5. Si le ministre de l'éducation nationale par note de service n° 2001-006 du 27 janvier 2010 NOR MENG1001226N a rappelé les dispositions de la loi du 26 juillet 2005 en soulignant qu'il est nécessaire d'appliquer aux personnels des groupements d'intérêt public pour la formation continue et l'insertion professionnelle la règle selon laquelle tout contrat conclu au-delà d'une période de six années doit prendre la forme du contrat à durée indéterminée, Mme B... ne peut utilement s'en prévaloir pour rechercher la responsabilité de l'Etat alors que son dernier employeur était le groupement d'intérêt public " Formation continue Insertion professionnelle ", et qu'au demeurant le non renouvellement de son dernier contrat en 2008 est antérieur à cette note de service.

6 Si Mme B... soutient que les dispositions de l'article R. 423-27 du code de l'éducation n'interdisaient pas le recours au contrat de travail à durée indéterminée pour le recrutement et le changement du statut au-delà de la sixième année d'un agent d'un groupement d'intérêt public pour la formation continue et l'insertion professionnelle, en tout état de cause elle ne saurait rechercher la responsabilité de l'Etat à raison de la décision de ne pas renouveler son contrat qui a été prise par le seul groupement d'intérêt public qui l'employait en 2008 et non par l'Etat.

7. Enfin, aux termes de l'article 1er de la directive 1999/70/CE du Conseil de l'Union européenne du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée : " La présente directive vise à mettre en oeuvre l'accord cadre sur le travail à durée déterminée, figurant en annexe, conclu le 18 mars 1999 entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP) ". Aux termes de l'article 2 de cette directive : " Les Etats membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 10 juillet 2001 ou s'assurent, au plus tard à cette date, que les partenaires sociaux ont mis en place les dispositions nécessaires par voie d'accord, les Etats membres devant prendre toute disposition nécessaire leur permettant d'être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la présente directive. (...) ". En vertu des stipulations de la clause 5 de l'accord-cadre annexé à la directive, relative aux mesures visant à prévenir l'utilisation abusive des contrats à durée déterminée : " 1. Afin de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les Etats membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n'existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d'une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l'une ou plusieurs des mesures suivantes : a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail ; b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs ; c) le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail. 2. Les Etats membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c'est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée : a) sont considérés comme "successifs" ; b) sont réputés conclus pour une durée indéterminée ".

8. Mme B... soutient que l'article R. 423-27 du code de l'éducation méconnaît les objectifs poursuivis par la directive n° 1999/70 du Conseil du 28 juin 1999. Elle était employée de 2003 à 2008 par le groupement d'intérêt public " Formation continue Insertion professionnelle " de l'académie de Rouen, constitué entre l'Etat et six établissements d'enseignement sur le fondement de l'article L. 423-1 du code de l'éducation alors en vigueur. Ce groupement d'intérêt public était constitué pour une durée déterminée, justifiant ainsi de manière objective, conformément aux stipulations de la clause 5 de l'accord-cadre annexé à la directive, que ce groupement ne soit autorisé à conclure que des contrats à durée déterminée et non des contrats à durée indéterminée dont la durée est supérieure à celle prévue pour son existence. En outre, les dispositions de l'article R. 423-27 précité ne permettaient le recrutement par le groupement d'intérêt public que dans l'hypothèse où ses missions, ses activités et ses ressources du groupement le justifiaient. Ainsi un état des effectifs du groupement devait être soumis annuellement au commissaire du Gouvernement, à un membre du contrôle général économique et financier et au comité technique paritaire académique. Ces dispositions étaient de nature à prévenir le risque d'abus résultant de l'utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs et à remplir les objectifs de la directive n° 1999/70 du 28 juin 1999. Mme B... n'est donc pas fondée à soutenir que l'article R. 423-27 du code de l'éducation méconnaît les objectifs poursuivis par la directive n° 1999/70 du Conseil du 28 juin 1999.

Sur la responsabilité sans faute :

9. La responsabilité de l'Etat, du fait des lois, est susceptible d'être engagée, d'une part, sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, pour assurer la réparation de préjudices nés de l'adoption d'une loi à la condition que cette loi n'ait pas entendu exclure toute indemnisation et que le préjudice dont il est demandé réparation, revêtant un caractère grave et spécial, ne puisse, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement aux intéressés, d'autre part, en raison des obligations qui sont les siennes pour assurer le respect des conventions internationales par les autorités publiques, pour réparer l'ensemble des préjudices qui résultent de l'intervention d'une loi adoptée en méconnaissance des engagements internationaux de la France .

10. Mme B... soutient que la législation propre aux groupements d'intérêt public de formation ne permettait pas que lui soit proposé un contrat à durée indéterminée alors qu'elle a travaillé par le biais de contrats à durée déterminée renouvelés, qu'ainsi l'Etat a engagé sa responsabilité sans faute pour rupture d'égalité devant les charges publiques et en laissant perdurer une législation propre aux groupements d'intérêt public de formation incompatible avec les objectifs poursuivis par la directive n° 1999/70 du Conseil du 28 juin 1999. Mais d'une part, sa situation d'agent d'un groupement d'intérêt public ne présentait aucune spécificité par rapport à celle de ses collègues et elle ne justifie pas avoir subi du fait de la loi un préjudice anormal et spécial pour rupture d'égalité devant les charges publiques, d'autre part et en tout état de cause, ses allégations quant à la législation ainsi visée sont dépourvues des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes.

Sur les frais d'instance :

12. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par Mme B... doivent dès lors être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... pour Mme A... B... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

3

N° 19DA01079


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01079
Date de la décision : 08/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL BE-LAW et CONSULTING

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-04-08;19da01079 ?
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