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10/06/2021 | FRANCE | N°20DA01096

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation a 3, 10 juin 2021, 20DA01096


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... F... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2017 par lequel le maire de Dunkerque a prononcé à son encontre une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux jours à compter du 8 février 2017 et de mettre à la charge de la commune de Dunkerque une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1702687 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté et a mis

la charge de la commune de Dunkerque le versement d'une somme de 1 500 euros au ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... F... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2017 par lequel le maire de Dunkerque a prononcé à son encontre une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux jours à compter du 8 février 2017 et de mettre à la charge de la commune de Dunkerque une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1702687 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté et a mis à la charge de la commune de Dunkerque le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2020, la commune de Dunkerque, représentée par la SCP Saidji B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme F... devant le tribunal administratif de Lille ;

3°) de mettre à la charge de Mme F... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente-rapporteure,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me C... B..., représentant la commune de Dunkerque.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., ingénieure territoriale principale au sein de la commune de Dunkerque, a été affectée, à compter du 2 mars 2015, sur un poste de responsable du service " domanialité publique ". Par un arrêté du 23 janvier 2017, le maire de Dunkerque a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux jours à compter du 8 février 2017. La commune de Dunkerque relève appel du jugement du 23 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté et a mis à sa charge le versement à Mme F... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Lille :

2. Aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) / Le maire certifie, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes ". Selon l'article R. 2122-7 du même code : " (...) / La publication des arrêtés du maire peut être constatée par une déclaration certifiée du maire. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté n° 2016/5245 daté du 30 septembre 2016, le maire de Dunkerque a donné délégation à M. D... A..., adjoint au maire, en vertu des dispositions de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, notamment en matière de personnel et de pouvoir disciplinaire. Il ressort du cachet figurant sur cet arrêté que celui-ci a été transmis à la sous-préfecture de Dunkerque le 30 septembre 2016. Si l'arrêté ne comporte aucune mention quant à son affichage ou publication, le maire de Dunkerque certifie dans une attestation du 17 janvier 2020 que cet " arrêté n° 2016/5245 en date du 30 septembre 2016, portant délégation de signature aux adjoints, a été affiché en mairie à compter de cette même date pendant un délai de deux mois, et publié en texte intégral au recueil des actes administratifs de la mairie ". Cette attestation, même établie plus de trois ans après, qui précise la date et les modalités d'affichage suffit à établir l'accomplissement régulier des formalités de publicité de l'arrêté de délégation. La circonstance que s'agissant de la publication, le recueil des actes administratifs mentionne de manière erronée une date du 28 septembre 2016 pour cet arrêté de délégation de signature, ne suffit pas à remettre en cause le caractère exécutoire de l'arrêté de délégation de signature qui a été affiché en mairie à compter du 30 septembre 2016 durant deux mois et transmis le même jour au représentant de l'Etat. Par suite, la commune de Dunkerque est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé son arrêté au motif tiré de ce que l'arrêté de délégation n'aurait pas régulièrement fait l'objet des formalités de publication ou d'affichage.

4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme F... tant devant le tribunal administratif que devant la cour.

Sur les autres moyens soulevés à l'encontre de l'arrêté du 23 janvier 2017 :

En ce qui concerne la légalité externe :

5. Il ressort de l'arrêté de délégation du 30 septembre 2016, que l'adjoint au maire, signataire de l'arrêté en litige, a reçu délégation notamment en matière de personnel et de pouvoir disciplinaire. La délégation est dès lors suffisamment précise. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

6. Aux termes de l'article 4 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicables aux fonctionnaires territoriaux, dans sa version applicable à la date de la décision contestée : " L'autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l'intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l'autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. / L'intéressé doit disposer d'un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier et organiser sa défense. Les pièces du dossier et les documents annexés doivent être numérotés ". Une sanction ne peut être légalement prononcée à l'égard d'un agent public sans que l'intéressé ait été mis en mesure de présenter utilement sa défense. S'agissant des sanctions du premier groupe, dont fait partie, pour les fonctionnaires territoriaux, l'exclusion temporaire de fonctions en vertu des dispositions précitées de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984, cette garantie procédurale est assurée, en application des dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, par l'information donnée par l'administration à l'intéressé qu'une procédure disciplinaire est engagée, et qu'il dispose du droit à la communication de son dossier individuel et de tous les documents annexes, ainsi qu'à l'assistance des défenseurs de son choix. En revanche, il ne résulte d'aucune disposition légale ou principe général qu'avant l'édiction d'une sanction du premier groupe, un agent doive être mis à même de présenter des observations orales.

7. Il ressort des pièces du dossier que par une lettre datée du 20 novembre 2016, remise en main propre à Mme F... le 21 décembre 2016, le maire de Dunkerque a convoqué l'intéressée à un entretien le 10 janvier 2017 en vue d'une sanction disciplinaire. La circonstance que cette lettre soit datée du 20 novembre 2016 alors qu'elle fait référence au relevé de conclusions du 22 novembre 2016, ne relève que d'une erreur matérielle sans influence sur la régularité de la procédure. Cette lettre mentionne le droit de Mme F... à la communication de son dossier individuel ainsi que la possibilité de se faire assister par une personne de son choix. Mme F..., qui avait déjà consulté son dossier individuel le 8 novembre, en a pris à nouveau connaissance le 21 décembre 2016. Cette lettre de convocation se réfère au rapport établi par la hiérarchie de Mme F... ainsi donc qu'à un relevé de conclusions du 22 novembre 2016, relatif à un premier entretien auquel l'intéressée a participé le 14 novembre 2016. Il ressort des pièces du dossier que contrairement à ce qu'elle prétend, Mme F... a eu connaissance du rapport établi le 26 octobre 2016 par sa supérieure hiérarchique puisqu'elle indique dans l'accusé de réception signé par elle le 8 novembre 2016, l'avoir lu lors de la consultation de son dossier personnel. Si Mme F... allègue également n'avoir pas eu connaissance du relevé de conclusions du 22 novembre 2016, ce que conteste la commune, elle n'a pas signalé que cette pièce n'était pas dans son dossier alors pourtant qu'elle avait été informée de son existence par le courrier l'informant de la possibilité d'accéder à son dossier. Il ne ressort pas plus des pièces du dossier qu'elle aurait cherché à en obtenir la communication entre le 21 décembre 2016 et la date de son entretien trois semaines plus tard. En outre, Mme F... qui était accompagnée de son avocate et d'une représentante syndicale lors de l'entretien du 10 janvier 2017, n'a pas davantage fait mention de ce relevé de conclusions du 22 novembre 2016, alors que l'entretien du 10 janvier 2017 a expressément évoqué l'entretien de médiation du 14 novembre 2016 objet de ce relevé de conclusions. Même si la lettre de convocation ne précisait pas explicitement les faits qui lui étaient reprochés, eu égard au déroulement de la procédure tel que précédemment rappelé, Mme F... a été mise à même de présenter utilement sa défense au cours de l'entretien du 10 janvier 2017, soit avant que n'intervienne treize jours plus tard la décision en litige. Par suite, le moyen tiré ce que la procédure serait irrégulière en raison de la méconnaissance des droits de la défense tels que prévus par l'article 4 du décret du décret du 18 septembre 1989 doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

8. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

9. Pour prononcer la sanction en litige, l'autorité disciplinaire s'est fondée sur plusieurs griefs, à savoir des retards récurrents de Mme F... à son poste de travail, pour se rendre notamment auprès de son organisation syndicale, une absence de service de fait, un manquement à l'obligation d'obéissance hiérarchique en ne se consacrant pas aux priorités de son service, et des difficultés relationnelles avec son équipe.

10. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment d'un courrier électronique du 20 septembre 2016 émanant de la supérieure hiérarchique de Mme F... que cette dernière n'était pas à son poste de travail en début de matinée les 19 et 20 septembre 2016 au motif qu'elle se serait rendue à son syndicat, lorsque sa directrice a souhaité la voir. Il lui a été rappelé qu'elle devait solliciter une autorisation préalable. Mme F... n'apporte aucun élément probant pour contredire la réalité de ce constat notamment pour ces deux dates. Elle a par ailleurs fait l'objet d'une retenue sur traitement en raison d'une absence injustifiée l'après-midi du 22 septembre 2016. Dès lors, même s'il n'est pas établi de manière certaine qu'elle se serait durant une quinzaine de jours " consacrée à sa défense " durant ses horaires de travail, il ressort des pièces du dossier que Mme F... n'a pas respecté ses obligations horaires alors au demeurant, qu'elle se révèle exigeante sur ce point avec ses propres agents.

11. En deuxième lieu, il ressort du rapport circonstancié de la directrice des affaires juridiques, supérieur hiérarchique de Mme F... depuis juin 2016, que cette dernière ne s'est pas investie dans les priorités fixées au service dont elle est responsable, telles que la résorption et le suivi des difficultés existantes dans les marchés de la ville, Mme F... s'étant exonérée de la lecture des rapports établis par les placiers de la commune, placés sous sa responsabilité, ou encore le suivi informatique des absences de commerçants dans les marchés. Pour contester ces faits, elle se borne à prétendre qu'elle n'aurait pas suivi de formation sur le logiciel, et qu'aucune base de données correcte n'existait dans ce logiciel. Il ressort en outre également de divers courriels qu'elle n'a pas assuré, alors qu'elle en avait connaissance depuis juillet 2016, le suivi nécessaire quant à l'organisation d'une animation culturelle prévue sur un des marchés de la ville le 12 novembre 2016. Par suite, le grief tiré de ce que Mme F... a refusé d'assurer certaines de ses missions est également établi.

12. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment d'une note commune, rédigée le 15 juin 2016 par certains de ses agents, adressée au directeur général adjoint de la commune, et du constat également opéré par sa supérieure hiérarchique, que Mme F... n'a pas fait preuve d'un comportement managérial adéquat vis-à-vis de son équipe, en se moquant notamment de deux de ses agents, ou en ne cherchant pas à instaurer une meilleure ambiance de travail. La moitié de ses agents ont d'ailleurs demandé une mobilité. S'il est vrai que le service de la domanialité publique rencontrait déjà d'importantes tensions avant sa prise de fonctions, cette circonstance ne suffit pas à l'exonérer totalement de sa responsabilité compte tenu de son propre comportement à l'égard de ses agents. Par suite, le grief tiré de ce que Mme F... a concouru par son comportement aux tensions relationnelles rencontrées par ses agents est également établi.

13. Il résulte des points 10 à 12 que les faits reprochés à Mme F... sont établis. Ils sont de nature à justifier une sanction. Si l'intéressée soutient qu'elle n'a jamais fait l'objet de sanction par le passé et que ses évaluations étaient jusque-là satisfaisantes, ces circonstances ne suffisent pas à démontrer que la commune de Dunkerque aurait commis une erreur d'appréciation en lui infligeant une sanction du premier groupe telle qu'une exclusion temporaire de deux jours.

14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, que la commune de Dunkerque est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 23 janvier 2017 et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Dunkerque, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme F... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de Mme F... la somme demandée par la commune de Dunkerque au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 23 juin 2020 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme F... devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Dunkerque au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Dunkerque et à Mme E... F....

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N°20DA01096

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 20DA01096
Date de la décision : 10/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS SAIDJI et MOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-06-10;20da01096 ?
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