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17/06/2021 | FRANCE | N°20DA01636

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation a 3, 17 juin 2021, 20DA01636


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 janvier 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office, d'autre part, d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de la Seine-Maritime, à titre princi

pal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 janvier 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office, d'autre part, d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation après l'avoir mise en possession d'une autorisation provisoire de séjour, enfin, de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2001718 du 15 septembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 28 janvier 2020 du préfet de la Seine-Maritime, a enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme A... d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 22 octobre 2020 sous le n°20DA01636, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par la personne se disant Mme A..., devant le tribunal administratif de Rouen.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., ressortissante de la République démocratique du Congo qui serait née le 1er septembre 1990 à Kinshasa, est entrée en France, selon ses déclarations, le 18 août 2013, dans des conditions irrégulières. Elle a formé, le 9 octobre 2013, une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 1er avril 2015 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 6 avril 2016. Elle a sollicité, le 15 juin 2016, la délivrance de l'autorisation provisoire de séjour prévue par l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin d'être autorisée à accompagner sa fille, née en France le 4 avril 2014 et dont la paternité avait été reconnue par un ressortissant français, dans son parcours de soins, rendu nécessaire pour la réduction chirurgicale et la prise en charge d'une malformation gastrique. Par un arrêté du 12 décembre 2017, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à cette demande et a fait obligation à Mme A... de quitter le territoire français. Cet arrêté ayant été annulé par un jugement du 5 juillet 2018 du tribunal administratif de Rouen, devenu définitif, le préfet de la Seine-Maritime a, pour l'exécution de ce jugement, délivré à Mme A... une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 21 novembre 2019 et a procédé à un nouvel examen de la situation de l'intéressée. Par un arrêté du 28 janvier 2020, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de délivrer à Mme A... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Par un jugement du 15 septembre 2020, le tribunal administratif de Rouen, à la demande de Mme A..., a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme A... d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

2. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel de ce jugement, dont il demande, par sa requête enregistrée sous le n°20DA01636, l'annulation et, dans cette attente, par sa requête enregistrée sous le n°20DA01637, le sursis à l'exécution jusqu'à ce que la cour se prononce sur le fond du litige.

3. Les requêtes introduites par le préfet de la Seine-Maritime, enregistrées sous les n°s 20DA01636 et 20DA01637, sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

Sur la requête à fin d'annulation :

4. Pour annuler, par le jugement attaqué, l'arrêté du 28 janvier 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A... et, par voie de conséquence, les autres décisions contenues dans cet arrêté, le tribunal administratif de Rouen a retenu les circonstances que l'intéressée était la mère d'une enfant française dont l'état de santé continuait de rendre nécessaire une prise en charge médicale après l'intervention chirurgicale pratiquée le 3 septembre 2014, et d'un autre enfant né de sa relation avec un compatriote titulaire d'une carte de résident. Le tribunal administratif en a déduit que Mme A... devait ainsi être regardée comme ayant fixé le centre de ses attaches en France, où elle travaille depuis le mois de septembre 2019. En prenant, en outre, en compte la durée et les conditions du séjour en France de Mme A..., les premiers juges ont estimé que, dans ces conditions, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour avait porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il ressort toutefois des pièces du dossier, comme le soutient le préfet de la Seine-Maritime, que, par un avis émis le 11 juin 2019 sur la demande d'autorisation provisoire de séjour qu'avait présentée Mme A... pour pouvoir accompagner sa fille dans le cadre de sa prise en charge médicale, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que, si l'état de santé de cette dernière continuait de rendre nécessaire un suivi médical, le défaut de celui-ci ne devrait cependant pas entraîner pour cette enfant des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le certificat médical versé au dossier par Mme A..., établi le 20 avril 2016 par un médecin généraliste, qui, outre une paraphrase non circonstanciée des conditions énoncées au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que l'état de santé de l'enfant nécessite une surveillance régulière durant un an, sauf complication, n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par l'autorité préfectorale au vu de l'avis émis le 11 juin 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. En outre, il n'est pas contesté que le ressortissant français qui a reconnu par anticipation, le 27 janvier 2014 à la mairie de Lyon, la paternité de cette enfant, reconnaissance sur laquelle le préfet de la Seine-Maritime émet au demeurant des doutes, ne contribue aucunement à l'éducation de cette enfant, ni même à son entretien, ce dont les trois attestations de sa main, produites devant les premiers juges, ne peuvent suffire à établir. Par ailleurs, si Mme A... est la mère d'un autre enfant, né le 23 février 2017 de son union avec un compatriote titulaire d'une carte de résident en cours de validité, il ressort des pièces du dossier que ce dernier ne vit pas avec cet enfant et qu'il n'est justifié de sa part que d'une contribution ponctuelle, au demeurant postérieure à l'arrêté contesté, à l'entretien de celui-ci. Mme A... s'est prévalue, devant les premiers juges, d'une saisine du juge aux affaires familiales aux fins, notamment, de fixer, après la séparation du couple, le lieu de résidence de l'enfant et les modalités d'exercice, par le père de celui-ci, de son droit de visite. Cependant, il ressort des termes mêmes de cette requête qu'elle a été présentée, non par ce dernier, mais par Mme A... elle-même, dans le but de sauvegarder ses droits, de sorte qu'il n'est pas établi que son ancien compagnon ait entendu effectivement exercer ce droit de visite. Dès lors, Mme A... ne peut être regardée comme disposant du centre de ces intérêts familiaux en France, alors même qu'elle justifie y travailler, d'ailleurs seulement depuis le mois de septembre 2019, soit depuis à peine quatre mois à la date de l'arrêté contesté. Dans ces circonstances et eu égard à la durée, ainsi qu'aux conditions du séjour en France de Mme A..., qui s'est d'ailleurs prévalue d'un acte de naissance dont l'authenticité a été sérieusement mise en doute par la cellule de la fraude documentaire et à l'identité de la direction interdépartementale de la police aux frontières, la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen, pour annuler sa décision refusant de délivrer un titre de séjour à l'intéressée et, par voie de conséquence, les autres décisions contenues dans son arrêté du 28 janvier 2020, a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Rouen et devant elle.

En ce qui concerne le refus de séjour :

7. L'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 11 juin 2019, produit au dossier de première instance par le préfet de la Seine-Maritime, est revêtu de la signature de chacun des trois médecins ayant délibéré et ne peut être regardé, à défaut de tout élément probant sur ce point, comme comportant des signatures électroniques. Cet avis vise, notamment, les dispositions des articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'arrêté ministériel du 27 décembre 2016, posant le principe d'une délibération collégiale, et comporte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant : (...) ", laquelle fait foi du caractère collégial de la délibération, jusqu'à preuve du contraire, dès lors que cet avis est régulièrement signé. En outre, alors qu'il résulte des dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 que l'avis est émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à l'issue d'une délibération pouvant prendre la forme soit d'une réunion, soit d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle, la circonstance que les signatures figurant sur un avis émis à l'issue d'une telle délibération y auraient été apposées par numérisation ne suffit pas, en tout état de cause, à remettre en cause la mention relative au caractère collégial de cet avis, ni à mettre en doute, en l'absence de tout indice en ce sens, l'effectivité de l'absence du médecin rapporteur lors du délibéré. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière.

8. Aux termes de l'article L. 311-12, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 (...). / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. ".

9. Ainsi qu'il a été dit au point 5, le préfet de la Seine-Maritime, pour refuser à Mme A... la délivrance de l'autorisation provisoire de séjour prévue par les dispositions précitées de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a estimé, au vu notamment de l'avis émis le 11 juin 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que, si l'état de santé de la fille de l'intéressée continuait de nécessiter une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner pour cette enfant des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le certificat médical établi le 20 avril 2016 par un médecin généraliste, dont la teneur est reprise au point 5, n'est pas de nature à remettre en cause cette appréciation. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision de refus de séjour, des dispositions précitées de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. Aux termes de l'article L. 313-11, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France (...) ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ; / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

11. Eu égard à ce qui a été dit au point 5, s'agissant de l'absence de preuve d'une contribution effective du ressortissant français qui a reconnu la paternité de la fille de Mme A... à l'entretien et à l'éducation de celle-ci, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision de refus de séjour, des dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

12. Pour les motifs énoncés au point 5, le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour aurait été prise en méconnaissance des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté. Il en est de même, eu égard à l'ensemble des circonstances exposées au même point 5, du moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A....

13. Aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

14. Eu égard à ce qui a été dit aux points 5 et 9, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de la fille de Mme A..., qui ne nécessite qu'une surveillance médicale annuelle, rendrait nécessaire son maintien sur le territoire français. En outre, la décision de refus de séjour n'a, en tout état de cause, ni pour objet, ni pour effet, de séparer cette enfant de sa mère, ni de son frère. Ainsi, le préfet de la Seine-Maritime, en prenant cette décision, ne peut être tenu comme ayant porté une attention insuffisante à l'intérêt supérieur des enfants de Mme A..., ni comme ayant méconnu les stipulations précitées du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

15. Il ressort des motifs de l'arrêté contesté que ceux-ci comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait constituant le fondement de la décision de refus de séjour prise à l'égard de Mme A.... En vertu du I de l'article L. 511-1, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque, comme en l'espèce, la décision portant obligation de quitter le territoire français est adossée à une décision de refus de séjour, elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique. Par suite, et alors même qu'il ne fait pas de référence expresse aux dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté contesté doit être regardé comme suffisamment motivé en ce qu'il fait obligation à Mme A... de quitter le territoire français.

16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 14 que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A... n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de séjour ne peut qu'être écarté.

17. Aux termes de l'article L. 511-4, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / (...) ".

18. Il n'est pas contesté, ainsi qu'il a été dit au point 5, que le ressortissant français qui a reconnu par anticipation, le 27 janvier 2014 à la mairie de Lyon, la paternité de la fille de Mme A..., née en France le 4 avril 2014, ne contribue aucunement à l'entretien ni à l'éducation de cette enfant, avec laquelle il n'entretient aucun lien. Mme A..., qui déclare être entrée en France le 18 août 2013, date à laquelle elle était vraisemblablement enceinte de sa fille, n'allègue d'ailleurs pas avoir entretenu une relation avec ce ressortissant français, ni ne donne aucune précision sur la présence de l'intéressé dans le pays dans lequel elle se trouvait avant son entrée sur le territoire français, de sorte qu'alors même qu'aucune procédure judiciaire en contestation de cette reconnaissance n'a été engagée, l'autorité préfectorale, à qui il incombe de faire échec à une fraude destinée à obtenir indûment un droit au séjour, quand bien même elle prendrait la forme d'un acte d'état civil dont la validité n'a pas été remise en cause, était fondée, dans ces circonstances, à nourrir des doutes sur les buts qui en ont motivé l'auteur de la reconnaissance de paternité. Les indices concordants, dont se prévaut ainsi le préfet et que Mme A... ne conteste pas utilement en soutenant que la reconnaissance de paternité n'a pas été remise en cause par le juge judiciaire, font obstacle à ce que l'intéressée puisse se prévaloir des dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour soutenir qu'elle se serait trouvée dans la situation, visée par ces dispositions, faisant légalement obstacle à ce qu'elle fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

19. Compte-tenu de ce qui a été dit au point 5, s'agissant d'une situation médicale qui, d'ailleurs, concerne la fille de Mme A... et non la requérante elle-même, il ne peut être tenu pour établi que Mme A... était, à la date de l'arrêté contesté, au nombre des ressortissants étrangers, visés au 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, en raison de leur état de santé, ne peuvent légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

20. Pour les motifs énoncés au point 5, en ce qui concerne la situation personnelle et familiale de Mme A..., les moyens tirés de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, d'une part, aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'autre part, serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée doivent être écartés.

21. Pour les motifs énoncés au point 14, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

22. Il ressort des motifs de l'arrêté contesté que ceux-ci mentionnent la nationalité de Mme A... et précisent, en faisant référence au rejet de sa demande d'asile, que l'intéressée n'établit pas qu'elle risquerait d'être soumise, en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. A cet égard, le préfet de la Seine-Maritime n'avait pas à reprendre, dans les motifs de l'arrêté contesté, les allégations de Mme A... quant aux craintes qu'elle éprouverait à la perspective d'un retour dans son pays d'origine, ni à exposer, de façon plus précise qu'il ne l'a fait, les raisons pour lesquelles il a estimé que ces assertions ne pouvaient être tenues pour fondées. Les considérations de droit et de fait ainsi contenues dans les motifs de cet arrêté constituent, pour la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, une motivation suffisante, alors même qu'elle ne mentionne pas, de façon expresse, les dispositions de l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne font au demeurant que renvoyer aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

23. Il résulte de ce qui a été dit, respectivement, aux points 4 à 14 et aux points 15 à 21 que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A... ainsi que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne sont entachées d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays à destination duquel l'intéressée pourra être reconduite d'office devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour ou de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

24. Aux termes du 1. de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. ". Aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Enfin, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

25. Mme A..., dont au demeurant les allégations concernant son engagement politique dans un parti d'opposition ont été regardées comme imprécises et non convaincantes par la Cour nationale du droit d'asile, ne présente aucun élément probant ni convaincant au soutien de ses assertions, qu'elle reprend devant la cour, relatives à ses craintes de subir des représailles de la part des autorités en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision fixant la République démocratique du Congo comme le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office aurait été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations précitées des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés.

Sur la requête tendant au sursis à l'exécution du jugement :

26. Dès lors que le présent arrêt se prononce sur la requête, enregistrée sous le n° 20DA01636, présentée par le préfet de la Seine-Maritime et tendant à l'annulation du jugement du 15 septembre 2020 du tribunal administratif de Rouen, la requête, enregistrée sous le n° 20DA01637, par laquelle le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement jusqu'à ce qu'elle se prononce sur le fond de l'affaire, est devenue sans objet.

27. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet de la Seine-Maritime, enregistrée sous le n° 20DA01637, aux fins de sursis à l'exécution du jugement attaqué, d'autre part, que, par sa requête enregistrée sous le n° 20DA01636, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 28 janvier 2020, lui a enjoint de délivrer une carte de séjour temporaire à Mme A... et a mis la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Par voie de conséquence, la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Rouen, ainsi que les conclusions qu'elle présente en appel sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête du préfet de la Seine-Maritime, enregistrée sous le n° 20DA01637, tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 15 septembre 2020 du tribunal administratif de Rouen.

Article 2 : Le jugement n° 2001718 du 15 septembre 2020 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 3 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Rouen ainsi que les conclusions qu'elle présente devant la cour sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet de la Seine-Maritime, à Mme B... A... et à Me C....

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Nos20DA01636, 20DA01637


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 20DA01636
Date de la décision : 17/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-Francois Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS;SELARL EDEN AVOCATS;SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-06-17;20da01636 ?
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