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20/07/2021 | FRANCE | N°20DA01709

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 20 juillet 2021, 20DA01709


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner solidairement le groupe hospitalier de Seclin-Carvin et la compagnie CNA Hardy à lui verser une provision d'un montant de 600 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices subis à la suite d'une intervention chirurgicale du 20 octobre 2016.

Par une ordonnance n° 2005463 du 20 octobre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Lill

e a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner solidairement le groupe hospitalier de Seclin-Carvin et la compagnie CNA Hardy à lui verser une provision d'un montant de 600 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices subis à la suite d'une intervention chirurgicale du 20 octobre 2016.

Par une ordonnance n° 2005463 du 20 octobre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 novembre 2020 et des mémoires complémentaires enregistrés les 15 novembre 2020, 4 janvier et 4 avril 2021, Mme G... B..., représentée par Me A... H..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de condamner solidairement le groupe hospitalier de Seclin-Carvin et la compagnie CNA Hardy à lui verser la somme de 600 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son entier préjudice, patrimonial et extrapatrimonial ;

3°) de condamner solidairement le groupe hospitalier de Seclin-Carvin et la compagnie CNA Hardy à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) à titre subsidiaire et en cas de rejet de sa demande de provision, de désigner M. F... E... aux fins de réunir les documents, devis et consultations médicales la concernant et de donner son avis, puis de valider les devis et/ou projets en termes d'aides techniques, puis en terme d'acquisition et aménagement du futur logement ;

5°) de condamner solidairement le groupe hospitalier de Seclin-Carvin et la compagnie CNA Hardy à lui verser la somme de 300 000 euros pour l'aménagement sécuritaire de son logement actuel, de son véhicule, de ses premières prothèses et de son fauteuil.

Elle soutient que :

- elle a un besoin urgent que lui soit accordée une provision ;

- elle devra être indemnisée de son entier préjudice, patrimonial et extrapatrimonial, à hauteur de 600 000 euros ;

- sa perte de gains professionnels doit être indemnisée ;

- en tout état de cause, son besoin en nouveau logement doit être regardé comme non sérieusement contestable ;

- l'indemnisation allouée au titre de ses besoins de prothèses doit être estimée au minimum à 227 332,20 euros ;

- l'indemnisation allouée au titre de ses besoins en adaptation du véhicule automobile doit être estimée à 55 337 euros ;

- l'assistance de son mari doit être indemnisée et l'aide parentale que ce dernier lui apporte s'agissant de leur plus jeune fils âgé de 6 ans prise en compte ;

- l'indemnisation allouée au titre des frais de conseils et d'expertise s'élève à 14 519,85 euros ;

- l'indemnisation allouée au titre du déficit fonctionnel temporaire doit être estimée à 17 606,25 euros ;

- l'indemnisation déjà allouée au titre des souffrances endurées et s'élevant à 20 000 euros a été sous-évaluée ;

- en l'absence de consolidation, il peut lui être alloué une somme de 300 000 euros correspondant aux frais d'aménagement de son véhicule, à l'achat de ses premières prothèses et à l'aménagement sécuritaire de son logement actuel.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 décembre 2020, la compagnie CNA Hardy et le groupe hospitalier de Seclin-Carvin, représentés par Me D... C..., concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que la demande de provision n'est pas justifiée.

La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née le 15 juillet 1973, a été hospitalisée le 20 octobre 2016 au centre hospitalier de Carvin pour la mise en place d'une prothèse totale du genou droit en vue de corriger une gonarthrose. Cette intervention chirurgicale s'est compliquée d'une paralysie du nerf sciatique liée à un geste peropératoire fautif ayant entraîné un déficit sensitivo-moteur du pied droit ainsi que des phénomènes infectieux accompagnés de troubles de la cicatrisation. A la suite de cette prise en charge, Mme B... a été hospitalisée à plusieurs reprises et a finalement subi une amputation transfémorale de l'extrémité inférieure du fémur droit le 27 juillet 2017. La compagnie CNA Hardy, assureur du centre hospitalier de Seclin-Carvin, a admis la responsabilité dudit centre et a alloué à Mme B... la somme provisionnelle de 40 000 euros. Par une ordonnance n° 18DA02114 du 15 mai 2019, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai a condamné solidairement le groupe hospitalier de Seclin-Carvin et son assureur à verser à Mme B... une provision de 75 484 euros de laquelle il convient de déduire la somme de 40 000 euros déjà allouée. Par ordonnances du 16 septembre 2019 et du 14 février 2020, le président du tribunal administratif de Lille a désigné un expert médical ainsi qu'un sapiteur ergothérapeute dont les rapports ont respectivement été remis les 27 juin 2020 et 7 juin 2020. Au vu de ces expertises et par requête en date du 5 août 2020, Mme B... a de nouveau saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lille d'une demande de provision qui a, par ordonnance du 20 octobre 2020, rejeté ses conclusions. Mme B... interjette appel de cette ordonnance.

Sur la demande de provision :

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que, (ANA)pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant. Aucune disposition ni aucun principe ne fait obstacle à ce qu'une personne à qui une provision a déjà été allouée sur le fondement de ces dispositions en réparation des conséquences dommageables d'une faute de l'administration, saisisse le juge des référés d'une nouvelle demande de provision au titre du même dommage, au vu notamment d'un changement dans les éléments de droit ou de fait ou d'un nouveau document.

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

Sur la perte de gains professionnels :

3. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du 27 juin 2020 qu'il n'est pas certain que Mme B..., qui n'exerçait au demeurant aucune activité professionnelle à la date de sa prise en charge au centre hospitalier de Seclin-Carvin, aurait pu reprendre son activité antérieure d'assistante maternelle après une prothèse du genou droit non compliquée. Le préjudice susceptible de résulter d'une perte de gains professionnels ne présente donc pas en l'état un caractère certain de telle sorte que les conclusions de la requérante présentées au titre de ce poste de préjudice doivent être rejetées.

Sur les besoins en logement et les frais d'aménagement :

4. L'expert a relevé dans son rapport qu'il ne pouvait être affirmé que l'intéressée aurait pu accéder à l'étage de son habitation actuelle même si l'intervention chirurgicale s'était déroulée normalement et que son état n'était pas consolidé. Il a aussi recommandé un aménagement temporaire de cette habitation avant de prévoir dans un délai rapide un déménagement vers un habitat mieux adapté qui ne serait pas forcément de plain-pied. En se fondant sur ces conclusions et en se bornant à fournir une évaluation moyenne du prix d'une maison de plain-pied sur la commune de Wattrelos datant de juillet 2017, un devis établissant le prix d'achat d'un terrain et de construction d'une maison de plain-pied sur la commune d'Auchy-les-Mines et une évaluation du prix de son habitation actuelle, Mme B..., n'apporte pas de justification suffisante sur la nécessité à ce stade de l'acquisition d'un nouveau logement sur un seul niveau qui soit adaptée à son handicap et sur le surcoût lié à cette acquisition. Ainsi l'existence de l'obligation en tant qu'elle porte sur les frais d'acquisition d'un nouveau logement adapté ne présente pas en l'état de l'instruction un caractère non sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. Par suite, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de provision présentée à ce titre.

5. Il ressort en revanche des pièces du dossier que le handicap de Mme B... nécessite le réaménagement de la salle de bains de son logement actuel dont le coût est justifié par la production d'un devis de réalisation des travaux. Il y a lieu de retenir à ce titre la somme de 12 333, 38 euros.

Sur les besoins en aides techniques :

6. Il résulte de l'instruction notamment du rapport d'expertise que Mme B... a besoin de trois prothèses, une prothèse principale, une prothèse de secours ainsi qu'une prothèse de bain. La prothèse principale, qui était encore en cours d'essai à la date de dépôt du rapport d'expertise, ainsi que la prothèse de secours, qui ne pourra être délivrée qu'une fois l'appareillage principal définitivement validé, sont toutes deux prises en charge intégralement par l'organisme de sécurité sociale. S'il a été relevé l'utilité de doter à terme la requérante d'une prothèse de bain, celle-ci est également prise en charge par l'organisme de sécurité sociale à l'exception du revêtement de bain dont Mme B... ne justifie pas, en l'état, l'achat. Dans ces conditions, la créance invoquée par la requérante au titre de ses besoins en prothèses ne peut être regardée comme non sérieusement contestable. Il en va de même et pour les mêmes motifs de l'acquisition d'un fauteuil roulant mobile.

Sur les frais d'aménagement du véhicule actuel :

7. Mme B... justifie avoir validé une formation de conduite spécifique en école spécialisée pour conduire un véhicule adapté en produisant notamment un certificat d'aptitude à la conduite avec restrictions établi le 11 juin 2020, une facture de cours de régularisation de son permis B déjà détenu suivis en septembre 2020 ainsi qu'un certificat d'examen du permis de conduire favorable délivré le 24 septembre 2020. Mme B..., qui peut d'ores et déjà reprendre la conduite, a donc justifié de la nécessité de faire procéder aux aménagements de son véhicule actuel. En l'état de l'instruction, les frais liés au coût de régularisation du permis et des aménagements du véhicule de Mme B... présentent un caractère certain à hauteur de 7 568 euros, montant duquel il convient de déduire la somme de 3 000 euros déjà accordée par l'ordonnance précitée du 15 mai 2019.

Sur les besoins en aide humaine :

8. Mme B... s'est déjà vu allouer la somme de 23 000 euros sur ce poste de préjudice au titre de la période courant du 19 janvier 2017 au 15 mai 2019. Depuis cette date et suivant les constatations de l'expert, le déficit fonctionnel de la requérante est évalué à 50 % et nécessite une aide par tierce personne, en l'occurrence son époux, à raison de deux heures par jour. Compte tenu d'un coût horaire de 15 euros sur la période considérée, augmenté des charges sociales, des congés payés et de la majoration pour dimanche et jours fériés, l'obligation liée aux besoins d'assistance de Mme B... par une tierce personne peut être regardée comme non sérieusement contestable à hauteur de la somme de 14 000 euros au titre de la période courant du 15 mai 2019 au 27 juin 2020, date de dépôt du rapport d'expertise. Il n'y a pas lieu d'augmenter cette somme en raison du fait que M. B... s'occupe du plus jeune enfant du couple.

Sur les frais de conseils et d'expertise :

9. En l'état de l'instruction, Mme B... justifie avoir eu recours, durant les opérations d'expertise de 2020, aux conseils du docteur Wagnon et du cabinet Dekeyser pour un coût de 4 856,40 euros.

10. En revanche, il résulte des dispositions de l'article R. 621-13 du code de justice administrative que la taxation des frais et honoraires d'une expertise ainsi que la détermination de la partie qui doit en supporter la charge ne relèvent pas de l'office du juge des référés. Les conclusions de Mme B... tendant à la condamnation solidaire du groupe hospitalier de Seclin-Carvin et de son assureur, la compagnie CNA Hardy, au paiement des frais d'expertise doivent donc être rejetées.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :

Sur le déficit fonctionnel temporaire :

11. Mme B... s'est déjà vu allouer la somme de 5 000 euros sur ce poste de préjudice au titre de la période courant du 17 décembre 2016 au 15 avril 2019. Depuis cette date et jusqu'au 27 juin 2020, date de dépôt du rapport d'expertise, le déficit fonctionnel de la requérante est évalué à 50 %. En conséquence, la créance de ce chef de préjudice n'est pas contestable à hauteur de la somme de 4 500 euros.

Sur les souffrances endurées :

12. Les souffrances endurées par la requérante sont de l'ordre de 5,5 sur une échelle de 7. La requérante a déjà perçu la somme provisionnelle de 20 000 euros. Dès lors, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que ce poste de préjudice a été sous-évalué.

13. Il résulte de ce qui précède que l'existence de l'obligation du centre hospitalier de Seclin-Carvin et de son assureur envers Mme B... présente, en l'état de l'instruction, un caractère non sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative pour un montant total de 40 257,78 euros. Dès lors et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre solidairement à la charge du groupe hospitalier de Seclin-Carvin et de son assureur, la compagnie CNA Hardy, parties perdantes à la présente instance, le versement à Mme B... d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2005463 du 20 octobre 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Lille est annulée.

Article 2 : Le groupe hospitalier de Seclin-Carvin et la compagnie CNA Hardy sont solidairement condamnés à verser à Mme B... une provision de 40 257,78 euros.

Article 3 : Le groupe hospitalier de Seclin-Carvin et la compagnie CNA Hardy verseront solidairement à Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme G... B..., au centre hospitalier de Seclin-Carvin et à la compagnie CNA Hardy et à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing.

Fait à Douai le 20 juillet 2021.

Le président de la cour,

Signé

Jean-François MOUTTE

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Bénédicte Gozé

N°20DA01709 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 20DA01709
Date de la décision : 20/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. - Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : PATERNOSTER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-07-20;20da01709 ?
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