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23/09/2021 | FRANCE | N°20DA01406

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 23 septembre 2021, 20DA01406


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2018 par lequel la maire de Roumare l'a licenciée pour insuffisance professionnelle à la fin de son stage.

Par un jugement n° 1900894 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Rouen, après avoir conclu au non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre cet arrêté du 24 octobre 2018, a rejeté sa demande regardée comme dirigée contre l'arrêté du 24 avril 2019 du maire retirant son précéde

nt arrêté et prononçant le licenciement en fin de stage de Mme B... pour insuffisance ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2018 par lequel la maire de Roumare l'a licenciée pour insuffisance professionnelle à la fin de son stage.

Par un jugement n° 1900894 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Rouen, après avoir conclu au non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre cet arrêté du 24 octobre 2018, a rejeté sa demande regardée comme dirigée contre l'arrêté du 24 avril 2019 du maire retirant son précédent arrêté et prononçant le licenciement en fin de stage de Mme B... pour insuffisance professionnelle.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 septembre 2020 et 12 janvier 2021, Mme C... B..., représentée par Me Eléonore Lab Simon, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du 24 avril 2019 et du 13 novembre 2020 de la maire de Roumare ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Roumare une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 ;

- le décret n° 2006-1690 du 22 décembre 2006 ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... A..., présidente-rapporteure,

- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée par un contrat à durée déterminée par la commune de Roumare afin d'assurer les fonctions de secrétaire de mairie adjointe pour la période du 4 juillet au 30 septembre 2017. Elle a ensuite été nommée adjointe administrative stagiaire à compter du 1er octobre 2017 par un arrêté du 20 septembre 2017, pour une durée d'un an. Le 17 septembre 2018, la commission administrative paritaire a été consultée sur le refus de titularisation envisagé par la commune et a émis un avis défavorable. Par un arrêté du 24 octobre 2018, la maire de Roumare a prononcé le licenciement de Mme B... pour insuffisance professionnelle à compter du 9 novembre 2018, date de fin des congés de maladie dont cette dernière a bénéficié. Par une décision du 18 janvier 2019, la maire de Roumare a rejeté le recours gracieux présenté par Mme B... à l'encontre de cet arrêté. Par un nouvel arrêté du 24 avril 2019, la maire de Roumare a, d'une part, retiré son précédent arrêté, ainsi que la décision portant rejet de ce recours gracieux et, d'autre part, a prononcé le licenciement en fin de stage de Mme B... pour insuffisance professionnelle. Par un jugement du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Rouen, après avoir conclu au non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 24 octobre 2018, a rejeté la demande de Mme B... regardée comme dirigée contre le nouvel arrêté du 24 avril 2019. Mme B... relève appel de ce jugement en tant que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions d'annulation dirigées contre l'arrêté du 24 avril 2019.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Roumare tirée de l'irrecevabilité des conclusions d'annulation dirigées contre l'arrêté du 13 novembre 2020 :

2. Les conclusions d'annulation dirigées contre l'arrêté du 13 novembre 2020 procédant au retrait de l'arrêté du 24 avril 2019 et licenciant en fin de stage Mme B... pour insuffisance professionnelle à compter du 15 novembre 2018, qui fait d'ailleurs l'objet d'un recours pendant devant le tribunal administratif de Rouen, sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables. E... lors, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Roumare doit être accueillie.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Contrairement à ce que soutient Mme B..., il ne ressort pas des pièces du dossier que pour prendre le nouvel arrêté du 24 avril 2019 en litige, la maire de Roumare se serait estimée en situation de compétence liée par la délibération du conseil municipal du 8 octobre 2018 portant sur la titularisation de Mme B.... Cette dernière ne peut utilement à cet égard se prévaloir des mentions du courrier de notification de l'arrêté du 24 octobre 2018, ni de celles contenues dans cet arrêté se référant à ce vote E... lors qu'il a été définitivement retiré par l'arrêté du 24 avril 2019 en litige.

4. Aux termes de l'article 7 du décret du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire territorial stagiaire a droit aux congés rémunérés prévus à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 susvisée ainsi qu'à ceux prévus aux 1° (premier alinéa), 2°, 3°, 4°, 5° et 9° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 précitée. Le total des congés rémunérés accordés en sus du congé annuel ne peut être pris en compte comme temps de stage que pour un dixième de la durée globale de celui-ci. ". Lorsque des congés de maladie ont été régulièrement accordés à un stagiaire en cours de stage, la date de fin de stage doit être déterminée en prenant en compte la durée de ces congés excédant le dixième de la durée du stage pour prolonger, à due concurrence, la durée d'un an initialement prévue pour le stage.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été nommée adjointe administrative stagiaire à compter du 1er octobre 2017 pour une durée d'un an, son stage devant ainsi en principe s'achever le 30 septembre 2018. Elle a toutefois été placée en congé de maladie ordinaire à compter du 11 juillet 2018. Au 30 septembre 2018, elle n'avait effectué que deux cent quatre-vingt-trois jours de stage. Ses arrêts maladie se sont poursuivis sans interruption jusqu'au 30 novembre 2018. Mme B... devait par suite en théorie encore accomplir à compter du 1er décembre 2018, au retour de son congé de maladie, quatre-vingt-deux jours de stage, auxquels il convient de retirer les trente-six jours correspondant au nombre de jours de congés de maladie pouvant être pris en compte au cours de son stage, soit le dixième de son stage. Dans ces conditions, en licenciant Mme B... E... le 9 novembre 2018, alors que son stage aurait dû théoriquement être prolongé jusqu'au 15 janvier 2019, la décision de mettre fin au stage de Mme B... et de la licencier doit être regardée comme un licenciement intervenu en cours de stage.

6. Aux termes de l'article L. 211-15 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...); 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; ".

7. Pour licencier Mme B..., la commune de Roumare se borne à faire état d'une pratique professionnelle défaillante et d'un comportement inadapté envers sa hiérarchie. Cette appréciation très générale est dépourvue de toute considération de fait précis. Dans ces conditions, Mme B... est fondée à soutenir que l'arrêté en litige est insuffisamment motivé et doit être annulé pour ce motif.

8. Aux termes de l'article 46 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " (...) /. L'agent peut être licencié au cours de la période de stage en cas d'insuffisance professionnelle ou de faute disciplinaire et après avis de la commission administrative paritaire compétente." Aux termes de l'article 5 du décret du 4 novembre 1992 : " Le fonctionnaire territorial stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu'il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage. / Le licenciement est prononcé après avis de la commission administrative paritaire compétente pour le cadre d'emplois dans lequel l'intéressé a vocation à être titularisé. / Lorsque le fonctionnaire territorial stagiaire a, par ailleurs, la qualité de titulaire dans un autre corps, cadre d'emplois ou emploi, il est mis fin à son détachement, et il est réintégré dans son corps, cadre d'emplois ou emploi d'origine, dans les conditions prévues par le statut dont il relève. / Il n'est pas versé d'indemnité de licenciement. ".

9. S'il est exact que la commission administrative paritaire a été saisie pour avis d'un refus de titularisation en fin de stage alors que Mme B... n'avait pas encore accompli la totalité de son stage en raison de ses congés maladies, et que son licenciement doit être regardé comme étant intervenu en cours de stage, il ressort de l'avis émis le 17 septembre 2018 que la commission, qui a bien été saisie, a prononcé un avis défavorable à ce refus de titularisation, lequel n'a pas été suivi par la commune. Dans ces conditions, la consultation irrégulière de la commission administrative paritaire n'a pas privé en l'espèce la requérante d'une garantie et n'a pu exercer aucune influence sur le sens de la décision prise. Le moyen tiré du vice de procédure doit, par suite, être écarté.

10. La commune reproche à la requérante d'avoir refusé de renouveler une concession funéraire. Toutefois, les éléments versés au dossier ne permettent pas d'établir la réalité de telles allégations. Par ailleurs, les circonstances dans lesquelles Mme B... aurait refusé d'enregistrer une demande de mariage n'étant pas établies par les pièces du dossier, le grief doit être considéré comme non établi. En revanche, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a porté, sur un acte de décès, une mention erronée. Si elle prétend qu'il s'agissait de son premier acte de décès et qu'elle ne connaissait pas le logiciel, il ressort du dossier que Mme B... était stagiaire depuis déjà huit mois le jour où elle a commis cette erreur. La maire de Roumare atteste à cet égard qu'elle avait déjà établi quatre précédents actes de décès. Par ailleurs il ressort également de plusieurs attestations concordantes d'agents de la commune qu'il était parfois difficile de joindre Mme B... pendant ses horaires de travail, et que celle-ci procédait à des appels personnels répétés sur son poste durant son temps de travail. Elle a fait preuve d'un manque d'organisation, d'autonomie, d'initiative personnelle et de capacité d'adaptation. La circonstance que cette manière de servir soit révélée par ses collègues n'est pas susceptible à elle-seule de remettre en cause sa réalité. Il ressort en outre des pièces du dossier, et notamment des lettres de relances adressées par plusieurs entreprises à la commune, que cette dernière a connu de nombreux retards dans le règlement de factures liées aux dépenses de fonctionnement. Les allégations de l'appelante selon lesquelles ces retards sont imputables à certains élus, qui ne valideraient pas rapidement les factures sont dépourvues de tout commencement de preuve. Il ressort également que des erreurs dans l'émission de mandats relatifs à des dépenses de fonctionnement ont été commises conduisant le comptable public à les rejeter. Si Mme B... soutient qu'elle n'est pas à l'origine de ces erreurs, il ressort de même du dossier qu'elle était la seule chargée de la saisie et du suivi des factures liées aux dépenses courantes de fonctionnement, ainsi que du mandatement de ces dépenses, tandis que l'émission des mandats portant sur les dépenses d'investissement incombait à sa supérieure hiérarchique. Mme B..., qui était la seule au sein de la commune à avoir reçu une formation sur la procédure relative au pacte civil de solidarité, n'a pas non plus pris les dispositions nécessaires afin d'assurer la préparation d'une procédure de pacte civil de solidarité, alors qu'un rendez-vous était fixé en ce sens avec les usagers et que ce rendez-vous avait déjà fait l'objet d'un report. Il ressort également des pièces que Mme B... n'a pas fait droit à la demande fondée d'un usager tendant à la rectification d'un horaire sur le panneau d'affichage de la commune. Elle n'apporte pas davantage en appel qu'en première instance d'élément de nature à établir que la permanence d'accueil qu'elle assurait ce jour l'empêchait d'y procéder le jour même ou à tout le moins de chercher une solution pour remédier sans délai à ce problème d'affichage.

11. Hormis le refus d'enregistrer la demande de mariage et le renouvellement de concession funéraires tardif, les faits reprochés à Mme B... sont matériellement établis. Ils démontrent un manque de compétences techniques et d'autonomie de la part de Mme B... ainsi que des carences dans sa manière de servir. Ces faits illustrent ainsi l'inaptitude de Mme B... à exercer les fonctions d'adjointe administrative. L'attestation établie par un de ses précédents employeurs n'est pas de nature à remettre en cause cette appréciation et ce alors que Mme B... avait été déjà mise en garde au cours d'un entretien en novembre 2017, E... le début de son stage, sur la nécessité de modifier sa " méthode de travail afin de mieux l'optimiser ". Dans ces conditions, le maire de Roumare n'a pas commis d'erreur d'appréciation en licenciant Mme B... au cours de son stage.

12. Il résulte de tout ce qui précède, que pour le motif énoncé au point 7, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Sur les conclusions d'appel incident de la commune de Roumare :

13. Les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué. Par suite, n'est pas recevable - quels que soient les motifs retenus par les premiers juges - l'appel dirigé par le défendeur en premier ressort contre le jugement qui a rejeté les conclusions du demandeur. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir prononcé un non-lieu sur les conclusions dirigées contre l'arrêté initial du 24 octobre 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de Mme B... et a, ainsi, intégralement fait droit aux conclusions présentées par la commune de Roumare. E... lors, la commune de Roumare ne justifie pas d'un intérêt à former appel de ce jugement à titre incident et ce même à titre subsidiaire. Il s'ensuit que ses conclusions tendant, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté le surplus de la demande de Mme B... quant à la date de fin de stage, sont irrecevables et ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Roumare demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

15. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 55% par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 17 décembre 2020. Elle n'allègue pas avoir engagé d'autres frais que ceux partiellement pris en charge à ce titre. D'autre part, son avocat n'a pas demandé que lui soit versée par la commune de Roumare la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à sa cliente si cette dernière n'avait bénéficié de l'aide juridictionnelle. Dans ces conditions, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Roumare à rembourser à Mme B... la part des frais exposés par elle, non compris dans les dépens et laissés à sa charge par le bureau d'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 10 juillet 2020 du tribunal administratif de Rouen et l'arrêté du 24 avril 2019 sont annulés.

Article 2 : La commune de Roumare versera à Mme B... la part des frais exposés par elle, non compris dans les dépens et laissés à sa charge par le bureau d'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions d'appel incident de la commune de Roumare et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la commune de Roumare.

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N°20DA01406

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01406
Date de la décision : 23/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-03-04-007 Fonctionnaires et agents publics. - Entrée en service. - Stage. - Licenciement en cours de stage.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL DMITROFF PIMONT ROSE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-09-23;20da01406 ?
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