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21/10/2021 | FRANCE | N°20DA01439

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 21 octobre 2021, 20DA01439


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2018 du président du conseil départemental de la Seine-Maritime en tant qu'il limite la prise en charge, au titre de sa maladie imputable au service, aux seuls arrêts de travail du 7 novembre 2011 au 6 novembre 2013, ainsi qu'aux soins afférents à cette période.

Mme B... C... a demandé également au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2018 du président du conseil départeme

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2018 du président du conseil départemental de la Seine-Maritime en tant qu'il limite la prise en charge, au titre de sa maladie imputable au service, aux seuls arrêts de travail du 7 novembre 2011 au 6 novembre 2013, ainsi qu'aux soins afférents à cette période.

Mme B... C... a demandé également au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2018 du président du conseil départemental de la Seine-Maritime en tant qu'il limite la prise en charge, au titre de sa maladie imputable au service, aux seuls arrêts de travail du 7 novembre 2011 au 5 juin 2014 ainsi qu'aux soins afférents à cette période.

Par un jugement n°s1804776, 1900709 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Rouen a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2018 et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2020, Mme B... C..., représentée par Me Hervé Suxe, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 31 décembre 2018 ;

2°) d'annuler cet arrêté en tant qu'il limite la prise en charge, au titre de sa maladie imputable au service, aux seuls arrêts de travail du 7 novembre 2011 au 5 juin 2014 ainsi qu'aux soins afférents à cette période ;

3°) d'enjoindre au département de la Seine-Maritime de tirer les conséquences de droit de l'imputabilité au service de sa maladie consolidée au 25 avril 2019 quant à ses arrêts de travail et au maintien de son traitement intégral, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du département de la Seine-Maritime la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... A..., présidente-rapporteure,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- les observations de Me Vincent Cadoux, représentant le département de la Seine-Maritime.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été recrutée en 2002 par le département de la Seine-Maritime en qualité d'assistante socio-éducatif. Elle a été placée en congé de longue maladie entre le 7 novembre 2011 et le 6 novembre 2012, puis en congé de longue durée jusqu'au 5 juin 2014. Le 21 mars 2013, elle a demandé qu'un accident survenu le 28 octobre 2011 soit reconnu comme imputable au service. Par un arrêté du 5 février 2014, le président du conseil général de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à sa demande. Par un jugement du 9 février 2016, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et a enjoint au département de réexaminer la situation de Mme C.... En exécution de ce jugement, le président du conseil départemental a, par un nouvel arrêté du 10 mai 2016, refusé de reconnaître comme imputable au service l'incident survenu le 28 octobre 2011. Par un jugement définitif du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et a par ailleurs enjoint au département de la Seine-Maritime de prendre une décision reconnaissant la maladie de Mme C... comme imputable au service. En exécution de ce jugement, par un arrêté du 28 novembre 2018, le président du conseil départemental de la Seine-Maritime a reconnu imputable au service la maladie de Mme C... et a, en outre, décidé que les arrêts de travail du 7 novembre 2011 au 6 novembre 2013 seraient pris en charge au titre de la maladie imputable au service, ainsi que les soins y afférents. Cet arrêté a été retiré par un arrêté du 31 décembre 2018 confirmant l'imputabilité au service de la pathologie de la requérante et étendant la période de prise en charge de ses arrêts de travail jusqu'au 5 juin 2014. Mme C... relève appel du jugement du 10 juillet 2020 en tant que le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 décembre 2018 du président du conseil départemental de la Seine-Maritime en tant qu'il limite la prise en charge, au titre de sa maladie imputable au service, aux seuls arrêts de travail du 7 novembre 2011 au 5 juin 2014.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté contesté :

2. Aux termes de l'article 16 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, la commission de réforme prévue par le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 modifié relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales est obligatoirement consultée dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 57 (2°, 2e alinéa) de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui lui est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive compétent à l'égard du fonctionnaire concerné. / Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé. / La commission de réforme n'est pas consultée lorsque l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est reconnue par l'administration. La commission de réforme peut, en tant que de besoin, demander à l'administration de lui communiquer les décisions reconnaissant l'imputabilité. ".

3. Il ressort de l'arrêté contesté que le département de la Seine-Maritime a reconnu comme imputable au service la pathologie dont est atteinte Mme C.... Dès lors, en application de l'article 16 du décret du 30 juillet 1987, la commission de réforme n'avait pas à être consultée. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que la consultation d'un médecin expert agréé aurait été requise. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entaché l'arrêté en litige doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté contesté :

4. Si la requérante soulève un moyen tiré de l'erreur de droit à ne pas avoir saisi la commission de réforme alors que sa pathologie n'était pas consolidée, un tel moyen de procédure ne peut en tout état de cause qu'être écarté pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés.

5. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. / (...) / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. / (...) / Les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas du 2° du présent article sont applicables aux congés de longue maladie ".

6. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

7. Lorsque la maladie d'un fonctionnaire a été contractée ou aggravée dans l'exercice de ses fonctions, ce dernier conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite et bénéficie du remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par cette maladie, y compris, le cas échéant, s'ils sont exposés postérieurement à la date de consolidation constatée par l'autorité compétente. Le droit à la prise en charge au titre de la maladie contractée en service des arrêts de travail et des frais de soins postérieurs à la consolidation demeure toutefois subordonné, non pas à l'existence d'une rechute ou d'une aggravation, mais au caractère direct et certain du lien entre l'affection et la maladie imputable au service.

8. Il ressort de l'arrêté contesté qu'en exécution de l'injonction prononcée par le tribunal administratif dans son jugement du 30 octobre 2018, le département de la Seine-Maritime a reconnu, par un arrêté du 31 décembre 2018, comme imputable au service la pathologie de Mme C..., qui souffre de dépression. Alors que le département était tenu d'apprécier à la date de la prise de son arrêté quels étaient les arrêts de travail en lien à la pathologie qu'il a reconnue comme en lien avec le service, il a limité la prise en charge à ce titre, aux seuls arrêts de travail du 7 novembre 2011 au 5 juin 2014, ainsi qu'aux soins afférents à cette période. Contrairement ce que soutient le département, la circonstance que Mme C... ait repris son service à compter du 6 juin 2014, d'ailleurs dans le cadre d'un protocole particulier d'accompagnement à l'emploi, ne suffit pas à écarter de ce seul fait l'éventuelle prise en charge d'arrêts de travail intervenus postérieurement.

En ce qui concerne l'année 2015 :

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a été placée en congé de longue durée du 28 juillet 2015 au 27 décembre 2015. Il ressort de la note médicale établie le 11 août 2015 par le médecin psychiatre à destination du comité médical départemental que Mme C... est " triste, anxieuse, en réaction aux difficultés sur le lieu de travail ". Dans sa seconde note, le médecin psychiatre du 15 octobre 2015 a indiqué qu'elle souffrait d'une dépression anxieuse et a préconisé une reprise à mi-temps thérapeutique. Il ne ressort d'aucun élément du dossier que cet état dépressif aurait une autre cause que celle liée à son activité professionnelle. Dans ces conditions, les soins et arrêts de travail dont a bénéficié Mme C... au cours de cette période doivent être regardés comme étant en lien direct avec la pathologie mentale dont elle souffre et reconnue imputable au service par le département dans son arrêté du 31 décembre 2018.

10. En revanche s'il ressort des pièces du dossier que Mme C... a fait l'objet d'un arrêt de travail d'une journée le 6 mars 2015, aucun élément ne permet d'établir un lien direct avec sa pathologie.

En ce qui concerne l'année 2016 :

11. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a bénéficié d'un mi-temps thérapeutique entre le 28 décembre 2015 et le 27 décembre 2016. Elle a à nouveau bénéficié d'arrêts de travail au cours de cette période. Si certains de ces arrêts mentionnent une réaction anxieuse, aucun élément probant ne permet d'établir que ces arrêts seraient en lien avec la pathologie mentale, reconnue comme imputable au service. Si elle fait valoir que son état de santé n'a été regardé comme consolidé qu'en avril 2019, cette circonstance est postérieure à l'arrêté en litige. Au demeurant, l'existence de cette date de consolidation au 25 avril 2019 ne suffit pas à établir que tous les arrêts de travail dont Mme C... a bénéficié avant cette date seraient nécessairement en lien avec sa pathologie reconnue comme imputable au service.

En ce qui concerne l'année 2017 :

12. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a été placée en congé de longue durée du 2 janvier 2017 au 2 janvier 2018. Ce congé a été prolongé à compter du 2 janvier 2018 dans l'attente de sa réintégration, préconisée par le comité médical départemental. Elle n'apporte pas davantage d'élément de nature à établir un lien entre ces arrêts et sa pathologie professionnelle.

En ce qui concerne l'année 2018 :

13. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'issue de son congé de longue durée, Mme C... a repris son service à compter du 5 mars 2018. Par un arrêté du 8 novembre 2018, l'administration a reconnu l'accident survenu le 31 mai 2018 comme imputable au service et a pris en charge à ce titre ses arrêts de travail du 1er juin au 30 juin 2018. Si Mme C... a été, postérieurement à cette date, placée en congé de maladie ordinaire, aucune pièce du dossier ne permet d'établir l'existence d'un lien entre ces arrêts de travail à compter du 1er juillet 2018 et la maladie professionnelle de Mme C....

14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 décembre 2018 en tant que limitant la prise en charge, au titre de sa maladie imputable au service, aux seuls arrêts de travail du 7 novembre 2011 au 5 juin 2014 ainsi qu'aux soins afférents à cette période, il exclut la prise en charge d'arrêts de travail ultérieurs.

Sur les conclusions à fin d'injonction, assortie d'astreinte :

15. Eu égard au motif énoncé au point 9, il y a lieu seulement d'enjoindre au département de la Seine-Maritime de prendre également en charge, au titre de la maladie imputable au service de Mme C..., les arrêts de travail du 28 juillet 2015 au 27 décembre 2015, ainsi qu'aux soins afférents à cette période, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le département de la Seine-Maritime demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge du département de la Seine-Maritime le versement d'une somme de 1 500 euros à Mme C....

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Rouen du 10 juillet 2020 est annulé.

Article 2 : L'article 3 de l'arrêté du 31 décembre 2018 est annulé en tant qu'en limitant la prise en charge, au titre de la maladie imputable au service, aux seuls arrêts de travail du 7 novembre 2011 au 5 juin 2014, ainsi qu'aux soins afférents à cette période, il exclut la prise en charge d'arrêts de travail ultérieurs.

Article 3 : Il est enjoint au département de la Seine-Maritime de prendre également en charge, au titre de la maladie imputable au service, les arrêts de travail du 28 juillet 2015 au 27 décembre 2015, ainsi que les soins afférents à cette période, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir.

Article 4 : Le département de la Seine-Maritime versera à Mme C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au département de la Seine-Maritime.

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N°20DA01439

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01439
Date de la décision : 21/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP SEBAN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-10-21;20da01439 ?
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