La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/11/2021 | FRANCE | N°20DA00606

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 09 novembre 2021, 20DA00606


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens :

- d'annuler l'arrêté du 8 février 2019 par lequel le directeur du centre hospitalier de Soissons l'a réintégrée dans les fonctions d'adjoint administratif principal de 2ème classe échelon 4 à compter du 26 février 2019 ;

- d'annuler l'arrêté du 22 mars 2019 par lequel le directeur du centre hospitalier de Soissons l'a radiée des cadres à compter du 26 février 2019 ;

- d'enjoindre au centre hospitalier de S

oissons de procéder à la reconstitution de sa carrière et de la réintégrer dans les fonctions d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens :

- d'annuler l'arrêté du 8 février 2019 par lequel le directeur du centre hospitalier de Soissons l'a réintégrée dans les fonctions d'adjoint administratif principal de 2ème classe échelon 4 à compter du 26 février 2019 ;

- d'annuler l'arrêté du 22 mars 2019 par lequel le directeur du centre hospitalier de Soissons l'a radiée des cadres à compter du 26 février 2019 ;

- d'enjoindre au centre hospitalier de Soissons de procéder à la reconstitution de sa carrière et de la réintégrer dans les fonctions d'adjoint administratif de 1ère classe échelon 6 ;

- de condamner le centre hospitalier à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi résultant du harcèlement moral dont elle s'estime victime.

Par un jugement n° 1901074 du 7 février 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté les demandes de Mme B... épouse A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 avril 2020, Mme B... épouse A..., représentée par Me Ludovic Broyon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 février 2019 relatif à sa réintégration ;

3°) d'enjoindre au centre hospitalier de Soissons de reconstituer sa carrière et de la réintégrer dans les fonctions d'adjointe administrative de première classe échelon 6 ;

4°) d'annuler l'arrêté du 22 mars 2019 relatif à sa radiation des cadres ;

5°) de condamner le centre hospitalier de Soissons à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis ;

6°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Soissons une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 2016-636 du 19 mai 2016 ;

- le décret n° 2016-1704 du 12 décembre 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,

- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B... épouse A..., alors adjoint administratif hospitalier de 1ère classe au centre hospitalier de Soissons, a fait l'objet d'une radiation des cadres de l'établissement par une décision en date du 22 décembre 2015 qui a été annulée par jugement du 12 avril 2018 du tribunal administratif d'Amiens. Le directeur du centre hospitalier de Soissons a procédé, par arrêté du 8 février 2019, à la réintégration de Mme B... épouse A... à compter du 26 février 2019 au grade d'adjoint administratif principal de 2ème classe et, par décision du même jour, l'a affectée au pool secrétariat de l'établissement. N'ayant pas repris ses fonctions, ni justifié de son absence depuis cette date, le directeur du centre hospitalier a, par arrêté du 22 mars 2019, de nouveau radié l'intéressée des cadres pour abandon de poste. Mme B... épouse A... relève appel du jugement du 7 février 2020 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation des arrêtés des 8 février 2019 et 22 mars 2019 et, d'autre part, à la condamnation du centre hospitalier de Soissons à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis du fait d'un harcèlement moral dont elle s'estime victime.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les conclusions d'une requête unique tendant à ce que soient annulées plusieurs décisions sont recevables dans leur totalité si elles présentent entre elles un lien suffisant.

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que Mme B... épouse A... a attaqué devant le tribunal administratif d'Amiens, par une seule demande, les décisions prises à son encontre par le directeur du centre hospitalier de Soissons en date du 8 février 2019 portant réintégration au grade d'adjoint administratif principal de 2ème classe à compter du 26 février 2019 et celle du 22 mars 2019 portant radiation des cadres faute pour l'intéressée d'avoir réintégré son poste. Ces décisions, qui concernent la situation du même agent et ont été prises à la suite de l'annulation d'une précédente radiation des cadres, présentent entre elles un lien suffisant. Par suite, Mme B... épouse A... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a estimé que ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 22 mars 2019 étaient irrecevables. Le jugement attaqué doit donc être annulé dans cette mesure.

4. Il y a lieu, d'une part, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... épouse A... contre l'arrêté du 22 mars 2019 et, d'autre part, par la voie de l'effet dévolutif, de statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 8 février 2019.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 février 2019 :

5. Ainsi que l'a rappelé le tribunal administratif d'Amiens, l'annulation d'une décision ayant irrégulièrement évincé un fonctionnaire impose à l'autorité compétente de procéder à la réintégration juridique de l'intéressé à la date de cette décision, de prendre rétroactivement les mesures nécessaires pour reconstituer sa carrière et le placer dans une situation régulière et, à défaut d'une nouvelle décision d'éviction, de prononcer sa réintégration effective dans l'emploi qu'il occupait avant son éviction si cet emploi présente un caractère unique ou, à défaut d'un tel caractère, dans un emploi correspondant à son grade.

6. Il ressort des pièces du dossier qu'en exécution du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 12 avril 2018 ayant annulé la décision prononçant la radiation des cadres de Mme B... épouse A... à compter du 22 décembre 2015, le directeur du centre hospitalier a, par l'arrêté contesté du 8 février 2019, réintégré l'intéressée dans ses fonctions à compter du 26 février 2019, au grade d'adjoint administratif principal de deuxième classe, échelon 4.

7. Mme B... épouse A... reprend en appel le moyen tiré de ce qu'elle aurait à tort été réintégrée dans un grade inférieur à celui qu'elle avait avant son éviction, sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à son argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse apportée par le tribunal administratif d'Amiens. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

8. Toutefois, Mme B... épouse A... soutient nouvellement en appel que l'administration n'a pas tiré toutes les conséquences de l'annulation pour excès de pouvoir prononcée par le jugement du 12 avril 2018 de la décision du 22 décembre 2015 portant radiation pour abandon de poste, en la réintégrant à une date postérieure, alors que cette mesure d'éviction est réputée n'être jamais intervenue. Le centre hospitalier n'allègue pas en défense avoir réglé la situation juridique de l'intéressée et pris, rétroactivement, les mesures nécessaires à la reconstitution de sa carrière dont les conditions sont contestées et qui impliquaient la reconstitution des droits sociaux, et notamment des droits à pension de retraite qu'elle aurait acquis en l'absence de la radiation illégale, entre le 22 décembre 2015 et le 26 février 2019. L'administration était pourtant tenue d'y procéder, quels que soient les motifs de l'éviction annulée, à compter de sa date d'effet, soit le 22 décembre 2015. Il suit de là que l'arrêté du 8 février 2019 en tant qu'il ne prend effet qu'à compter du 26 février 2019 doit être annulé.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mars 2019 :

9. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation de cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est ni présenté ni n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.

10. En l'occurrence, il est constant que Mme B... épouse A... n'a pas repris ses fonctions à compter de sa réintégration le 26 février 2019, ni contacté son service. Par lettre recommandée du 4 mars 2019, le directeur des ressources humaines du centre hospitalier de Soissons lui a demandé de transmettre un justificatif d'absence dans les 48 heures et l'a informée qu'au-delà de cette date, elle " serait positionnée en absence non justifiée non rémunérée " et, par une nouvelle lettre recommandée du 11 mars 2019, il lui a indiqué qu'il considérait qu'elle avait abandonné son poste depuis le 26 février 2019. Puis, par lettre recommandée en date du 18 mars 2019 avec accusé de réception, Mme B... épouse A... a été mise en demeure de rejoindre son poste dans un délai de 48 heures ou de fournir un motif valable d'absence, sous peine d'être radiée des cadres pour abandon de poste sans procédure disciplinaire préalable. Il ressort des pièces du dossier que cette lettre a été présentée au domicile de l'intéressée le 21 mars et distribuée le 22 mars 2019. Par suite, en radiant des cadres l'intéressée dès le 22 mars 2019, sans laisser expirer le délai de 48 heures qu'il avait lui-même fixé à compter de la notification régulière de la mise en demeure, et alors en outre que l'intéressée avait fait parvenir, le 20 mars 2019, un arrêt de travail daté du 16 mars 2019 justifiant de son absence, le directeur du centre hospitalier a entaché sa décision d'illégalité.

11. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme B... épouse A... est ainsi fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 22 mars 2019 par lequel le directeur du centre hospitalier de Soissons l'a radiée des cadres à compter du 26 février 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Compte tenu des motifs énoncés aux points 8 et 10, l'annulation de l'arrêté du 8 février 2019 en tant qu'il prend effet au 26 février 2019 et l'annulation de l'arrêté du 22 mars 2019 portant radiation des cadres à compter de cette même date, impliquent la réintégration juridique de Mme B... épouse A... et la reconstitution de sa carrière à compter du 22 décembre 2015. Il y a lieu d'enjoindre au centre hospitalier de Soissons d'y procéder dans un délai de trois mois.

Sur les conclusions indemnitaires :

13. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. " La condition tenant à l'existence d'une décision de l'administration doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle, régularisant ce faisant la requête.

14. Il n'est pas contesté que la demande introduite par Mme B... épouse A... devant le tribunal administratif d'Amiens et tendant au paiement d'une indemnité de 5 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du harcèlement moral dont elle s'estime victime, n'a été précédée d'aucune demande indemnitaire en ce sens. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... épouse A..., qui a reçu le mémoire en défense du centre hospitalier de Soissons soulevant une fin de non-recevoir tirée de l'absence de liaison du contentieux, ne justifie pas non plus d'une décision expresse ou tacite de l'établissement hospitalier, intervenue avant que le juge de première instance ne statue. Dans ces conditions, en l'absence au jour du jugement attaqué de décision rejetant une demande indemnitaire de Mme B... épouse A..., les conclusions de cette dernière étaient irrecevables, la présentation d'une telle demande le 11 mars 2020, postérieurement au jugement attaqué, ne pouvant tenir lieu de régularisation.

15. Il résulte de ce qui précède que Mme B... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions indemnitaires comme étant irrecevables.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B... épouse A..., qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par le centre hospitalier de Soissons au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du centre hospitalier de Soissons une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... épouse A... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE:

Article 1er : Le jugement n° 1901074 du tribunal administratif d'Amiens du 7 février 2020 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme B... épouse A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mars 2019 par lequel le directeur du centre hospitalier de Soissons l'a radiée des cadres à compter du 26 février 2019.

Article 2 : L'arrêté du 22 mars 2019 est annulé.

Article 3 : L'arrêté du 8 février 2019 est annulé en tant qu'il prend effet à compter du 26 février 2019.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 7 février 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Il est enjoint au centre hospitalier de Soissons de réintégrer Mme B... épouse A... et de reconstituer sa carrière à compter du 22 décembre 2015, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 6 : Le centre hospitalier de Soissons versera une somme de 1 500 euros à Mme B... épouse A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus de la requête de Mme B... épouse A... et les conclusions présentées par le centre hospitalier de Soissons au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A... et au centre hospitalier de Soissons.

3

N°20DA00606


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00606
Date de la décision : 09/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Effets des annulations - Reconstitution de carrière.

Procédure - Introduction de l'instance - Formes de la requête - Requête unique contre plusieurs décisions.

Procédure - Jugements - Exécution des jugements - Effets d'une annulation.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Aurélie Chauvin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : LEFEVRE-FRANQUET ET ET BROYON

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-11-09;20da00606 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award