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09/11/2021 | FRANCE | N°20DA01223

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 09 novembre 2021, 20DA01223


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 5 juin 2018 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a refusé de lui délivrer l'autorisation sollicitée pour exploiter la parcelle cadastrée ZL n° 13 sur le territoire de la commune de Méharicourt.

Par un jugement n° 1801912 du 9 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à l'EARL A... au titre de l'article L. 761-1 du

code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 5 juin 2018 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a refusé de lui délivrer l'autorisation sollicitée pour exploiter la parcelle cadastrée ZL n° 13 sur le territoire de la commune de Méharicourt.

Par un jugement n° 1801912 du 9 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à l'EARL A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 août 2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour d'annuler ce jugement.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,

- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation relève appel du jugement du 9 juin 2020 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 5 juin 2018 du préfet de la région Hauts-de-France refusant de délivrer à l'EARL A..., dont M. A... est associé, l'autorisation d'exploiter la parcelle cadastrée ZL n°1 3 située au lieudit " sole de Lihons " sur le territoire de la commune de Méharicourt, d'une surface de 3 hectares, 16 ares et 98 centiares mise en valeur par l'EARL Deroo Alexandre.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Pour faire droit à la demande de l'EARL A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 juin 2018, les premiers juges ont estimé que le préfet de la région Hauts-de-France, en retenant que l'EARL Deroo Alexandre justifiait d'un rang de priorité n° 5, a entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation.

3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la région Hauts-de-France avait invoqué, dans son mémoire en défense enregistré le 8 novembre 2019 au greffe du tribunal administratif d'Amiens, le moyen tiré de ce qu'au regard des priorités et des critères fixés par le schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie, la demande de l'EARL Deroo apparaissait, qu'elle soit classée en rang n° 5 ou en rang n° 6, comme prioritaire par rapport à celle de l'EARL A..., de sorte que la décision de refus se trouvait légalement justifiée. Or, le tribunal a omis de se prononcer sur ce moyen de défense qui n'était pas inopérant. Dans ces conditions, le jugement est irrégulier et doit être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'EARL A... devant le tribunal administratif d'Amiens.

Sur la légalité de l'arrêté du 5 juin 2018 :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime : " I. - Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. (...) ". L'article L. 331-3-1 du même code dispose : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; / 2° Lorsque l'opération compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place ; / 3° Si l'opération conduit à un agrandissement ou à une concentration d'exploitations au bénéfice d'une même personne excessifs au regard des critères définis au 3° de l'article L. 331-1 et précisés par le schéma directeur régional des structures agricoles en application de l'article L. 312-1, sauf dans le cas où il n'y a pas d'autre candidat à la reprise de l'exploitation ou du bien considéré, ni de preneur en place ;(...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime : " (...) III.- Le schéma directeur régional des exploitations agricoles établit, pour répondre à l'ensemble des objectifs et orientations mentionnés au I du présent article, l'ordre des priorités entre les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2, en prenant en compte l'intérêt économique et environnemental de l'opération. " Aux termes de l'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie : " Ordre de priorités - Les autorisations d'exploiter sont délivrées selon un ordre de priorité (...) / 2° Installation ou confortement d'une exploitation pour atteindre ou maintenir le seuil de contrôle (inclus) après la reprise, le cas échéant. (...) / 4° Agrandissement et maintien de la surface pour atteindre 1 fois (inclus)/UTANS le seuil de contrôle après reprise, le cas échéant. / 5° Agrandissement et maintien de la surface pour atteindre 1 à 1,5 fois (inclus)/UTANS le seuil de contrôle après reprise, le cas échéant. / 6° Agrandissement et maintien de la surface pour atteindre 1,5 à 2 fois (inclus)/UTANS le seuil de contrôle après reprise, le cas échéant. / 7° Autre situation. " Aux termes de l'article 4 de ce schéma : " Fixation des seuils de contrôle : / seuils de surface : le seuil retenu correspond à 94 % de la SAU moyenne régionale toutes productions confondues. Il est de 90 ha après opération (...) " et aux termes de l'article 5 : " Les critères : / (...) / 4° les agrandissements et concentrations d'exploitations excessifs. / Le seuil d'agrandissement est fixé à 2 fois le seuil de contrôle / UTANS après reprise. "

7. Enfin, aux termes du II de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime : " La décision d'autorisation ou de refus d'autorisation d'exploiter prise par le préfet de région doit être motivée au regard du schéma directeur régional des exploitations agricoles et des motifs de refus énumérés à l'article L. 331-3-1. "

8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté portant refus d'autorisation d'exploiter vise notamment le code rural et de la pêche maritime et l'arrêté du 29 juin 2016 portant schéma directeur régional des exploitations agricoles de Picardie. Il considère la surface sollicitée de 3,1698 ha de terres, puis la surface exploitée par le preneur en place, l'EARL Deroo, de 175 ha avec un seul exploitant en le classant en rang de priorité n° 5 du schéma, et celle exploitée par le demandeur, après reprise, de 241,1698 ha, soit au-dessus du seuil d'agrandissement excessif, en le classant en rang de priorité n° 7. Enfin, il indique que la société EARL Deroo Alexandre est prioritaire à la demande de la société EARL A... en application du schéma directeur régional des exploitations agricoles et que la demande est conforme aux dispositions des articles du code rural et de la pêche maritime et aux orientations et priorités du schéma. Cet arrêté, qui se réfère à l'ordre des priorités, n'est pas entaché de contradiction entre ses motifs. Il comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivé.

9. En deuxième lieu, l'EARL A... a déclaré exploiter dans sa demande une surface de 238 ha avec un seul associé exploitant, portée après reprise à 241,1698 ha, ce qui représente trois fois le seuil de contrôle par unité de travail annuel non salarié (UTANS). Dans ces conditions, n'entrant dans aucune des situations énumérées à l'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie, elle ne peut se prévaloir d'un autre rang de priorité que le rang n° 7. La circonstance que les dispositions précitées ne fixent pas un seuil d'agrandissement excessif interdisant la délivrance d'une autorisation est à cet égard sans incidence. Le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut ainsi qu'être écarté.

10. En troisième lieu, il est constant que le preneur en place, l'EARL Deroo Alexandre, bénéficiait quant à lui d'une surface après reprise de 175 hectares par UTANS et ne pouvait dès lors pas disposer d'un rang de priorité n° 5, qui ne peut être reconnu qu'aux exploitations d'une surface comprise entre 1 à 1,5 fois (inclus) le seuil de contrôle par UTANS, soit entre 90 hectares et 145 hectares par UTANS. L'EARL A... est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet a retenu dans la décision contestée que l'EARL Deroo Alexandre justifiait d'un rang de priorité n° 5.

11. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

12. Ainsi que le fait valoir le ministre de l'agriculture et de l'alimentation en défense, avec le maintien d'une surface de 175 ha comprise entre 1,5 et 2 UTANS par rapport au seuil de contrôle, l'exploitation de l'EARL Deroo relevait du rang de priorité n° 6 établi par le schéma directeur régional des exploitations agricoles et non du rang de priorité n° 7 relatif aux autres situations, comme le soutient l'EARL A.... Dans ces conditions, le preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au demandeur au regard du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie, l'administration aurait pris la même décision si elle ne s'était pas fondée sur le classement erroné de l'ordre de priorité n° 5, censuré au point 10. Il suit de là que le préfet de région a pu légalement refuser à l'EARL A... l'autorisation sollicitée.

13. Il résulte de tout ce qui précède que l'EARL A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 5 juin 2018 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a refusé de lui délivrer l'autorisation sollicitée pour exploiter la parcelle cadastrée ZL n° 13 sur le territoire de la commune de Méharicourt.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par l'EARL A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'EARL Deroo et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1801912 du tribunal administratif d'Amiens en date du 9 juin 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'EARL A... devant le tribunal administratif d'Amiens et ses conclusions présentées devant la cour sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : L'EARL A... versera à l'EARL Deroo Alexandre une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à l'EARL A... et à l'EARL Deroo Alexandre.

Copie sera adressée au préfet de la région Hauts-de-France.

3

N°20DA01223


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01223
Date de la décision : 09/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-03 Agriculture et forêts. - Exploitations agricoles. - Cumuls et contrôle des structures.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Aurélie Chauvin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SCP CROISSANT-DE LIMERVILLE-ORTS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-11-09;20da01223 ?
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