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10/11/2021 | FRANCE | N°21DA01225

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 10 novembre 2021, 21DA01225


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure:

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 avril 2021 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2102848 du 21 avril 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juin 2021, M. A..., repré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure:

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 avril 2021 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2102848 du 21 avril 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juin 2021, M. A..., représenté par Me Olivier Cardon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de produire l'historique de l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGEDREF) le concernant, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à défaut de lui réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous la même astreinte ;

4°) de procéder à l'effacement aux fichiers SIS et FPR ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant de la Guinée-Bissau né le 10 avril 1979, est entré en France à l'âge de seize ans dans le cadre du regroupement familial. Il est sorti de détention le 12 avril 2021. Par un arrêté du 13 avril 2021, le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. A... relève appel du jugement du 21 avril 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

2. La décision contestée comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ni des motifs de la décision en litige que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de la situation de M. A....

4. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Enfin, aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ".

5. Le droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne, se définit comme celui de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief. Toutefois, ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales. Enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.

6. Si M. A... estime qu'il aurait dû être auditionné par un agent de la préfecture, il est constant qu'il a été entendu par les services de police le 12 avril 2021 et ne conteste pas avoir été invité à présenter ses observations sur les perspectives de son éloignement. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Nord aurait méconnu le droit de M. A... d'être entendu doit être écarté.

7. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ; / 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; / 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; / 5° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; (...) ".

8. M. A... soutient avoir résidé régulièrement en France entre l'âge de seize ans et jusqu'en 2019, date d'expiration de sa carte de séjour. Il doit être regardé comme invoquant les dispositions du 4° et du 5° de l'article L. 511-4 et non celles du 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne produit toutefois aucune pièce de nature à démontrer sa présence régulière en France sur une telle période. Par suite, le moyen doit être écarté.

9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France au cours de l'année 1995, à l'âge de seize ans, dans le cadre d'une procédure de regroupement familial. Sa mère ainsi que ses frères, dont l'un a la nationalité française, résident régulièrement sur le territoire français. Il a un fils majeur né en France. En dépit de ses attaches fortes sur le territoire français, M. A... ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle. A cet égard, il n'établit pas avoir été scolarisé en France, y avoir travaillé ou s'y être intégré d'une quelconque façon. Il a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement prise à son encontre le 18 mars 2020 par le préfet du Nord qu'il n'a pas exécutée. En outre, à supposer même que le courrier rédigé par l'un de ses frères le 21 avril 2021 puisse être regardé comme une promesse d'embauche, cette dernière est postérieure à la décision attaquée. M. A... n'établit pas davantage avoir entretenu des liens avec son fils désormais majeur. Par ailleurs, l'intéressé est très défavorablement connu des services de police pour avoir été interpellé entre 1998 et 2020 à plus de quarante-cinq reprises pour, notamment, des faits de menace de mort réitérée, violences sur personne chargée d'une mission de service public, vol, recel de biens provenant d'un vol, escroquerie et abus de confiance, violences avec armes, violences volontaires en état d'ivresse, violences en réunion. Il a également été condamné à plusieurs reprises, en particulier à quatre mois d'emprisonnement le 22 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Paris pour menace réitérée de crime contre les personnes, violence par une personne en état d'ivresse manifeste et dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui et à quinze mois d'emprisonnement par la cour d'appel de Paris le 21 septembre 2020 pour vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt aggravé par une autre circonstance. Il a été incarcéré en dernier lieu du 21 mai 2020 au 12 avril 2021 au centre pénitentiaire de Lille-Loos-Sequedin. Dans ces conditions, et eu égard, en particulier, à la menace à l'ordre public que représente le comportement de M. A..., le préfet du Nord n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A... doit être écarté pour les mêmes motifs.

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 10 que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité.

Sur la décision de refus d'accorder un délai de départ volontaire :

12. Il résulte de ce qui a été dit au point précèdent que M. A... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire.

13. La décision refusant d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire mentionne que celui-ci entre dans le champ d'application des dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que dans celles du c), d) et f) du 3° du II du même article. Elle mentionne également que l'intéressé constitue une menace à l'ordre public, qu'il s'est maintenu sur le territoire à l'expiration de son titre de séjour sans en solliciter le renouvellement, qu'il ne peut présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité. Ainsi, la décision contestée mentionne l'ensemble des circonstances de droit et de fait en constituant le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

14. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ni des motifs de la décision en litige que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de la situation de M. A....

15. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 à 6, le moyen tiré de ce que le préfet du Nord aurait méconnu le droit de M. A... d'être entendu doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

16. Il résulte de ce qui a été dit au point 12 que M. A... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire.

17. La décision contestée fixe, comme pays de destination, la Guinée Bissau, pays dont M. A... a la nationalité. Elle vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et relève que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à cette convention. Cette décision est ainsi suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

18. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ni des motifs de la décision en litige que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de la situation de M. A....

19. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 à 6, le moyen tiré de ce que le préfet du Nord aurait méconnu le droit de M. A... d'être entendu doit être écarté.

20. M. A... se borne à alléguer encourir des risques en cas de retour dans son pays d'origine sans apporter plus de précisions ni d'éléments probants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales doit être écarté.

21. Il résulte de ce qui a été dit aux points 16 à 20 que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est entachée d'illégalité.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire pour une durée de trois ans :

22. Il résulte de ce qui a été dit au point 12 que M. A... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire.

23. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

24. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Ainsi la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Toutefois, si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

25. La décision par laquelle le préfet du Nord a fait interdiction à M. A... de revenir sur le territoire français pour une durée de trois ans mentionne le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et atteste de ce que l'ensemble des critères énoncés par ces dispositions a été pris en compte. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée doit être écarté.

26. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ni des motifs de la décision en litige que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de la situation de M. A....

27. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

28. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.

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N°21DA01225

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01225
Date de la décision : 10/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : CARDON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-11-10;21da01225 ?
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