La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/11/2021 | FRANCE | N°20DA00706

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 23 novembre 2021, 20DA00706


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 mai 2020 et des mémoires enregistrés les 19 juin 2020, 3 janvier 2021 et 7 juin 2021, la société Enertrag Santerre IV, représentée par Me Xavier Nguyen, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2020 par lequel la préfète de la Somme a octroyé à la société Parc éolien de Le Quesnel une autorisation environnementale aux fins de construire et d'exploiter neuf aérogénérateurs et trois postes de livraison sur le territoire de la commune de Le Quesnel ;<

br>
2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Parc éolien de Le Quesnel une somme...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 mai 2020 et des mémoires enregistrés les 19 juin 2020, 3 janvier 2021 et 7 juin 2021, la société Enertrag Santerre IV, représentée par Me Xavier Nguyen, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2020 par lequel la préfète de la Somme a octroyé à la société Parc éolien de Le Quesnel une autorisation environnementale aux fins de construire et d'exploiter neuf aérogénérateurs et trois postes de livraison sur le territoire de la commune de Le Quesnel ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Parc éolien de Le Quesnel une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Xavier Nguyen représentant la société Enertrag Santerre IVet de Me Cholé Dahéron représentant la société Parc éolien de le Quesnel.

Une note en délibéré présentée par la société Enertrag Santerre IV a été enregistrée le 3 novembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 8 janvier 2020, la préfète de la Somme a octroyé à la société Parc éolien de Le Quesnel une autorisation environnementale aux fins de construire et d'exploiter neuf aérogénérateurs et trois postes de livraison sur le territoire de la commune de Le Quesnel. Dans la présente instance, la société Enertrag Santerre IV demande à la cour d'annuler cet arrêté.

Sur la recevabilité de la requête :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'environnement : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier ". Aux termes de l'article L. 181-12 du même code : " L'autorisation environnementale fixe les prescriptions nécessaires au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4. (...) ". Aux termes de l'article R. 181-50 de ce code : " Les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15-1 peuvent être déférées à la juridiction administrative : / (...) / 2° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 (...). "

3. D'autre part, aux termes du I de l'article L. 181-13 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ". Aux termes de l'article L. 211-1 du même code : " I. - Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau / (...) / II.- La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 de ce code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'un établissement commercial ne peut se voir reconnaître la qualité de tiers recevable à contester devant le juge administratif une autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement délivrée à une entreprise, fût-elle concurrente, que dans les cas où les inconvénients ou les dangers que le fonctionnement de l'installation classée présente pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement sont de nature à affecter par eux-mêmes les conditions d'exploitation de cet établissement commercial. Il appartient à ce titre au juge administratif de vérifier si l'établissement justifie d'un intérêt suffisamment direct lui donnant qualité pour demander l'annulation de l'autorisation en cause, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour lui l'installation classée, appréciés notamment en fonction de ses conditions de fonctionnement, de la situation des personnes qui le fréquentent ainsi que de la configuration des lieux.

5. Il résulte de l'instruction que la société Enertrag Santerre IV exploite un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs B1 à B4 et de huit aérogénérateurs E1 à E8 implantés dans le territoire des communes de Cayeux-en-Santerre et de Caix. La société Parc éolien de Le Quesnel a été autorisée, par l'arrêté attaqué, à implanter un parc éolien comprenant neuf aérogénérateurs Q1 à Q9 sur le territoire de la commune de Le Quesnel situés à proximité au nord-ouest des aérogénérateurs B4 et B3 et au nord-est des aérogénérateurs E3, E2 et E1 exploités par la société Enertrag Santerre IV.

6. En premier lieu, la requérante soutient qu'elle devra exposer des coûts supplémentaires pour compenser les risques de saturation visuelle, d'atteinte à la faune et à la sécurité publique ou les nuisances que le projet contesté entraînera.

7. Il résulte toutefois de l'instruction que la société Parc éolien de Le Quesnel s'est engagée à mettre en œuvre des mesures de compensation afin de protéger l'avifaune ainsi que des mesures de limitation des impacts paysagers, des risques de dangers et de nuisances que son projet est susceptible de susciter. A supposer qu'en dépit de ces mesures, des risques résiduels persistent, il ne résulte pas de l'instruction qu'ils seraient susceptibles de faire peser sur la société requérante des coûts supplémentaires pour assurer le bon fonctionnement de ses installations ni d'exercer d'autres incidences sur leurs conditions d'exploitation. Si la société requérante soutient que ces risques obéreraient les capacités d'extension du parc qu'exploite, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle bénéficierait d'une autorisation pour construire et exploiter de nouveaux aérogénérateurs dans la zone et n'établit d'ailleurs pas qu'elle aurait eu à court terme un projet en ce sens.

8. En second lieu, la requérante soutient que le projet litigieux provoquera, compte tenu de l'orientation des vents dominants, un effet de sillage de nature à réduire sa production d'énergie et à générer des risques de turbulences pour la surveillance desquels elle devra exposer des coûts supplémentaires.

9. A l'appui de ses allégations, elle produit une étude qui, pour évaluer les pertes de sillage liés à l'implantation du projet litigieux, affirme que les vents dominants soufflent depuis le sud-ouest dans la zone d'implantation du parc de la requérante. Toutefois, cette analyse des vents n'est étayée par aucun élément probant et circonstancié, alors que, selon l'étude d'impact litigieuse, les vents dominants sont orientés " nord-est / sud-ouest " dans la zone d'implantation du projet. Compte tenu de cette orientation des vents dominants, qui n'est pas sérieusement contestée, le projet n'est pas susceptible d'affecter le fonctionnement des aérogénérateurs E1 à E8 situés en amont de ces vents, ni de ceux B1 à B4 qui sont alignés perpendiculairement à l'axe de ces vents dans le prolongement des aérogénérateurs litigieux. D'ailleurs, selon cette même étude, les pertes de sillage que subiraient les aérogénérateurs B1 à B4 et E4 à E8 seraient nulles ou très faibles et les aérogénérateurs du projet litigieux, dont les rotors mesurent 117 mètres de diamètre et qui sont situés au plus près à 1 050 mètres des aérogénérateurs E1 à E8, sont implantés conformément aux " bonnes pratiques de l'industrie " dont se prévaut la requérante, selon lesquelles l'impact structurel d'une éolienne sur une autre n'est envisagé que " lorsque la distance les séparant est inférieure à : / (i) 7 diamètres de rotor (de l'éolienne impactante) si elles sont alignées selon une direction de vent dominant ". Dans ces conditions, à supposer qu'elle puisse se prévaloir d'effets de sillage au titre de l'utilisation rationnelle de l'énergie, la société requérante n'établit pas que le projet litigieux serait susceptible de provoquer des dangers ou inconvénients pour l'un des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, de nature à affecter par eux-mêmes les conditions de son exploitation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante ne justifie pas d'un intérêt suffisant pour agir contre l'arrêté du 8 janvier 2020 et que, par suite, sa requête doit être rejetée comme irrecevable.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la société Parc éolien de Le Quesnel, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme que la société Enertrag Santerre IV demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

12. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Enertrag Santerre IV une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Parc éolien de Le Quesnel et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Enertrag Santerre IV est rejetée.

Article 2 : La société Enertrag Santerre IV versera une somme de 2 000 euros à la société Parc éolien de Le Quesnel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Enertrag Santerre IV, à la société Parc éolien de Le Quesnel et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Somme.

N°20DA00706

4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00706
Date de la décision : 23/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02-02-005-02-01 Nature et environnement. - Installations classées pour la protection de l'environnement. - Régime juridique. - Actes affectant le régime juridique des installations. - Première mise en service.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : NGUYEN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-11-23;20da00706 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award