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30/11/2021 | FRANCE | N°20DA00702

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 30 novembre 2021, 20DA00702


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Euro Protection Surveillance a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 17 septembre 2018 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle a rejeté implicitement son recours contre la décision du 12 avril 2018 de la commission locale d'agrément et de contrôle du Nord prononçant à son encontre un avertissement.

Par un jugement n° 1810480 du 6 mars 2020, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 1

7 septembre 2018 et mis à la charge du conseil national des activités privées de séc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Euro Protection Surveillance a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 17 septembre 2018 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle a rejeté implicitement son recours contre la décision du 12 avril 2018 de la commission locale d'agrément et de contrôle du Nord prononçant à son encontre un avertissement.

Par un jugement n° 1810480 du 6 mars 2020, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 17 septembre 2018 et mis à la charge du conseil national des activités privées de sécurité une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mai 2020, le conseil national des activités privées de sécurité, représenté par Me Yves Claisse, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SAS Euro Protection Surveillance devant le tribunal administratif de Lille ;

3°) de mettre à la charge de la SAS Euro Protection Surveillance une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me Aurélia Coquillon, représentant le centre national des activités privées de sécurité.

Considérant ce qui suit :

1. Le conseil national des activités privées de sécurité relève appel du jugement du 6 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 17 septembre 2018 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle a rejeté implicitement le recours de la société Euro Protection Surveillance formé contre la décision du 12 avril 2018 de la commission locale d'agrément et de contrôle Nord lui infligeant un avertissement.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient l'appelant, il ressort de la minute du jugement attaqué figurant au dossier de première instance que ledit jugement a été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier conformément aux prescriptions de

l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée au conseil national des activités privées de sécurité ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu'elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités qui consistent :/ 1° A fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de personnes (...) ". Selon l'article L. 634-4 du même code : " Tout manquement aux lois, règlements et obligations professionnelles et déontologiques applicables aux activités privées de sécurité peut donner lieu à sanction disciplinaire (...) / Les sanctions disciplinaires applicables aux personnes physiques et morales exerçant les activités définies aux titres Ier, II et II bis sont, compte tenu de la gravité des faits reprochés : l'avertissement, le blâme et l'interdiction d'exercice de l'activité privée de sécurité ou de l'activité mentionnée à l'article L. 625-1 à titre temporaire pour une durée qui ne peut excéder cinq ans (...) ".

4. La société Euro Protection Surveillance, qui est une entreprise ayant pour activité la télésurveillance des particuliers, a fait l'objet d'un contrôle de son établissement secondaire situé à Verlinghem, les 27 juin et 14 septembre 2017 à l'issue duquel la commission locale d'agrément et de contrôle du Nord a prononcé à son encontre un avertissement. Il ressort des pièces du dossier que cette sanction est fondée sur le non-respect par l'intéressée du principe d'exclusivité, l'emploi de quatre personnes non titulaires d'une carte professionnelle dématérialisée en cours de validité et l'absence de vérification de la capacité à exercer, la non remise d'une carte professionnelle matérialisée aux salariés et la non insertion du code de déontologie dans les contrats de travail.

5. En premier lieu, l'article L. 612-2 du code de la sécurité intérieure dispose : " L'exercice d'une activité mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 611-1 est exclusif de toute autre prestation de services non liée à la surveillance, au gardiennage ou au transport de fonds, de bijoux ou de métaux précieux, à l'exception du transport, par les personnes exerçant l'activité mentionnée au 2° de l'article L. 611-1, dans les conditions prévues aux articles L. 613-8 à L. 613-11, de tout bien, objet ou valeur (...) ". Aux termes de l'article L. 612-23 du même code dans sa version en vigueur : " (...) Toute personne physique ou morale exerçant une activité mentionnée à l'article L. 611-1 concluant un contrat de travail avec une personne titulaire de cette autorisation lui assure la délivrance sans délai d'une formation en vue de justifier de l'aptitude professionnelle. La personne titulaire de l'autorisation provisoire susvisée ne peut pas être affectée à un poste correspondant à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 (...) ". Aux termes de R. 625-11 de ce code : " I.- Pour les formations mentionnées à l'article L. 625-1, les prestataires de formation n'acceptent au sein de leur parcours que les candidats titulaires soit de l'autorisation préalable d'accès à la formation professionnelle mentionnée aux articles L. 612-22 et L. 622-21 soit de l'autorisation provisoire mentionnée aux articles L. 612-23 et L. 622-22 soit de la carte professionnelle mentionnée aux articles L. 612-20 et L. 622-19. " Enfin, aux termes de l'article L. 6321-1 du code du travail : " L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail./ Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations./ Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret (...) ".

6. S'il est constant que la société Euro Protection Surveillance dispense au sein de son établissement secondaire sis à Verlinghem, des formations en interne à ses salariés en vue de l'obtention, en candidat libre, de la certification d'opérateur spécialisé dans le traitement d'informations de sécurité à distance, il n'est pas démontré qu'elle se serait engagée en ce sens moyennant un prix convenu entre eux. Ces formations qui sont réservées aux employés de la société sans contrepartie financière, et sans obligation, ne peuvent ainsi être regardées comme une prestation de service prohibée par les dispositions précitées, alors en outre qu'elles n'apparaissent pas sans lien avec l'activité de l'intimée. Il suit de là qu'il ne peut être reproché à la société Euro Protection Surveillance un manquement au principe d'exclusivité au titre de l'article L. 612-2 du code de la sécurité intérieure.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : (...) 5° S'il ne justifie pas de son aptitude professionnelle selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat et, s'il utilise un chien dans le cadre de son emploi ou de son affectation, de l'obtention d'une qualification définie en application de l'article L. 613-7. Le respect de ces conditions est attesté par la détention d'une carte professionnelle délivrée selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 631-15 du même code : " Vérification de la capacité d'exercer. Les entreprises et leurs dirigeants s'interdisent d'employer ou de commander, même pour une courte durée, des personnels de sécurité et de recherches ne satisfaisant pas aux conditions de qualification professionnelle ou ne possédant pas les autorisations valides requises pour exercer leurs missions. Ils s'assurent de l'adéquation des compétences aux missions confiées. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que lors des opérations de contrôle diligentées au sein de l'établissement secondaire de Verlinghem, il a été constaté que quatre personnes avaient été embauchées par la société sans pouvoir justifier de leur aptitude professionnelle, en méconnaissance des dispositions précitées qui imposent à l'employeur de s'assurer de la capacité à exercer des personnes qu'il recrute. Si les faits sont établis, le conseil national des activités privées de sécurité reconnait que les salariés qui n'étaient pas titulaires d'une carte professionnelle lors de leur recrutement les ont obtenues depuis, régularisant ainsi le manquement reproché.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 612-18 du code de la sécurité intérieure : " Tout candidat à l'emploi pour exercer des activités privées de sécurité définies aux articles L. 611-1 et L. 613-13 ou tout employé participant à l'exercice de ces activités communique à l'employeur le numéro de la carte professionnelle qui lui a été délivrée par la commission locale d'agrément et de contrôle. L'employeur remet à l'employé une carte professionnelle propre à l'entreprise. Cette carte, qui comporte une photographie récente de son titulaire, mentionne : (...) La carte professionnelle remise à l'employé par son employeur doit être présentée à toute réquisition d'un agent de l'autorité publique et restituée à l'employeur à l'expiration du contrat de travail. "

10. Il n'est pas contesté que deux agents d'exploitation employés par la société Euro Protection Surveillance et contrôlés le 27 juin 2017 n'ont pas été en mesure de présenter leur carte professionnelle matérialisée dont la délivrance incombe à l'employeur en application des dispositions précitées. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le directeur d'exploitation de l'établissement a remis lors de son audition administrative, le 14 septembre 2017, la copie de la carte professionnelle desdits employés. Il est constant que le manquement à l'article R. 612-18 du code de la sécurité intérieure précité a ainsi été régularisé.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 631-3 du code de la sécurité intérieure : " Le présent code de déontologie est affiché de façon visible dans toute entreprise de sécurité privée. Un exemplaire est remis par son employeur à tout salarié, à son embauche, même pour une mission ponctuelle. Il est signalé en référence dans le contrat de travail signé par les parties (...) ".

12. S'il ressort des pièces du dossier que les contrats de travail consultés à l'occasion du contrôle de l'établissement secondaire de la société Euro Protection Surveillance le 27 juin 2017, ne mentionnaient pas la référence au code de déontologie, il n'est pas contesté qu'une attestation de remise de ce document signée par les employés était annexée au contrat et qu'en tout état de cause, une nouvelle version, utilisée à compter du 25 septembre 2017, des contrats de travail de la société faisant référence au code de déontologie a été transmise au conseil national des activités privées de sécurité. Dans ces conditions, aucun manquement à l'article R. 631-3 du code de la sécurité intérieure ne peut être reproché à la société Euro Protection Surveillance.

13. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le grief tiré de la méconnaissance du principe d'exclusivité issu de l'article L. 612-2 du code de la sécurité intérieure ne peut être retenu à l'encontre de la société Euro Protection Surveillance. Il est par ailleurs constant que les autres manquements décrits aux points 7 à 12 du présent arrêt, s'ils sont matériellement établis, avaient tous été régularisés à la date de la délibération de la commission locale d'agrément et de contrôle du 12 avril 2018, ainsi que cette dernière l'a relevé, a fortiori à la date de la décision implicite de la commission nationale d'agrément et de contrôle née le 17 septembre 2018. Dans ces conditions, eu égard à la nature des faits reprochés et à l'absence d'antécédents disciplinaires de la société, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la commission nationale d'agrément et de contrôle n'aurait pas pris la même décision si elle ne s'était fondée que sur ces trois autres manquements et ont, en conséquence, annulé la sanction d'avertissement infligée.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le conseil national des activités privées de sécurité n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 17 septembre 2018 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle a rejeté implicitement le recours de la société Euro Protection Surveillance formé contre la décision du 12 avril 2018 de la commission locale d'agrément et de contrôle du Nord lui infligeant un avertissement.

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Euro Protection Surveillance, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le conseil national des activités privées de sécurité demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'appelant la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par l'intimée et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du conseil national des activités privées de sécurité est rejetée.

Article 2 : Le conseil national des activités privées de sécurité versera à la société Euro Protection Surveillance la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au conseil national des activités privées de sécurité et à la société Euro Protection Surveillance.

2

N° 20DA00702


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00702
Date de la décision : 30/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-03 Professions, charges et offices. - Conditions d'exercice des professions.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Aurélie Chauvin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SELARL DU MANOIR DE JUAYE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-11-30;20da00702 ?
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