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09/12/2021 | FRANCE | N°20DA01533

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 09 décembre 2021, 20DA01533


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 11 mars 2017 par lequel le maire de Willems lui a refusé le renouvellement de son congé de longue durée et l'a placée en congé de maladie ordinaire pour la période du 9 novembre 2016 au 8 mai 2017.

Mme D... a également demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les arrêtés du 20 octobre 2017 par lesquels le maire de Willems lui a refusé le renouvellement de son congé de longue durée, l'a placée en cong

é de maladie ordinaire pour la période du 9 mai 2017 au 8 novembre 2017 et en disponi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 11 mars 2017 par lequel le maire de Willems lui a refusé le renouvellement de son congé de longue durée et l'a placée en congé de maladie ordinaire pour la période du 9 novembre 2016 au 8 mai 2017.

Mme D... a également demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les arrêtés du 20 octobre 2017 par lesquels le maire de Willems lui a refusé le renouvellement de son congé de longue durée, l'a placée en congé de maladie ordinaire pour la période du 9 mai 2017 au 8 novembre 2017 et en disponibilité d'office du 9 novembre 2017 au 8 février 2018.

Par un jugement n° 1704397-1710585 du 28 juillet 2020, le tribunal administratif de Lille a annulé ces trois arrêtés et a enjoint au maire de Willems de placer Mme D... en congé de longue durée du 9 novembre 2016 au 8 mai 2017, et du 9 mai 2017 au 8 février 2018 et de régulariser sa situation administrative dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de la commune de Willems une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 septembre 2020, la commune de Willems, représentée par Me Jean-Baptiste Dubrulle, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme D... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de Mme D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... A..., présidente-rapporteure,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., attachée territoriale, a exercé les fonctions de secrétaire générale de la mairie de Willems. Après avoir été placée en congé de maladie ordinaire du 9 février au 29 novembre 2015, elle a été placée en congé de longue maladie au titre de la période du 9 février 2015 au 8 mai 2016, puis en congé de longue durée jusqu'au 8 novembre 2016. Par un arrêté du 11 mars 2017, le maire de la commune de Willems a refusé de renouveler le congé de longue durée octroyé à Mme D... et l'a placée en congé de maladie ordinaire pour la période du 9 novembre 2016 au 8 mai 2017. Par un arrêté du 20 octobre 2017, Mme D... s'est vu refuser de nouveau un congé de longue durée et a été placée en congé de maladie ordinaire au titre de la période du 9 mai au 8 novembre 2017. Par un autre arrêté du 20 octobre 2017, l'intéressée a été placée en disponibilité d'office au titre de la période du 9 novembre 2017 au 8 février 2018. La commune de Willems relève appel du jugement du 28 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé ces trois arrêtés à la demande de Mme D....

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur le motif d'annulation commun aux arrêtés du 11 mars 2017 et du 20 octobre 2017 portant refus de renouvellement du congé de longue durée :

2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Le fonctionnaire qui a obtenu un congé de longue maladie ne peut bénéficier d'un autre congé de cette nature s'il n'a pas auparavant repris l'exercice de ses fonctions pendant un an. (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Sauf dans le cas où le fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue maladie à plein traitement, le congé de longue durée ne peut être attribué qu'à l'issue de la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie. Cette période est réputée être une période du congé de longue durée accordé pour la même affection. Tout congé attribué par la suite pour cette affection est un congé de longue durée. (...) ".

3. Aux termes de l'article 20 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de cette loi et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Le fonctionnaire atteint d'une des affections énumérées au 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, qui est dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions et qui a épuisé, à quelque titre que ce soit, la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie, est placé en congé de longue durée selon la procédure définie à l'article 25 ci-dessous.(...) / Lorsqu'elle a été attribuée au titre de l'affection ouvrant droit au congé de longue durée considéré, la période de congé de longue maladie à plein traitement, déjà accordée, est décomptée comme congé de longue durée. ".

4. Il résulte des dispositions précitées du troisième alinéa du 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'article 20 du décret du 30 juillet 1987 qu'un fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue durée qu'après avoir épuisé ses droits à congé de longue maladie rémunéré à plein traitement. Si la période de congé de longue maladie à plein traitement doit être décomptée, lorsque ce congé a été attribué au fonctionnaire au titre de l'affection ouvrant droit au congé de longue durée, comme une période de congé de longue durée, cette circonstance est sans incidence sur la portée de ces dispositions.

5. Il ressort des conclusions de l'expertise réalisée par le médecin psychiatre, le 5 août 2015, à la demande du comité médical départemental du Nord, que Mme D... présente un syndrome anxio-dépressif avec troubles cognitifs manifestes impliquant un suivi psychiatrique. Le comité médical départemental a rendu un avis favorable à l'octroi d'un congé de longue maladie. L'agent a été placée, sur la base de cet avis, en congé de longue maladie pour la période du 9 février 2015 au 8 mai 2016. Il ressort également des conclusions de l'expertise réalisée, le 30 mai 2016, par un autre médecin psychiatre désigné par le comité médical départemental, que Mme D... est atteinte d'un syndrome anxio-dépressif sévère avec des idées suicidaires, des troubles anxieux, des insomnies et des cauchemars caractérisant un état de stress post-traumatique. Après avis favorable du comité médical quant à l'octroi d'un congé de longue durée, le maire de Willems a accordé un tel congé du 9 mai 2016 au 28 novembre 2016. Il ressort par ailleurs de l'expertise du 28 novembre 2016 effectuée à la demande du comité médical départemental que Mme D... présente encore, selon le même médecin psychiatre, des troubles anxieux avec cauchemars et reviviscences impliquant une prise en charge pour juguler le stress induit par cette affection et ne lui permettant pas de reprendre son activité professionnelle. Enfin une expertise réalisée le 8 septembre 2017 par le chef du service psychiatrique Lille Nord, désigné également par le comité médical départemental, précise que Mme D... présente une décompensation anxieuse et dépressive depuis le mois de février 2015 nécessitant la poursuite de soins et de sa prise en charge psychothérapeutique initiée lors de l'apparition des symptômes précédemment décrits. Ce psychiatre a préconisé, comme le comité médical, l'octroi d'un congé de longue durée au titre de la période du 9 mai 2017 au 8 février 2018. Il ressort ainsi de ces pièces médicales établies par des médecins différents que Mme D... présentait le 11 mars 2017 et le 20 octobre 2017, à la date des deux arrêtés en litige, un syndrome dépressif sévère persistant depuis plus de deux ans et nécessitant des soins prolongés et, notamment, une prise en charge psychiatrique. A cet égard, la circonstance que Mme D... n'ait pas demandé l'imputabilité au service de sa pathologie est sans incidence sur son droit au bénéfice de ce congé de longue durée. En outre, les critiques formulées par la commune quant au caractère selon elle complaisant de ces certificats et expertises établis par des médecins psychiatres différents ne sont étayées par aucun élément probant. Dans ces conditions, Mme D... doit être regardée comme présentant, à la date d'édiction des arrêtés en litige, une affection mentale grave et invalidante, l'empêchant de reprendre son activité professionnelle, relevant de celle définie au 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 ouvrant doit à l'octroi d'un congé de longue durée. Par suite, la commune de Willems n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé pour ce motif les deux arrêtés portant refus de renouvellement du congé de longue durée de Mme D....

6. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

7. La commune fait valoir à nouveau en appel qu'elle n'était pas tenue d'accorder le renouvellement de congé de longue durée dès lors que Mme D... ne justifie pas avoir demandé ce renouvellement un mois avant la date du 8 novembre 2016, comme le prévoient les dispositions de l'article 36 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986. Toutefois, aucune disposition de ce décret, applicable à la fonction publique d'Etat, ni aucun autre texte réglementaire ou principe général ne rend applicable aux fonctionnaires territoriaux les dispositions de cet article. D'ailleurs, les fonctionnaires territoriaux sont régis, s'agissant de l'organisation des comités médicaux, des conditions d'aptitude physique et du régime des congés de maladie, par les dispositions du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application des articles 57 et 58 de la loi du 26 janvier 1984. Par suite, un tel motif n'est pas de nature à fonder légalement les arrêtés en litige.

Sur le motif d'annulation retenu à l'encontre de l'arrêté du 20 octobre 2017 portant mise en disponibilité d'office :

8. Aux termes de l'article 72 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction applicable : " La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 57. Le fonctionnaire mis en disponibilité qui refuse successivement trois postes qui lui sont proposés dans le ressort territorial de son cadre d'emploi, emploi ou corps en vue de la réintégration peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire. / Le fonctionnaire mis en disponibilité, soit d'office à l'expiration des congés institués par les 2°, 3° et 4° de l'article 57 de la présente loi, soit de droit, sur demande, pour raisons familiales, est réintégré à l'expiration de sa période de disponibilité dans les conditions prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article 67 de la présente loi. Dans les autres cas, si la durée de la disponibilité n'a pas excédé trois années, une des trois premières vacances dans la collectivité ou l'établissement d'origine doit être proposée au fonctionnaire. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que le maire de Willems a placé Mme D... en disponibilité d'office du 9 novembre 2017 au 8 février 2018 en se fondant sur les décisions des 11 mars 2017 et 20 octobre 2017 par lesquelles l'intéressée a bénéficié de congés de maladie ordinaire au titre de la période du 9 novembre 2016 au 8 novembre 2017 et a épuisé ses droits à congé à l'issue de cette période. Toutefois, dès lors que ces arrêtés ayant placé Mme D... en congé maladie ordinaire sont entachés d'illégalité, l'arrêté décidant de la mise en disponibilité d'office de Mme D... qui est fondé sur ces arrêtés est également illégal. Par suite, la commune de Willems n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, pour ce motif, le tribunal administratif a annulé également l'arrêté portant mise en disponibilité d'office de Mme D....

10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune de Willems n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé les arrêtés du 11 mars et 20 octobre 2017 et lui a enjoint de placer Mme D... en congé de longue durée pour les périodes du 9 novembre 2016 au 8 mai 2017 et du 9 mai 2017 au

8 février 2018 et de régulariser sa situation administrative dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du jugement.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme D..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Willems demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Willems le versement à Mme D... d'une somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Willems est rejetée.

Article 2 : La commune de Willems versera à Mme D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Willems et à Mme B... D....

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N°20DA01533

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01533
Date de la décision : 09/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-02 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de longue durée.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP BIGNON LEBRAY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-12-09;20da01533 ?
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