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14/12/2021 | FRANCE | N°20DA01465

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 14 décembre 2021, 20DA01465


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... et Mme F... D... ont demandé au tribunal administrative de Lille d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2015 par lequel le maire de la commune d'Anzin-Saint-Aubin a retiré l'arrêté du 6 août 2007 portant retrait du permis de construire délivré le 28 octobre 2003 à M. A....

Par un jugement n°1702594 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 septembre 2021, M. E... D... et Mme F

... D..., représentés par Me Alain Vamour, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... et Mme F... D... ont demandé au tribunal administrative de Lille d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2015 par lequel le maire de la commune d'Anzin-Saint-Aubin a retiré l'arrêté du 6 août 2007 portant retrait du permis de construire délivré le 28 octobre 2003 à M. A....

Par un jugement n°1702594 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 septembre 2021, M. E... D... et Mme F... D..., représentés par Me Alain Vamour, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2015 du maire de la commune d'Anzin-Saint-Aubin ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Anzin-Saint-Aubin une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Thibault Mercier représentant M. et Mme D... J... I... représentant la commune d'Anzin Saint-Aubin et de Me Charles Abeel représentant M. et Mme H... et M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Le maire d'Anzin-Saint-Aubin, par un arrêté du 28 octobre 2003, a délivré un permis de construire à M. A.... Il a retiré ce permis par un arrêté du 6 août 2007. Il a retiré ce retrait par un arrêté du 10 juillet 2015. M. et Mme D... ont demandé l'annulation de ce dernier arrêté au tribunal administratif de Lille, qui a rejeté leur demande par un jugement du 15 juillet 2020. M. et Mme D... relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 8 de la loi du 17 juillet 1978 susvisée applicable à la date de la décision attaquée : " Sauf disposition prévoyant une décision implicite de rejet ou un accord tacite, toute décision individuelle prise au nom de l'Etat, d'une collectivité territoriale, d'un établissement public ou d'un organisme, fût-il de droit privé, chargé de la gestion d'un service public, n'est opposable à la personne qui en fait l'objet que si cette décision lui a été préalablement notifiée ".

3. Aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés (...) ". Aux termes de l'article L. 2131-2 du même code dans sa rédaction applicable : " Sont soumis aux dispositions de l'article L. 2131-1 les actes suivants : / (...) / 6° Le permis de construire et les autres autorisations d'utilisation du sol et le certificat d'urbanisme délivrés par le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale, lorsqu'il a reçu compétence dans les conditions prévues aux articles L. 422-1 et L. 422-3 du code de l'urbanisme (...) ". Aux termes de l'article L. 2131-3 de ce code : " Les actes pris au nom de la commune autres que ceux mentionnés à l'article L. 2131-2 sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ".

4. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

5. La décision par laquelle le maire retire un permis de construire est créatrice de droits à l'égard des tiers qui ont intérêt au maintien de ce retrait. Lorsqu'une telle décision est intervenue à la demande d'un tiers à l'égard duquel elle crée des droits et que le maire décide de la retirer, ce tiers et le bénéficiaire du permis qui a été rétabli doivent être regardés comme les destinataires de cette décision retirant le retrait du permis de construire. En application des dispositions citées aux points précédents, cette même décision ne peut être opposée à ce tiers que si elle lui a été au préalable régulièrement notifiée et le délai de recours contentieux ne peut commencer à courir à son égard qu'à la même condition ou, à défaut, s'il est établi que ce tiers en a eu connaissance.

6. Dans cette dernière hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

7. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 28 octobre 2003, le maire d'Anzin-Saint-Aubin a délivré un permis de construire à M. A..., voisin de M. et Mme D.... Ces derniers ont sollicité le 9 juillet 2005 le retrait de cet arrêté auprès du maire qui, par une décision implicite, a rejeté leur demande. Par un jugement du 6 juillet 2006, le tribunal administratif de Lille, saisi par M. et Mme D..., a annulé ce permis et cette décision implicite. Par un arrêt du 15 mars 2007, la présente cour a rejeté comme tardives les conclusions tendant à l'annulation de ce permis mais a annulé cette décision implicite au motif que le permis avait été obtenu par fraude et pouvait donc être retiré à tout moment. Tirant les conséquences de cet arrêt, le maire, par un arrêté du 6 août 2007, a retiré le permis de construire du 28 octobre 2003. Cet arrêté du 6 août 2007 a été lui-même retiré par l'arrêté du maire d'Anzin-Saint-Aubin du 10 juillet 2015 contesté dans la présente instance.

8. L'arrêté du 6 août 2007 retirant le permis de construire du 28 octobre 2003 constitue une décision créatrice de droits pour M. et Mme D..., voisins du bénéficiaire de ce permis. Dès lors que ces derniers ont sollicité ce retrait, ils doivent être regardés comme les destinataires de l'arrêté du 10 juillet 2015 par lequel ce retrait a été retiré. Or il est constant que l'arrêté attaqué ne leur a pas été notifié. Si, après l'édiction de l'arrêté attaqué, le maire a pris l'initiative d'afficher à nouveau en mairie pendant un délai de deux mois le permis de construire remis en vigueur, cet affichage n'a pas eu pour effet de faire courir à nouveau le délai de recours contentieux contre ce permis, qui avait expiré avant son retrait, et ne saurait en tout état de cause valoir notification de l'arrêté attaqué qui constitue une décision distincte de ce permis de construire. Dans ces conditions, en l'absence de notification de l'arrêté du 10 juillet 2015, le délai de recours contentieux à son encontre, prévu à l'article R. 421-1 du code de justice administrative, ne peut pas être regardé comme ayant commencé à courir à l'égard de M. et Mme D....

9. Si la commune justifie de l'affichage en mairie de l'arrêté du 10 juillet 2015, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette mesure de publicité a permis à M. et Mme D... d'avoir connaissance de cet arrêté. Ce dernier leur a cependant été communiqué par Me Dennetiere représentant les intérêts de M. A... et M. et Mme H... par un courrier du 25 janvier 2017 dans le cadre de la procédure contentieuse engagée devant le tribunal de grande instance de Béthune aux fins de démolition des constructions autorisées par le permis de construire du 28 octobre 2003. Dans ces conditions, le recours de M. et Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué du 10 juillet 2015, enregistré le 17 mars 2017 au greffe du tribunal administratif de Lille, a été régulièrement formé avant l'expiration du délai raisonnable mentionné au point 6.

10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande comme tardive. Le jugement du 15 juillet 2020 doit donc être annulé. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme D....

Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune d'Anzin-Saint-Aubin :

11. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable : " En cas (...) de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire (...) l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant (...) un permis de construire (...) ".

12. Aux termes de l'article R. 600-3 du même code : " Aucune action en vue de l'annulation d'un permis de construire (...) n'est recevable à l'expiration d'un délai d'un an à compter de l'achèvement de la construction (...) / Sauf preuve contraire, la date de cet achèvement est celle de la réception de la déclaration d'achèvement mentionnée à l'article R. 462-1 ".

13. En l'espèce, la commune d'Anzin-Saint-Aubin ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées des articles R. 600-1 et R. 600-3 du code de l'urbanisme dès lors que l'arrêté attaqué ne peut pas être regardé comme étant au nombre des décisions limitativement énumérées par ces dispositions. Par suite, les fins de non-recevoir opposées par la commune doivent être écartées.

Sur la légalité de l'arrêté du 10 juillet 2015 :

En ce qui concerne la fraude :

14. M. et Mme D... soutiennent que le permis de construire délivré à M. A... le 28 octobre 2003 est entaché de fraude. Il est constant que M. A... a déclaré, dans le formulaire de demande de permis de construire, une surface hors œuvre nette de 380 m2 alors que son projet, tel qu'il résultait des plans et autres documents assortissant sa demande, tendait à la construction d'une surface hors œuvre nette supérieure à celle ainsi déclarée. Par un arrêt du 20 novembre 2012, devenu définitif, la cour d'appel de Douai a relevé, par des constatations matérielles qui sont le support nécessaire du dispositif de sa décision et qui, par suite, s'imposent aux juridictions administratives, que la surface hors œuvre nette construite par M. A... excédait de 30,86 m2 celle autorisée par le permis qui lui avait été délivré.

15. Si M. A... fait valoir que l'inexactitude entachant sa demande de permis de construire ne constitue qu'une simple erreur matérielle, il ressort des pièces du dossier que la surface hors œuvre nette qu'il projetait de construire excédait de 8 % tant celle déclarée dans le formulaire de demande de permis de construire que celle pouvant être construite dans la parcelle conformément au coefficient d'occupation des sols alors applicable. En dépit de cette différence significative, M. A..., qui exerçait une activité de promoteur immobilier, n'a pas signalé l'inexactitude de ses déclarations au cours de l'instruction de sa demande ni après la délivrance du permis qui l'autorisait à construire une surface hors œuvre nette de 380 m2.

16. Dans ces conditions, cette inexactitude doit être regardée comme une manœuvre frauduleuse destinée à tromper l'autorité administrative et qui, par suite, a entaché d'illégalité le permis de construire du 28 octobre 2003. Si M. A... a vendu à M. et Mme H... le bien immobilier en cause postérieurement à la délivrance de ce permis, cette circonstance n'est toutefois pas de nature à régulariser cette illégalité. De même, si la commune fait valoir que la différence entre la surface hors œuvre nette projetée et celle déclarée par M. A... n'est pas de 109 m2, comme l'avait relevé une première expertise et la présente cour dans son arrêt du 15 mars 2007, mais seulement de 30,86 m2, cette circonstance est sans incidence sur l'existence de la fraude mentionnée ci-dessus.

17. En retirant l'arrêté du 6 août 2007 par lequel avait été retiré le permis de construire du 28 octobre 2003, l'arrêté attaqué a eu pour effet de rétablir ce permis de construire. Ce dernier étant entaché de fraude ainsi qu'il a été dit, le maire d'Anzin-Saint-Aubin a entaché l'arrêté attaqué d'illégalité.

En ce qui concerne les autres moyens :

18. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". En l'espèce, aucun des moyens soulevés par M. et Mme D... autres que celui examiné ci-dessus ne sont susceptibles, en l'état du dossier, de fonder l'annulation de l'arrêté attaqué du 10 juillet 2015.

19. Il résulte de tout ce qui précède que l'arrêté du 10 juillet 2015 doit être annulé.

Sur les frais liés à l'instance :

20. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Anzin-Saint-Aubin, partie perdante, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme D... et non compris dans les dépens.

21. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme D..., qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A..., M. et Mme H... et la commune d'Anzin-Saint-Aubin demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 15 juillet 2020 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 10 juillet 2015 par lequel le maire de la commune d'Anzin-Saint-Aubin a retiré l'arrêté du 6 août 2007 ayant lui-même retiré le permis de construire délivré le 28 octobre 2003 à M. A... est annulé.

Article 3 : La commune d'Anzin-Saint-Aubin versera à M. et Mme D... une somme globale de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. A..., M. et Mme H... et par la commune d'Anzin-Saint-Aubin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., Mme F... D..., M. B... A..., Mme C... H..., M. G... H... et à la commune d'Anzin-Saint-Aubain.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Pas-de-Calais.

N°20DA01465

6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01465
Date de la décision : 14/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SCP BIGNON LEBRAY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-12-14;20da01465 ?
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