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21/12/2021 | FRANCE | N°20DA01937

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 21 décembre 2021, 20DA01937


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, la SCP Duchange et Associés, notaires, titulaire d'un office de notaire à la résidence de Roubaix, a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler la décision implicite du 2 juin 2019 du garde des sceaux, ministre de la justice refusant de lui délivrer une attestation de décision implicite d'acceptation de sa demande d'ouverture d'un bureau annexe à la résidence de Croix et celle du 2 juin 2019 refusant de retirer la mention " clôturée " du portail du mi

nistère de la justice dédié aux officiers publics ou ministériels attribué...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, la SCP Duchange et Associés, notaires, titulaire d'un office de notaire à la résidence de Roubaix, a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler la décision implicite du 2 juin 2019 du garde des sceaux, ministre de la justice refusant de lui délivrer une attestation de décision implicite d'acceptation de sa demande d'ouverture d'un bureau annexe à la résidence de Croix et celle du 2 juin 2019 refusant de retirer la mention " clôturée " du portail du ministère de la justice dédié aux officiers publics ou ministériels attribuée à sa demande d'ouverture d'un bureau annexe et de la remplacer par la mention " acceptée " et d'enjoindre à l'Etat de lui délivrer une attestation relative à la décision implicite d'acceptation de sa demande d'ouverture de ce bureau annexe et de modifier la mention figurant dans la colonne " état de la demande " de la plateforme dédiée aux officiers publics ou ministériels (OPM) pour la remplacer par la mention " acceptée ", dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard. Elle a demandé au tribunal, d'autre part, d'annuler la décision implicite du 2 juin 2019 du garde des sceaux, ministre de la justice refusant de lui délivrer une attestation de décision implicite d'acceptation de sa demande d'ouverture d'un bureau annexe à la résidence de Villeneuve-d'Ascq et celle du 2 juin 2019 refusant de retirer la mention " R " (refusée) du portail du ministère de la justice dédié aux officiers publics ou ministériels attribuée à sa demande d'ouverture d'un bureau annexe et de la remplacer par la mention " acceptée ", à titre subsidiaire, d'annuler la décision du 5 octobre 2018 du garde des sceaux, ministre de la justice refusant de lui délivrer une autorisation d'ouverture d'un bureau annexe à la résidence de Villeneuve-d'Ascq et d'enjoindre à l'Etat de lui délivrer une attestation relative à la décision implicite d'acceptation de sa demande d'ouverture de bureau annexe en date du 17 janvier 2018 et de modifier la mention figurant dans la colonne " état de la demande " de la plateforme OPM pour la remplacer par la mention " acceptée ", dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1906139 et 1906140 du 9 octobre 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 décembre 2020 et le 16 septembre 2021, la SCP Duchange et Associés, notaires, représentée par Me Cathy Dagostino, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite du 2 juin 2019 de refus de délivrance d'une attestation de décision implicite d'acceptation de sa demande d'ouverture d'un bureau annexe à un office de notaire à la résidence de Croix et celle du même jour refusant de retirer la mention " clôturée " du portail du ministère de la justice dédié aux officiers publics ou ministériels attribuée à sa demande et de la remplacer par la mention " acceptée " ;

3°) d'annuler la décision implicite du 2 juin 2019 de refus de délivrance d'une attestation de décision implicite d'acceptation de sa demande d'ouverture d'un bureau annexe à un office notarial à la résidence de Villeneuve-d'Ascq et celle du même jour refusant de retirer la mention " R ", soit " refusée " du portail du ministère de la justice dédié aux officiers publics ou ministériels attribuée à sa demande et de la remplacer par la mention " acceptée " ;

4°) d'enjoindre à l'Etat, à titre principal, de lui délivrer une attestation relative à la décision implicite d'acceptation de sa demande du 17 janvier 2018 d'ouverture de bureau annexe à un office notarial à la résidence de Croix et de modifier la mention figurant dans la colonne " état de la demande " de la plateforme dédiée aux officiers publics ou ministériels pour la remplacer par la mention " acceptée ", dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard et de lui délivrer la même attestation pour sa demande d'ouverture d'un bureau annexe à un office notarial à la résidence de Villeneuve-d'Ascq ;

5°) d'enjoindre à l'Etat, à titre subsidiaire, de procéder à nouveau à l'instruction de ses demandes sous la même condition de délai et d'astreinte ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 45-290 du 2 novembre 1945 ;

- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

- le décret n° 71-942 du 26 novembre 1971 ;

- le décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 ;

- le décret n° 2014-1277 du 23 octobre 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, première conseillère,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me Cathy Dagostino, représentant la SCP Duchange et Associés, notaires.

Deux notes en délibéré présentées pour la SCP Duchange et Associés, notaires, ont été enregistrées les 8 et 14 décembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Titulaire d'un office notarial à Roubaix, la société civile professionnelle Duchange et Associés, notaires a déposé, le 17 novembre 2017, par le biais du portail de téléprocédures du bureau des officiers ministériels de la direction des affaires civiles et de sceau du ministère de la justice, deux demandes d'autorisation de créer un bureau annexe respectivement sur les communes de Croix et Villeneuve-d'Ascq. Les 11 et 28 mars 2019, ces demandes ont respectivement été classées sur ce portail comme clôturée et refusée. Estimant être titulaire d'une décision implicite d'acceptation d'ouverture de ces bureaux, la SCP Duchange et Associés, notaires a saisi, par lettres du 1er avril 2019, réceptionnées le 2 avril 2019, le ministre de la justice d'une demande de délivrance d'une attestation de décision implicite d'acceptation d'ouverture de ces bureaux annexes sur le fondement de l'article L. 232-3 du code des relations entre le public et d'une demande de retrait des mentions " clôturée " et " refusée " figurant dans la colonne " état de la demande " sur le portail dédié aux officiers publics ou ministériels, pour qu'elles soient remplacées par la mention " acceptée ". Ces demandes ont été implicitement rejetées. La SCP Duchange et Associés, notaires relève appel du jugement du 9 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions implicites refusant de lui délivrer une attestation de décision implicite d'acceptation d'ouverture de ces bureaux annexe et des décisions implicites de rejet de ses demandes de retrait des mentions " clôturée " et " refusée " de ses demandes sur le portail dédié aux officiers publics et ministériels.

Sur l'existence de décisions implicites d'acceptation d'ouverture de bureaux annexes à un office de notaires :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 100-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Le présent code régit les relations entre le public et l'administration en l'absence de dispositions spéciales applicables. / Sauf dispositions contraires du présent code, celui-ci est applicable aux relations entre l'administration et ses agents ". Aux termes de l'article L. 100-3 du même code : " Au sens du présent code et sauf disposition contraire de celui-ci, on entend par /: 1° Administration : les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, leurs établissements publics administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale ; / 2° Public : a) Toute personne physique ; b) Toute personne morale de droit privé, à l'exception de celles qui sont chargées d'une mission de service public lorsqu'est en cause l'exercice de cette mission. " Il résulte de ces dispositions que le code des relations entre le public et l'administration n'est pas applicable aux relations entre une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public et l'administration, lorsqu'est en cause l'exercice de cette mission, lequel se rattache au fonctionnement de ce service public. Il n'en va autrement qu'en cas de dispositions contraires de ce code.

3. D'autre part, aux termes de l'article 1er de l'ordonnance n° 45-290 du 2 novembre 1945 relative au statut des notaires : " Les notaires sont les officiers publics établis pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique, et pour en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses et expéditions ". Aux termes de l'article 2-7 du décret n°71-942 du 26 novembre 1971 visé ci-dessus : " La création ou la suppression d'un office, la transformation d'un bureau annexe en office distinct et l'ouverture ou la suppression d'un bureau annexe font l'objet d'un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. ".

4. Un office de notaires est une personne morale de droit privé chargée de la mission d'un service public pour laquelle l'application du code des relations entre le public et l'administration est exclue dans ses relations avec l'administration, lorsqu'est en cause l'exercice de sa mission. Or, la décision par laquelle le Garde des Sceaux, ministre de la justice, se prononce sur l'ouverture d'un bureau annexe à un office existant concerne le fonctionnement du service public notarial et, donc, l'exercice, par l'office de notaires, de sa mission de service public. Dès lors, les dispositions de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration, selon lesquelles le silence gardé pendant deux mois par l'administration sur une demande vaut décision d'acceptation, ne s'appliquent pas à une demande d'ouverture d'un bureau annexe. Aucune décision implicite d'acceptation n'a ainsi pu naître à la suite des demandes formées le 17 novembre 2017 par la société requérante, quand bien même celles-ci étaient régulières en la forme et complètes. Par suite, les moyens soulevés par la SCP Duchange et Associés, notaires au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation des décisions nées le 2 juin 2019 par lesquelles le Garde des Sceaux, ministre de la justice a implicitement refusé de lui délivrer des attestations de décision implicite d'acceptation d'ouverture de bureaux annexes à la résidence de Croix et à celle de Villeneuve-d'Ascq et refusé de modifier les mentions portées sur le portail des téléprocédures dédié aux officiers publics et ministériels, sont inopérants. Il en résulte que les conclusions de la requête tendant à l'annulation de ces décisions doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions implicites de rejet :

5. Aux termes de l'article 10 du décret du 26 novembre 1971 relatif aux créations, transferts et suppressions d'office de notaire modifié : " Sous réserve des dispositions des alinéas 2 et 3 ci-après, il est interdit aux notaires de recevoir eux-mêmes ou de faire recevoir par une personne à leur service leurs clients à titre habituel dans un local autre que leur étude. Ils ne peuvent établir, hors du ressort de la cour d'appel dans lequel l'étude est établie ou du ressort des tribunaux de grande instance limitrophes de celui dans le ressort duquel est établi l'office, des actes constituant la première mutation à titre onéreux de biens immobiliers ou la première cession de parts ou actions à titre onéreux d'une société d'attribution après un état descriptif de division ou un arrêté de lotissement. Il leur est interdit d'effectuer toute recherche de clientèle et tout acte de concurrence déloyale dans les conditions définies par le règlement national prévu à l'article 26 ; cette même interdiction s'applique au personnel de l'office. / Le garde des sceaux, ministre de la justice peut, à la demande du titulaire de l'office, prendre un arrêté autorisant l'ouverture d'un ou plusieurs bureaux annexes soit à l'intérieur du département, soit à l'extérieur du département dans un canton ou une commune limitrophe du canton où est établi l'office. Le ou les bureaux annexes ainsi ouverts restent attachés à l'office sans qu'il soit besoin, lors de la nomination d'un nouveau titulaire, de renouveler l'autorisation accordée ".

6. Dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par les dispositions précitées du décret du 26 novembre 1971 et, notamment, lorsqu'il est appelé à statuer sur une demande d'ouverture d'un bureau annexe, le Garde des Sceaux, ministre de la justice, doit se fonder, dans l'intérêt du service public, sur les besoins du public, la situation géographique et l'évolution démographique et économique. Dans l'appréciation de ces intérêts, il peut également tenir compte des exigences liées à la viabilité d'un office de notaire dont le maintien apparaît nécessaire.

7. En premier lieu, l'arrêté par lequel, en application des dispositions de l'article 52 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, les ministres de la justice et de l'économie fixent conjointement, sur proposition de l'Autorité de la concurrence, les zones dans lesquelles les notaires peuvent librement s'installer ainsi que le nombre d'offices à créer dans ces zones pour les deux années à venir est relatif à l'organisation du service public notarial alors que la décision par laquelle le Garde des Sceaux, ministre de la justice, se prononce sur l'ouverture d'un bureau annexe à un office existant concerne le fonctionnement du service public notarial et n'a pas, par elle-même, pour objet d'assurer son organisation. Il suit de là que si les dispositions de l'article 52 de la loi du 16 août 2015 ne sont pas applicables à l'ouverture d'un bureau annexe, l'autorité administrative doit néanmoins apprécier si les besoins du public, la situation géographique et l'évolution démographique sont de nature à justifier l'ouverture d'un bureau annexe à un endroit donné. En l'espèce, le Garde des Sceaux, ministre de la justice a tenu compte du fait que des notaires devaient s'installer au sein de la zone d'installation libre de Roubaix-Tourcoing dont dépend la commune de Croix et de la zone d'installation libre de Lille dont fait partie Villeneuve-d'Ascq et que, ni les besoins du public ni la situation géographique ni l'évolution démographique et économique ne nécessitaient l'ouverture de bureaux annexes dans ces zones. Si la société requérante fait valoir que ses demandes d'ouverture de bureaux annexes étaient fondées sur la volonté d'assurer la viabilité de l'office notarial, elle ne le justifie pas en l'absence de tout élément financier produit au soutien de ses allégations. Dans ces conditions, le Garde des Sceaux, ministre de la justice, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

8. En deuxième lieu, un office notarial déjà implanté géographiquement qui demande l'ouverture d'un bureau annexe dans une zone géographique proche ne se trouve pas dans la même situation qu'un office notarial nouvellement créé. Il suit de là que le Garde des Sceaux, ministre de la justice, en retenant le motif tiré de la préférence donnée à l'implantation de nouveaux offices, n'a pas porté atteinte au principe d'égalité ni introduit de discrimination illégale entre personnes placées dans une même situation.

9. En troisième et dernier lieu, en limitant la possibilité pour les notaires déjà installés d'ouvrir un bureau annexe dans une zone géographique proche de l'office dont ils sont titulaires, le Garde des Sceaux, ministre de la justice ne peut être regardé comme ayant porté une atteinte illégale à la liberté d'entreprendre, l'ouverture de ce bureau annexe ne concernant que le fonctionnement purement matériel de l'office. Ce moyen doit donc être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par le ministre et alors qu'aucune conclusion de la requête d'appel n'est dirigée contre la décision du 5 octobre 2018, que la SCP Duchange et Associés, notaires, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a prononcé le rejet de sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCP Duchange et Associés, notaires est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP Duchange et Associés, notaires et au ministre de la justice.

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6

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01937
Date de la décision : 21/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-03-05-03 Professions, charges et offices. - Conditions d'exercice des professions. - Professions s'exerçant dans le cadre d'une charge ou d'un office. - Notaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SOCIÉTÉ D'AVOCATS ERNST et YOUNG

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-12-21;20da01937 ?
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