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21/12/2021 | FRANCE | N°20DA01938

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 21 décembre 2021, 20DA01938


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, la SCP Duchange et Associés, notaires, titulaire d'un office de notaires à la résidence à Roubaix, a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler les décisions des 26 décembre 2016, 13 avril 2017 et 29 mai 2017 du Garde des Sceaux, ministre de la justice, refusant de lui délivrer une autorisation d'ouverture d'un bureau annexe dans les communes de Hem, Mouvaux et Wasquehal ainsi que les décisions implicite de rejet des recours gracieux formés contre ces

décisions et d'enjoindre à l'Etat de lui délivrer une attestation relativ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, la SCP Duchange et Associés, notaires, titulaire d'un office de notaires à la résidence à Roubaix, a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler les décisions des 26 décembre 2016, 13 avril 2017 et 29 mai 2017 du Garde des Sceaux, ministre de la justice, refusant de lui délivrer une autorisation d'ouverture d'un bureau annexe dans les communes de Hem, Mouvaux et Wasquehal ainsi que les décisions implicite de rejet des recours gracieux formés contre ces décisions et d'enjoindre à l'Etat de lui délivrer une attestation relative aux décisions implicites d'acceptation des 8 septembre 2016, 21 décembre 2016 et 16 janvier 2017 dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ou, à défaut, de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1902681, 1902718 et 1902860 du 9 octobre 2020, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 29 mai 2017 de refus de délivrance d'une autorisation d'ouverture d'un bureau annexe sur la commune de Wasquehal, a enjoint au ministre de la justice de prendre une décision sur la demande de la SCP et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par le même jugement, le tribunal a rejeté les conclusions des demandes enregistrées sous les n°s 1902718 et 1902860.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 décembre 2020 et le 16 septembre 2021, la SCP Duchange et Associés, notaires, représentée par Me Cathy Dagostino, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande et celles enregistrées sous les n°s 1902718 et 1902860 ;

2°) d'annuler les décisions du 26 décembre 2016 et du 13 avril 2017 de refus de délivrance d'une autorisation d'ouverture d'un bureau annexe à un office de notaire à Hem et Mouvaux, ensemble les décisions implicites de rejet de ses recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de lui délivrer une attestation relative à la décision implicite d'acceptation de sa demande d'ouverture de bureau annexe à un office notarial à Hem, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et la même attestation pour sa demande d'ouverture de bureau annexe à un office notarial à Mouvaux, sous la même condition de délai et d'astreinte ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'Etat de procéder à nouveau à l'instruction de ses demandes sous la même condition de délai et d'astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 45-290 du 2 novembre 1945 ;

- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

- le décret n° 71-942 du 26 novembre 1971 ;

- le décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 ;

- le décret n° 2014-1277 du 23 octobre 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, première conseillère,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me Cathy Dagostino, représentant la SCP Duchange et Associés, notaires.

Deux notes en délibéré, présentées pour la SCP Duchange et Associés, notaires ont été enregistrées les 8 et 14 décembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Titulaire d'un office notarial à Roubaix, la société civile professionnelle Duchange et Associés, notaires a adressé au ministre de la justice, par une lettre recommandée avec accusé de réception du 19 octobre 2016, réceptionnée le 21 octobre 206, et une autre du 7 juillet 2016, réceptionnée le 8 juillet 2016, deux demandes d'autorisation d'ouvrir un bureau annexe respectivement sur les communes de Mouvaux et de Hem. Ces demandes ont été rejetées par deux décisions en date des 26 décembre 2016 et 13 avril 2017. La SCP Duchange et Associés, notaires relève appel du jugement du 9 octobre 2020 du tribunal administratif de Lille, en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur l'existence de décisions implicites d'acceptation d'ouverture de bureaux annexes à un office de notaires :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 100-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Le présent code régit les relations entre le public et l'administration en l'absence de dispositions spéciales applicables. / Sauf dispositions contraires du présent code, celui-ci est applicable aux relations entre l'administration et ses agents ". Aux termes de l'article L. 100-3 du même code : : " Au sens du présent code et sauf disposition contraire de celui-ci, on entend par /: 1° Administration : les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, leurs établissements publics administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale ; / 2° Public : a) Toute personne physique ; b) Toute personne morale de droit privé, à l'exception de celles qui sont chargées d'une mission de service public lorsqu'est en cause l'exercice de cette mission. " Il résulte de ces dispositions que le code des relations entre le public et l'administration n'est pas applicable aux relations entre une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public et l'administration lorsqu'est en cause l'exercice de cette mission, lequel se rattache au fonctionnement de ce service public. Il n'en va autrement qu'en cas de dispositions contraires de ce code, comme par exemple pour la motivation des décisions administratives.

3. D'autre part, aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des notaires : " Les notaires sont les officiers publics établis pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique, et pour en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses et expéditions ". Aux termes de l'article 2-7 du décret du 26 novembre 1971 visé ci-dessus : " La création ou la suppression d'un office, la transformation d'un bureau annexe en office distinct et l'ouverture ou la suppression d'un bureau annexe font l'objet d'un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. ".

4. Un office de notaires est une personne morale de droit privé chargée de la mission d'un service public pour laquelle l'application du code des relations entre le public et l'administration est exclue dans ses relations avec l'administration, lorsqu'est en cause l'exercice de sa mission. Or, la décision par laquelle le Garde des Sceaux, ministre de la justice, se prononce sur l'ouverture d'un bureau annexe à un office existant concerne le fonctionnement du service public notarial et, donc, l'exercice, par l'office de notaires, de sa mission de service public. Dès lors, les dispositions de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration, selon lesquelles le silence gardé pendant deux mois par l'administration sur une demande vaut décision d'acceptation, ne s'appliquent pas à une demande d'ouverture d'un bureau annexe. Aucune décision implicite d'acceptation n'a ainsi pu naître suite aux demandes formées par la société requérante les 8 juillet 2016 et 28 octobre 2016, quand bien même celles-ci étaient régulières en la forme et complètes. Par suite, les moyens soulevés par la SCP Duchange relatifs à la naissance de décisions implicites d'acceptation sont inopérants.

Sur les autres moyens relatifs au bien-fondé des décisions contestées :

En ce qui concerne les moyens de légalité externe :

5. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent./ A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ". L'article L. 211-5 du même code précise : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

6. La SCP Duchange réitère son moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions du 26 décembre 2016 et 13 avril 2017 en litige. Toutefois, elle n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ces moyens. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 10 et 11 du jugement attaqué, de l'écarter.

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les moyens tirés de l'illégalité des décisions attaquées comme méconnaissant les dispositions de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration et comme procédant au retrait d'une décision créatrice de droit sans respecter une procédure contradictoire préalable, doivent être écartés comme inopérants.

En ce qui concerne les moyens de légalité interne :

8. Aux termes de l'article 10 du décret du 26 novembre 1971 relatif aux créations, transferts et suppressions d'office de notaire modifié : " Sous réserve des dispositions des alinéas 2 et 3 ci-après, il est interdit aux notaires de recevoir eux-mêmes ou de faire recevoir par une personne à leur service leurs clients à titre habituel dans un local autre que leur étude. Ils ne peuvent établir, hors du ressort de la cour d'appel dans lequel l'étude est établie ou du ressort des tribunaux de grande instance limitrophes de celui dans le ressort duquel est établi l'office, des actes constituant la première mutation à titre onéreux de biens immobiliers ou la première cession de parts ou actions à titre onéreux d'une société d'attribution après un état descriptif de division ou un arrêté de lotissement. Il leur est interdit d'effectuer toute recherche de clientèle et tout acte de concurrence déloyale dans les conditions définies par le règlement national prévu à l'article 26 ; cette même interdiction s'applique au personnel de l'office. / Le garde des sceaux, ministre de la justice peut, à la demande du titulaire de l'office, prendre un arrêté autorisant l'ouverture d'un ou plusieurs bureaux annexes soit à l'intérieur du département, soit à l'extérieur du département dans un canton ou une commune limitrophe du canton où est établi l'office. Le ou les bureaux annexes ainsi ouverts restent attachés à l'office sans qu'il soit besoin, lors de la nomination d'un nouveau titulaire, de renouveler l'autorisation accordée ".

9. Dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par les dispositions précitées du décret du 26 novembre 1971 et, notamment, lorsqu'il est appelé à statuer sur une demande d'ouverture d'un bureau annexe, le garde des sceaux, ministre de la justice, doit se fonder, dans l'intérêt du service public, sur les besoins du public, la situation géographique et l'évolution démographique et économique. Dans l'appréciation de ces intérêts, il peut également tenir compte des exigences liées à la viabilité d'un office de notaire dont le maintien apparaît nécessaire.

10. En premier lieu, l'arrêté par lequel, en application des dispositions de l'article 52 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, les ministres de la justice et de l'économie fixent conjointement, sur proposition de l'Autorité de la concurrence, les zones dans lesquelles les notaires peuvent librement s'installer ainsi que le nombre d'offices à créer dans ces zones pour les deux années à venir est relatif à l'organisation du service public notarial alors que la décision par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, se prononce sur l'ouverture d'un bureau annexe à un office existant concerne le fonctionnement du service public notarial et n'a pas, par elle-même, pour objet d'assurer son organisation. Il suit de là que si les dispositions de l'article 52 de la loi du 16 août 2015 ne sont pas applicables à l'ouverture d'un bureau annexe, l'autorité administrative doit néanmoins apprécier si les besoins du public, la situation géographique et l'évolution démographique sont de nature à justifier l'ouverture d'un bureau annexe à un endroit donné. En l'espèce, l'autorité administrative a tenu compte de ce que pour la zone d'installation libre n° 251 Roubaix-Tourcoing à laquelle appartient la commune de Mouvaux, étaient prévues la création d'au moins six offices et l'installation d'au moins dix nouveaux professionnels libéraux et que pour la zone d'installation libre n° 169 Lille à laquelle appartient la commune de Hem, était prévue la création d'au moins treize offices et l'installation d'au moins vingt-deux nouveaux professionnels libéraux et indiqué qu'il était souhaitable de privilégier dans un premier temps l'implantation d'offices de notaire et de réserver l'ouverture de bureaux annexes aux villes qui ne bénéficieraient pas d'une présence notariale suffisante. Le Garde des Sceaux, ministre de la justice a ainsi considéré que ni les besoins du public ni la situation géographique ni l'évolution démographique et économique ne nécessitaient l'ouverture de bureaux annexes dans ces zones. Si la société requérante fait valoir que ses demandes d'ouverture de bureaux annexes étaient fondées sur la volonté d'assurer la viabilité de l'office notarial, elle ne le justifie pas en l'absence de tout élément financier produit au soutien de ses allégations. Dans ces conditions, le garde des sceaux, ministre de la justice, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

11. En deuxième lieu, un office notarial déjà implanté géographiquement qui demande l'ouverture d'un bureau annexe dans une zone géographique proche ne se trouve pas dans la même situation qu'un office notarial nouvellement créé. Il suit de là que le garde des sceaux, ministre de la juste n'a pas porté atteinte au principe d'égalité ni introduit de discrimination illégale entre personnes se trouvant dans la même situation.

12. En troisième et dernier lieu, en limitant la possibilité pour les notaires déjà installés d'ouvrir un bureau annexe dans une zone géographique proche de l'office dont ils sont titulaires, le Garde des Sceaux, ministre de la justice ne peut être regardé comme ayant porté une atteinte illégale à la liberté d'entreprendre, l'ouverture de ce bureau annexe ne concernant que le fonctionnement purement matériel de l'office. Ce moyen doit donc être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SCP Duchange et Associés, notaires n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCP Duchange et Associés, notaires est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP Duchange et Associés, notaires et au ministre de la justice.

1

2

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01938
Date de la décision : 21/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-03-05-03 Professions, charges et offices. - Conditions d'exercice des professions. - Professions s'exerçant dans le cadre d'une charge ou d'un office. - Notaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SOCIÉTÉ D'AVOCATS ERNST et YOUNG

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-12-21;20da01938 ?
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