La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/02/2022 | FRANCE | N°19DA01737

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 10 février 2022, 19DA01737


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise de droit portugais VJ Trans.Fer a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1705198 du 24 mai 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 juillet 2019 et le 5 juillet 2020, l'e

ntreprise VJ Trans.Fer, représentée par Me Delattre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise de droit portugais VJ Trans.Fer a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1705198 du 24 mai 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 juillet 2019 et le 5 juillet 2020, l'entreprise VJ Trans.Fer, représentée par Me Delattre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens, y compris les droits de plaidoirie.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre la France et le Portugal tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu, signée à Paris le 14 janvier 1971, ainsi que le protocole qui y est annexé ;

- la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Delattre, représentant l'entreprise VJ Trans.Fer.

Une note en délibéré présentée pour l'entreprise VJ Trans.Fer, par Me Delattre, a été enregistrée le 29 janvier 2022.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise de droit portugais VJ Trans.Fer a pour dirigeant et exploitant M. A... B.... Cette entreprise ayant été regardée par l'administration comme disposant d'un établissement stable en France, elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2013. A l'issue de ce contrôle, l'administration a estimé que cette entreprise s'était livrée, à partir de son établissement stable situé en France et par M. B..., à l'exercice d'une activité occulte d'agent commercial pour le compte de la société à responsabilité limitée (SARL) Rayonnages de France, qui a son siège à Roubaix (Nord), où cette dernière a exercé, jusqu'au 31 juillet 2009, une activité de fabrication et de commercialisation de rayonnages et dont le gérant est M. B.... L'administration a, en outre, estimé que ces prestations devaient être assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée. L'administration, qui a entendu faire usage du droit de reprise allongé prévu à l'article L. 176 du livre des procédures fiscales en cas de découverte d'une activité occulte, a fait connaître à l'entreprise VJ Trans.Fer sa position par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 21 décembre 2015, selon la procédure de taxation d'office. L'entreprise VJ Trans.Fer a présenté des observations qui n'ont pas amené l'administration à revoir son appréciation sur sa situation. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant des rehaussements notifiés en ce qui concerne la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2013 ont été mis en recouvrement le 16 août 2016, à hauteur de 41 095 euros en droits et de 43 783 euros en pénalités. Sa réclamation ayant été rejetée, l'entreprise VJ Trans.Fer a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2013. Elle relève appel du jugement du 24 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe, en principe, à l'administration, saisie d'une demande en ce sens formulée, avant la mise en recouvrement des impositions, par le contribuable, dûment informé de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus par le service auprès de tiers pour fonder ces impositions, de communiquer à ce contribuable les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux rectifications. Sauf impossibilité justifiée, liée notamment au secret professionnel, ces documents ou copies de document doivent être communiqués au contribuable dans leur version intégrale, afin de mettre celui-ci à même d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée.

3. Il est constant que, dans le cadre de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet l'entreprise VJ Trans.Fer, le service a adressé une demande de renseignements à l'administration fiscale portugaise aux fins, notamment, de recueillir les données en sa possession en ce qui concernait cette entreprise et la société VJ Transfer LDA, société de droit portugais, dont les associés sont M. B... et son fils, et qu'une réponse a été apportée à cette demande le 3 septembre 2014. Toutefois, il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification adressée le 21 décembre 2015 à l'entreprise VJ Trans.Fer que l'activité exercée par cette entreprise auprès de la SARL Rayonnages de France a été découverte par l'administration lors de la vérification de comptabilité dont cette dernière société a fait l'objet, au cours de laquelle il est apparu que ces deux entités avaient conclu, le 12 juin 2003, un contrat d'agent commercial régi par les articles L. 134-1 et suivants du code de commerce. En outre, il ressort de cette proposition de rectification que, lors du contrôle dont elle a fait l'objet, l'entreprise VJ Trans.Fer a mis à la disposition du vérificateur les doubles des factures qu'elle avait adressées à la SARL Rayonnages de France, durant la période allant du 1er juin 2006 au 31 décembre 2013, en exécution du contrat qui les liait. Enfin, il ressort des termes mêmes de cette proposition de rectification que, lors du débat oral et contradictoire qui s'est tenu avec le vérificateur dans les locaux de la SARL Rayonnages de France à Roubaix, M. B..., agissant en tant que représentant de l'entreprise VJ Trans.Fer, a précisé que cette dernière ne disposait pas de moyens d'exploitation propres dans les locaux de son siège au Portugal, lesquels correspondaient à une adresse de domiciliation, mais que, pour les besoins de l'exercice de l'activité de cette société en France, qu'il assurait personnellement auprès de la SARL Rayonnages de France, cette dernière mettait à la disposition de l'entreprise VJ Trans.Fer des moyens d'exploitation, à savoir des locaux et une ligne téléphonique, et qu'elle prenait en charge les dépenses liées aux visites à la clientèle. Ces éléments ont suffi, par eux-mêmes, au service vérificateur, indépendamment de la réponse apportée par l'administration fiscale portugaise, pour retenir que l'entreprise VJ Trans.Fer exerçait, au sein d'un établissement stable situé en France, une activité d'agent commercial assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée. Il s'ensuit que l'administration n'a, en réalité, pas établi les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige en se fondant sur les documents et renseignements obtenus de l'administration fiscale portugaise. Ainsi, et dès lors que l'obligation de communication posée par les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne pèse qu'en ce qui concerne les documents contenant des informations sur le fondement desquelles les rehaussements ont été établis, l'administration, quand bien même elle n'aurait pas été fondée à se prévaloir du secret professionnel, a pu, sans commettre d'irrégularité de procédure ni méconnaître cette obligation, ne communiquer à l'entreprise VJ Trans.Fer, en réponse à sa demande, qu'une synthèse des renseignements obtenus de l'administration fiscale portugaise et non les documents contenant ces renseignements, ni les pièces qui y étaient jointes.

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2009 :

4. D'une part, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / (...) ". En outre, aux termes de l'article 259 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle. ". Pour l'application de ces dispositions, qui résultent de la transposition en droit interne de l'article 9 de la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, il convient, comme la Cour de justice des Communautés européennes l'a jugé notamment dans ses arrêts Berkholz du 4 juillet 1985 (C-168/84, points 17 et 18) et ARO Lease BV du 17 juillet 1997 (C-190/95, points 15 et 16), de déterminer le point de rattachement des services rendus afin d'établir le lieu des prestations de services. L'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique apparaît comme un point de rattachement prioritaire, la prise en considération d'un autre établissement à partir duquel la prestation de services est rendue ne présentant un intérêt que dans le cas où le rattachement au siège ne conduit pas à une solution rationnelle du point de vue fiscal ou crée un conflit avec un autre Etat membre. Un établissement ne peut être utilement regardé, par dérogation au critère prioritaire du siège, comme lieu des prestations de services d'un assujetti, que s'il présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées.

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 134-1 du code de commerce : " L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale. / (...) ".

6. Ainsi qu'il a été dit au point 3, les vérifications de comptabilité dont la SARL Rayonnages de France et l'entreprise VJ Trans.Fer ont fait l'objet ont permis à l'administration de constater que cette dernière avait facturé à la première, durant la période allant du 1er juin 2006 au 31 décembre 2013, des prestations d'agent commercial en exécution d'un contrat conclu par ceette société et cette entreprise, le 12 juin 2003, sur le fondement des articles L. 134-1 et suivants du code de commerce. Aux termes de ce contrat, auquel le vérificateur a eu accès, la SARL Rayonnages de France a confié, en exclusivité, à l'entreprise VJ Trans.Fer le mandat de vendre en France, auprès d'une clientèle de professionnels du secteur et d'entreprises, les produits qu'elle fabriquait et commercialisait. Ce même contrat prévoit le versement à l'entreprise VJ Trans.Fer, en contrepartie de ses prestations, de commissions déterminées au cas par cas, M. B... ayant précisé au vérificateur, au cours du débat oral et contradictoire, que ces commissions étaient, dans les faits, égales à 1,65 % du chiffre d'affaires annuel global réalisé par la SARL Rayonnages de France. En outre, M. B... a indiqué au vérificateur que, l'entreprise VJ Trans.Fer ne disposant d'aucun moyen d'exploitation à l'adresse de son siège social situé au Portugal et n'employant aucun salarié, les prestations visées par ce contrat étaient exclusivement réalisées par ses soins et en France, où il était présent de manière permanente jusqu'au 1er août 2009, puis, à partir de cette date, durant une partie de son temps, l'autre partie de son temps étant passée au Portugal. M. B... a d'ailleurs précisé que ces prestations étaient réalisées en utilisant les moyens d'exploitation mis à sa disposition par la SARL Rayonnages de France, à savoir notamment des locaux et une ligne téléphonique. Enfin, ces éléments, d'ailleurs non sérieusement contestés, sont corroborés par ceux recueillis par l'administration dans le cadre de la vérification de comptabilité dont la SARL Rayonnages de France a fait l'objet, qui a permis d'établir que cette société avait inscrit en comptabilité, en tant que charges, des dépenses liées à des déplacements, à des missions et à des réceptions auxquels avait pris part, en France, M. B..., pour les besoins des relations avec des clients, c'est-à-dire nécessairement dans le cadre de l'exécution du contrat d'agent commercial conclu en exclusivité avec l'entreprise VJ Trans.Fer, sans qu'ait d'incidence, à cet égard, le fait, à le supposer établi, que M. B... se serait exclusivement présenté, auprès de la clientèle, comme le gérant de la SARL Rayonnages de France.

7. Par ces indices concordants, l'administration était fondée à estimer que l'entreprise VJ Trans.Fer, qui, en l'absence de tout élément contraire, doit être regardée comme assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, disposait, au cours de la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2009, d'un établissement stable situé en France, dans les locaux mis à sa disposition, de manière permanente, par la SARL Rayonnages de France, à partir duquel elle avait réalisé, à titre onéreux en France, des prestations commerciales au bénéfice d'un assujetti agissant en tant que tel et ayant lui-même en France le siège de son activité économique, c'est-à-dire entrant, en application des dispositions précitées des articles 256 et 259 du code général des impôts, dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée. Ainsi, l'entreprise VJ Trans.Fer n'est pas fondée à soutenir que les sommes perçues par elle de la SARL Rayonnages de France ont la nature de libéralités exclues du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. L'entreprise VJ Trans.Fer soutient qu'un contrat de même objet que celui conclu par elle le 12 juin 2003 avec la SARL Rayonnages de France a été conclu par cette dernière, le 3 janvier 2008, avec la société VJ Transfer LDA. Toutefois, il ressort des éléments non contestés recueillis par l'administration au cours de la vérification de comptabilité dont la SARL Rayonnages de France a fait l'objet, que, d'une part, le contrat du 3 janvier 2008 dont il est fait état n'a pas été présenté au vérificateur, que, d'autre part, la société VJ Transfer LDA, qui l'aurait conclu, n'a été créée que le 12 mars 2008, au demeurant non pour assister commercialement la SARL Rayonnages de France mais pour assurer la délocalisation au Portugal du site de production dont disposait cette dernière en France et dont la pérennité était menacée par un projet de réurbanisation de sa zone d'implantation. Enfin, aucun élément de l'instruction ne permet d'établir que le contrat d'agent commercial conclu le 12 juin 2003 entre la SARL Rayonnages de France et l'entreprise VJ Trans.Fer aurait été résilié. Dès lors, l'administration était fondée à regarder l'entreprise VJ Trans.Fer comme assujettie en France à la taxe sur la valeur ajoutée à raison des prestations d'agent commercial réalisées par elle depuis son établissement stable en France, au cours de la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2009, au bénéfice de la SARL Rayonnages de France et à rappeler, selon la procédure de taxation d'office, en application du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, en l'absence de souscription de ses déclarations par l'entreprise VJ Trans.Fer, la taxe sur la valeur ajoutée dont celle-ci était redevable à ce titre.

En ce qui concerne la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013 :

8. Aux termes de l'article 259 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009, applicable à compter du 1er janvier 2010 : " Le lieu des prestations de services est situé en France : / 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : / a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; / b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; / c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle ; / (...) ".

9. Du fait des indices concordants exposés au point 6, l'administration était fondée à estimer que la SARL Rayonnages de France, assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, et qui disposait en France, au cours de la période la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013, du siège de son activité économique, avait bénéficié, de la part de l'entreprise VJ Trans.Fer, de prestations commerciales effectuées à titre onéreux entrant, en application des dispositions précitées des articles 256 et 259 du code général des impôts, dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée. Ainsi, l'entreprise VJ Trans.Fer n'est pas fondée à soutenir que les sommes perçues par elle de la SARL Rayonnages de France ont la nature de libéralités exclues du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Dès lors, l'administration a regardé à bon droit l'entreprise VJ Trans.Fer comme assujettie en France à la taxe sur la valeur ajoutée à raison des prestations d'agent commercial réalisées par elle, au cours de la période la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013, au bénéfice de la SARL Rayonnages de France et était fondée à rappeler, selon la procédure de taxation d'office, en application du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, en l'absence de souscription de ses déclarations par l'entreprise VJ Trans.Fer, la taxe sur la valeur ajoutée dont celle-ci était redevable à ce titre.

En ce qui concerne l'invocation de la convention fiscale franco-portugaise :

10. Aux termes de l'article 5 de la convention signée entre la France et le Portugal du 14 janvier 1971 dans le but d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : / (...) / b) Une succursale ; / c) Un bureau ; / (...) / 4. Une personne agissant dans un Etat contractant pour le compte d'une entreprise de l'autre Etat contractant, autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant, visé au paragraphe 6, est considérée comme " établissement stable " dans le premier Etat si elle dispose dans cet Etat de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, à moins que l'activité de cette personne ne soit limitée à l'achat de marchandises pour l'entreprise. / (...) ". Aux termes de l'article 7 de la même convention : "1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable. / (...) ".

11. Du fait des indices concordants exposés au point 6, l'administration était fondée à estimer que l'entreprise VJ Trans.Fer disposait, au cours des années d'imposition en litige, d'une installation fixe d'affaires, au sens des stipulations précitées de la convention fiscale franco-portugaise, correspondant aux locaux mis à sa disposition, de manière permanente, par la SARL Rayonnages de France, et à partir desquels M. B..., son dirigeant et seul associé ayant en ces qualités pouvoir pour l'engager à l'égard des tiers, a agi en son nom et pour son compte. Par suite, l'administration était également fondée à retenir que l'entreprise VJ Trans.Fer disposait ainsi, au sens donné par ces stipulations, d'un établissement stable en France à partir duquel l'essentiel de ses activités, consistant en l'accomplissement des prestations d'agent commercial facturées à son seul client, la SARL Rayonnages de France, ont été réalisées. Dès lors, au regard tant de la loi fiscale que des stipulations précitées des articles 5 et 7 de la convention franco-portugaise, l'entreprise VJ Trans.Fer a été, à bon droit, regardée comme disposant en France d'un établissement stable et comme étant, par suite, taxable dans ce pays à raison des prestations commerciales qu'elle a effectuées à partir de cet établissement.

En ce qui concerne le délai de reprise :

12. En vertu du c) du 2 de l'article 269 du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée est, en principe, exigible, s'agissant des prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. En outre, aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts (...) lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. / (...) ".

13. Il est constant, d'une part, que l'entreprise VJ Trans.Fer n'a pas souscrit en France de déclaration de chiffre d'affaires durant la période vérifiée, allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2013, alors que l'activité d'agent commercial à laquelle elle s'est livrée, durant cette période, depuis un établissement stable dont elle disposait en France était, comme il a été dit aux points 6 à 11, assujettie, dans ce pays, à la taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part, que cette société ne s'est pas davantage fait connaître, à raison de cette activité, auprès d'un centre de formalités des entreprises, ni du greffe du tribunal de commerce territorialement compétent. L'entreprise VJ Trans.Fer doit ainsi être regardée comme ayant exercé en France, au cours de la période vérifiée, une activité occulte au sens des dispositions précitées de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales. En conséquence, pour rappeler la taxe sur la valeur ajoutée dont l'entreprise VJ Trans.Fer était redevable à raison de cette activité, l'administration était fondée à se prévaloir du délai de reprise de dix années à compter de la date d'exigibilité de la taxe, tel que prévu par ces dispositions.

Sur les pénalités :

14. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. / (...) ".

15. L'administration a assorti les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige de la majoration de 80 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts. Pour justifier cette majoration, le service a fait valoir, dans la proposition de rectification adressée le 21 décembre 2015 à l'entreprise VJ Trans.Fer, d'une part, que celle-ci n'avait souscrit, au titre de l'activité d'agent commercial qu'elle a exercée en France au cours de la période d'imposition en litige, aucune des déclarations de chiffre d'affaires auxquelles elle était tenue, d'autre part, que cette activité présentait un caractère occulte, en l'absence de telles déclarations, alors que l'entreprise VJ Trans.Fer ne s'était fait connaître, à raison de l'exercice de cette activité, ni d'un centre de formalités des entreprises ni du greffe du tribunal de commerce territorialement compétent. Or, il résulte de ce qui a été dit au point 13 que ces éléments, au demeurant non contestés, sont fondés. Dans ces conditions, l'administration justifie, comme la charge lui en incombe, le bien-fondé de cette majoration.

16. Il résulte de tout ce qui précède que l'entreprise VJ Trans.Fer n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi, en tout état de cause, que ses conclusions afférentes aux dépens de l'instance doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'entreprise VJ Trans.Fer est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise VJ Trans.Fer et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

1

2

N°19DA01737


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01737
Date de la décision : 10/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Droit de communication.

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Prescription.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables - Territorialité.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DELATTRE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-02-10;19da01737 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award