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17/03/2022 | FRANCE | N°21DA00867

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 17 mars 2022, 21DA00867


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sushi Lille Bettignies a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 13 août 2018 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rejeté son recours gracieux formé à l'encontre de la décision du 14 juin 2018 par laquelle la même autorité a mis à sa charge la somme de 14 160 euros au titre de la contribution spéciale et la somme de 2 309 euros au titre de la contribution forfaitaire aux frais de réacheminement, de condamner l'Of

fice français de l'immigration et de l'intégration au paiement des dépens et d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sushi Lille Bettignies a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 13 août 2018 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rejeté son recours gracieux formé à l'encontre de la décision du 14 juin 2018 par laquelle la même autorité a mis à sa charge la somme de 14 160 euros au titre de la contribution spéciale et la somme de 2 309 euros au titre de la contribution forfaitaire aux frais de réacheminement, de condamner l'Office français de l'immigration et de l'intégration au paiement des dépens et de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1808419 du 7 avril 2021 le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 avril 2021, la société Sushi Lille Bettignies, représentée par Me Watel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 13 août 2018 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rejeté son recours gracieux formé à l'encontre de la décision du 14 juin 2018 par laquelle la même autorité a mis à sa charge la somme de 14 160 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la somme de 2 309 euros au titre de la contribution forfaitaire aux frais de réacheminement ;

3°) de condamner l'Office français de l'immigration et de l'intégration au paiement des dépens ;

4°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,

- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Lors d'un contrôle effectué le 4 juillet 2017, dans l'établissement " Planet sushi " exploité par la société Sushi Lille Bettignies, situé place Louise de Bettignies à Lille, les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France ont constaté la présence, en situation de travail, de M. C..., ressortissant sri lankais, et de M. B... A..., ressortissant bangladais, tous deux dépourvus de titre de séjour les autorisant à travailler. L'Office français de l'immigration et de l'intégration a informé le 2 février 2018, la société Sushi Lille Bettignies qu'elle était susceptible de se voir appliquer la contribution spéciale et la contribution forfaitaire. Le 14 juin 2017, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, après avoir recueilli les observations de la société requérante, a décidé de lui appliquer la contribution spéciale pour un montant 14 160 euros et la contribution forfaitaire aux frais de réacheminement pour un montant de 2 309 euros. Le 18 juillet 2017, la société Sushi Lille Bettignies a formé un recours gracieux contre cette décision, qui a été rejeté le 13 août 2018. Par un jugement n° 1808419 du 7 avril 2021 le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant notamment à l'annulation de la décision du 13 août 2018. La société Sushi Lille Bettignies relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-8 de ce code : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ". Aux termes de l'article R. 8253-2 de ce code : " I. -Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 323112. / II.- Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7./ III.- Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-3 de ce code : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ". Aux termes de l'article R. 8252-6 de ce code : " L'employeur d'un étranger non autorisé à travailler s'acquitte par tout moyen, dans le délai mentionné à l'article L. 8252-4, des salaires et indemnités déterminés à l'article L. 8252-2. Il remet au salarié étranger sans titre les bulletins de paie correspondants, un certificat de travail ainsi que le solde de tout compte. Il justifie, auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par tout moyen, de l'accomplissement de ses obligations légales ". Enfin, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine (...) ". Il en résulte que l'employeur d'un travailleur étranger non muni d'un titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France s'expose à deux types de sanctions administratives, la première étant celle prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, nommée " contribution spéciale ", versée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, d'un montant minorable ou majorable mais égal, en principe, au plus, à cinq mille fois le taux horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance par travailleur concerné, soit 17 600 euros et la seconde, prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable en l'espèce, dite " contribution forfaitaire ", étant encourue lorsque le travailleur étranger est, en outre, en situation irrégulière et représentative des frais de réacheminement de ce dernier.

3. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue par les dispositions précitées de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient, également, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur.

4. Il résulte de l'instruction, et en particulier du procès-verbal, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, établi le 21 novembre 2017 par le contrôleur du travail à la suite du contrôle effectué le 4 juillet 2017 dans l'établissement de restauration rapide " Planet Sushi " situé place Louise de Bettignies à Lille, que M. C..., de nationalité sri lankaise, et de M. B... A..., de nationalité bangladaise, ont été découverts travaillant dans les cuisines de l'établissement tout en étant démunis de titre de séjour les autorisant à travailler sur le territoire national. La matérialité des faits reprochés est donc établie.

5. La société Sushi Lille Bettignies ne conteste pas sérieusement ne pas avoir effectué de démarches pour s'assurer que M. C... disposait d'un titre l'autorisant à travailler. Elle soutient en revanche qu'elle a été abusée par M. B... A... qui lui aurait présenté, par usurpation d'identité, un titre de séjour et une autorisation de travailler apparemment réguliers. Mais le procès-verbal de constat relève que le gérant de la société requérante a déclaré, le 7 juillet 2018, qu'il avait embauché les deux travailleurs sur présentation pour l'un, d'un passeport sri lankais et d'une attestation de sécurité sociale et, pour l'autre, d'une attestation de dépôt d'une demande exceptionnelle au séjour. Cette déclaration mentionnée par ce procès-verbal contredit les allégations présentées en appel relatives aux informations communiquées par M. B... A.... Le gérant de la société appelante ne s'est donc pas assuré que ce salarié disposait d'un document de nature à justifier d'une autorisation de travail. Elle ne peut utilement invoquer le fait que les deux ressortissants étrangers souhaitaient s'intégrer dans la société française et qu'ils auraient déposé des demandes de titre de séjour. Aussi, l'Office français de l'immigration et de l'intégration pouvait légalement sanctionner la société Sushi Lille Bettignies pour l'emploi irrégulier de ces deux ressortissants étrangers.

6. Dès lors que ces deux salariés avaient fait l'objet d'immatriculation auprès des organismes sociaux avec règlement des cotisations y afférentes, la société Sushi Lille Bettignies a bénéficié de la minoration de la contribution prévue par l'article R. 8253-2 du code du travail et le montant de la contribution spéciale qui lui a été notifié a été ramené à deux mille fois le taux horaire du minimum garanti. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à la charge de la société Sushi Lille Bettignies les contributions mentionnées au point 1.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sushi Lille Bettignies n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Sushi Lille Bettignies demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société Sushi Lille Bettignies une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Sushi Lille Bettignies est rejetée.

Article 2 : La société Sushi Lille Bettignies versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sushi Lille Bettignies et au directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

2

N° 21DA00867


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00867
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. - Emploi des étrangers. - Mesures individuelles. - Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : WATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-03-17;21da00867 ?
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