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07/04/2022 | FRANCE | N°21DA01477

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 07 avril 2022, 21DA01477


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CGT des travailleurs de Renault Sandouville a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie du 27 décembre 2018 par laquelle celui-ci a annulé la décision du 11 octobre 2018 de l'inspectrice du travail de la section 76-4-3 de la Seine-Maritime ordonnant le retrait de la note de service édictée par l'établissement Renault de Sandouville,

le 12 octobre 2016, relative au port des équipements de protection indi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CGT des travailleurs de Renault Sandouville a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie du 27 décembre 2018 par laquelle celui-ci a annulé la décision du 11 octobre 2018 de l'inspectrice du travail de la section 76-4-3 de la Seine-Maritime ordonnant le retrait de la note de service édictée par l'établissement Renault de Sandouville, le 12 octobre 2016, relative au port des équipements de protection individuelle contre le bruit, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900593 du 12 mai 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 28 juin, 25 novembre et 21 décembre 2021, le syndicat CGT des travailleurs de Renault Sandouville, représenté par Me Berbra, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie du 27 décembre 2018 par laquelle celui-ci a annulé la décision du 11 octobre 2018 de l'inspectrice du travail de la section 76-4-3 de la Seine-Maritime ordonnant le retrait de la note de service édictée par l'établissement Renault de Sandouville, le 12 octobre 2016, relative au port des équipements de protection individuelle contre le bruit ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la décision contestée est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que la note de service du 12 octobre 2016 a été édictée en méconnaissance des dispositions des articles L. 1321-4 et L. 1321-5 du code du travail relatifs à la consultation des instances représentatives du personnel ; en outre, les procédures prévues par les articles R. 1321-2, R. 4323-97 et R. 4434-8 du même code n'ont pas davantage été respectées ;

- elle méconnaît les dispositions du code du travail relatives à la prévention du bruit dès lors que le port de protections auditives individuelles ne pouvait être rendu obligatoire sans évaluation préalable des risques et sans établir l'impossibilité de recourir à des solutions alternatives.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 novembre et 15 décembre 2021, la société Renault, représentée par Me El Aougri, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du syndicat CGT des travailleurs de Renault Sandouville au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête est irrecevable en l'absence de qualité à agir du syndicat appelant et qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 16 décembre 2021, la clôture de l'instruction a été reportée au 17 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me Berbra pour le syndicat CGT des travailleurs de Renault Sandouville et de Me El Aougri pour la société Renault.

Considérant ce qui suit :

1. À la suite de l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2016, de nouvelles normes en matière de pénibilité définies par loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, la direction de l'établissement Renault de Sandouville a décidé, par une note de service du 12 octobre 2016, d'étendre l'obligation de port de bouchons d'oreille à tous les ateliers de production et de réparation de l'usine, en estimant dépassé le seuil d'exposition à un bruit d'au moins 81 décibels. Saisie par le syndicat CGT des travailleurs de Renault Sandouville, l'inspectrice du travail de la section 76-4-3 de l'unité départementale de la Seine-Maritime a, par deux décisions du 11 octobre 2018, d'une part, demandé le mesurage, par un organisme accrédité, du niveau d'exposition au bruit et du niveau de pression acoustique de crête dans les ateliers où le port des bouchons d'oreilles n'était jusqu'alors pas obligatoire, et, d'autre part, imposé à l'établissement le retrait de la disposition relative à la généralisation du port des équipements de protection individuelle contre le bruit. Le 29 octobre 2018, le directeur de l'établissement a formé un recours hiérarchique auprès du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie contre ces décisions. Par deux décisions du 27 décembre 2018, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie a, d'une part, confirmé la demande tenant au mesurage de l'exposition au bruit et, d'autre part, annulé la décision de l'inspectrice du travail imposant à la direction de l'établissement Renault de Sandouville le retrait de la disposition relative au port des bouchons d'oreille. Le syndicat CGT des travailleurs de Renault Sandouville relève appel du jugement du 12 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette seconde décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le cadre juridique du litige :

2. Aux termes de l'article L. 1322-1 du code du travail, figurant dans le chapitre II " contrôle administratif et juridictionnel " du titre II " règlement intérieur " : " L'inspecteur du travail peut à tout moment exiger le retrait ou la modification des dispositions contraires aux articles L. 1321-1 à L. 1321-3 et L. 1321-6 ". Aux termes de l'article L. 1321-5 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date d'édiction de la note de service du 12 octobre 2016 : " Les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières mentionnées aux articles L. 1321-1 et L. 1321-2 sont, lorsqu'il existe un règlement intérieur, considérées comme des adjonctions à celui-ci. Ils sont, en toute hypothèse, soumis aux dispositions du présent titre. / Toutefois, lorsque l'urgence le justifie, les obligations relatives à la santé et à la sécurité peuvent recevoir application immédiate. Dans ce cas, ces prescriptions sont immédiatement et simultanément communiquées aux secrétaires du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et du comité d'entreprise ainsi qu'à l'inspection du travail ".

3. Il résulte de la note de service du 12 octobre 2016 édictée par la direction de l'établissement Renault de Sandouville qu'elle prévoit, pour limiter l'exposition effective au bruit de ses salariés, la mise à disposition et le port obligatoire de protecteurs auditifs individuels dans tous les ateliers de production et de réparation automobile. Cette obligation, qui ne saurait être regardée comme une simple modalité d'application du règlement intérieur, doit être regardée, en application des dispositions précitées de l'article L. 1321-5 du code du travail, comme comportant des obligations générales et permanentes en matière de santé et de sécurité dans l'établissement et, par suite, comme constituant une adjonction au règlement intérieur. Au demeurant, l'article 2.2 " sécurité " du règlement intérieur de l'établissement Renault de Sandouville mentionne expressément que des notes de service peuvent venir le compléter. Dans ces conditions, l'administration du travail était compétente pour exercer son contrôle, prévu par les dispositions précitées de l'article L. 1322-1 du code du travail, sur cette note de service.

En ce qui concerne la légalité externe :

4. Aux termes de l'article L. 1321-4 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à la date d'édiction de la note de service du 12 octobre 2016 : " Le règlement intérieur ne peut être introduit qu'après avoir été soumis à l'avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, à l'avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. (...) ".

5. Il ressort de la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie du 27 décembre 2018 en litige que celle-ci vise les dispositions applicables du code du travail et relève que les résultats de mesurage du bruit, réalisés au sein de l'établissement Renault de Sandouville, ne permettent pas d'établir avec certitude que les valeurs limites d'exposition fixées à l'article R. 4431-2 du code du travail sont respectées et qu'ainsi la généralisation du port des équipements de protection individuelle contre le bruit constitue une mesure de prévention permettant de satisfaire aux obligations prévues par le code du travail en attendant que soient connus les résultats de mesurages permettant de définir les mesures de protection collective. En particulier, et contrairement à ce que soutient le syndicat appelant, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie n'était pas tenu de se prononcer sur le respect par la société Renault d'une éventuelle consultation des instances représentatives du personnel, en vertu des dispositions des articles L. 1321-4 et L. 1321-5 du code du travail, dès lors que ces dispositions n'entrent pas dans le périmètre du contrôle réalisé par l'administration du travail sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 1322-1 du code du travail. La décision en litige comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 1321-2 du code du travail : " Le règlement intérieur est déposé, en application du deuxième alinéa de l'article L. 1321-4, au greffe du conseil de prud'hommes du ressort de l'entreprise ou de l'établissement ". Aux termes de l'article R. 4323-97 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date d'édiction de la note de service du 12 octobre 2016 : " L'employeur détermine, après consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les conditions dans lesquelles les équipements de protection individuelle sont mis à disposition et utilisés, notamment celles concernant la durée de leur port. Il prend en compte la gravité du risque, la fréquence de l'exposition au risque, les caractéristiques du poste de travail de chaque travailleur, et les performances des équipements de protection individuelle en cause ". Aux termes de l'article R. 4434-8 du même code : " Les protecteurs auditifs individuels sont choisis de façon à éliminer le risque pour l'ouïe ou à le réduire le plus possible. Ils sont choisis après avis des travailleurs intéressés, du médecin du travail et, éventuellement, des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale et des organismes de santé, de sécurité et des conditions de travail mentionnés à l'article L. 4643-1 ".

7. Il résulte des termes mêmes de l'article L. 1322-1 du code du travail cité au point 2 que l'administration du travail ne pouvait se prononcer sur la note de service du 12 octobre 2016 qu'au regard des articles L. 1321-1 à L. 1321-3 et L. 1321-6 de ce code. Dès lors, il n'appartenait ni à l'inspectrice du travail, ni au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie de se prononcer sur une éventuelle méconnaissance des dispositions des articles L. 1321-4 et L. 1321-5 du même code relatives à la consultation des instances représentatives du personnel. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît ces articles doit être écarté comme étant inopérant. Pour le même motif, le moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 1321-2 et R. 4323-97 du code du travail doit également être écarté. Enfin, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 4434-8 du même code doit aussi être écarté comme étant inopérant dès lors que la régularité de la procédure de choix des protecteurs auditifs individuels est sans incidence sur le principe de la généralisation du port des équipements de protection individuelle contre le bruit décidé par la note de service du 12 octobre 2016.

8. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 1321-1 du code du travail : " Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l'employeur fixe exclusivement : 1° Les mesures d'application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l'entreprise ou l'établissement, notamment les instructions prévues à l'article L.4122-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 1321-3 de ce code : " Le règlement intérieur ne peut contenir : (...) 2° Des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché (...) ". Aux termes de l'article L. 4121-1 du même code : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ". Aux termes de l'article L. 4121-2 du même code : " L'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités (...) ; 8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs ". Aux termes de l'article L. 4122-1 du même code : " Conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d'en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail. / Les instructions de l'employeur précisent, en particulier lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d'utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des tâches à accomplir (...) ".

9. D'autre part, l'article R. 4431-2 du code du travail dispose que : " Les valeurs limites d'exposition et les valeurs d'exposition déclenchant une action de prévention sont fixées dans le tableau suivant : 1° Valeurs limites d'exposition - Niveau d'exposition quotidienne au bruit de 87 dB (A) ou niveau de pression acoustique de crête de 140 dB (C) ; 2° Valeurs d'exposition supérieures déclenchant l'action de prévention prévue à l'article R. 4434-3, au 2° de l'article R. 4434-7, et à l'article R. 4435-1 - Niveau d'exposition quotidienne au bruit de 85 dB (A) ou niveau de pression acoustique de crête de 137 dB (C) ; 3° Valeurs d'exposition inférieures déclenchant l'action de prévention prévue au 1° de l'article R. 4434-7 et aux articles R. 4435-2 et R. 4436-1 - Niveau d'exposition quotidienne au bruit de 80 dB (A) ou niveau de pression acoustique de crête de 135 dB (C) ". Aux termes de l'article R. 4432-2 du même code : " La réduction des risques d'exposition au bruit se fonde sur les principes généraux de prévention mentionnés à l'article L. 4121-1 ". Aux termes de l'article R. 4433-1 du même code : " L'employeur évalue et, si nécessaire, mesure les niveaux de bruit auxquels les travailleurs sont exposés. / Cette évaluation et ce mesurage ont pour but : 1° De déterminer les paramètres physiques définis à l'article R. 4431-1 ; 2° De constater si, dans une situation donnée, les valeurs d'exposition fixées à l'article R. 4431-2 sont dépassées ". Aux termes de l'article R. 4434-7 du même code : " En cas d'impossibilité d'éviter les risques dus à l'exposition au bruit par d'autres moyens, des protecteurs auditifs individuels, appropriés et correctement adaptés, sont mis à la disposition des travailleurs dans les conditions suivantes : 1° Lorsque l'exposition au bruit dépasse les valeurs d'exposition inférieures définies au 3° de l'article R. 4431-2, l'employeur met des protecteurs auditifs individuels à la disposition des travailleurs ; 2° Lorsque l'exposition au bruit égale ou dépasse les valeurs d'exposition supérieures définies au 2° l'article R. 4431-2, l'employeur veille à ce que les protecteurs auditifs individuels soient effectivement utilisés ".

10. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que l'employeur ne peut apporter des restrictions aux droits des salariés que si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. Il en résulte, d'autre part, que l'employeur, qui est tenu d'une obligation générale de prévention des risques professionnels et dont la responsabilité, y compris pénale, peut être engagée en cas d'accident, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Par ailleurs, s'il incombe à l'employeur qui estime devoir limiter l'exposition au bruit sur le lieu de travail d'établir que cette restriction est justifiée et proportionnée, cette exigence n'implique pas, alors qu'il lui revient de mettre en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 du code du travail sur le fondement des principes généraux de prévention fixés à l'article L. 4121-2 de ce code, qu'il doive être en mesure de faire état de risques qui se seraient déjà réalisés.

11. Comme indiqué au point 1, ayant estimé que le seuil d'exposition quotidienne au bruit de 81 décibels pourrait être dépassé dès le mois de novembre 2016, la direction de l'établissement Renault de Sandouville a, par une note de service du 12 octobre 2016, décidé de généraliser le port obligatoire de protecteurs auditifs individuels. Au titre du contrôle qu'il a effectué sur cette note de service, sur le fondement de l'article L. 1322-1 du code du travail précité lui permettant d'exiger à tout moment le retrait ou la modification des dispositions contraires aux articles L. 1321-1 à L. 1321-3 et L. 1321-6 de ce code, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie a, par la décision du 27 décembre 2018 en litige, estimé que l'obligation édictée par cette note de service constituait une mesure de prévention " en attendant que soient connus les résultats des mesurages permettant de définir les mesures de protection collective ", ledit directeur ayant en effet, par une décision du même jour, imposé à la société Renault de faire procéder à un mesurage de l'exposition au bruit et du niveau de pression acoustique de crête des salariés des départements montage, tôlerie, peinture et logistique par un organisme accrédité. Dans ces conditions, la décision contestée doit être regardée comme ayant exigé de la société Renault la modification de cette note de service pour lui donner un caractère conservatoire, le temps que les résultats du mesurage soient connus et afin que soient prises, en fonction de ces résultats, des mesures complémentaires ou modificatives. Par suite et alors que cette mesure répond à l'obligation de prévention à laquelle est soumise la société Renault en sa qualité d'employeur en application notamment des dispositions précitées des articles R. 4431-2 et R. 4434-7 du code du travail, est sans incidence sur sa légalité la circonstance, invoquée par le syndicat CGT des travailleurs de Renault Sandouville, que cette décision n'a pas été précédée d'une évaluation des niveaux de bruit auxquels les travailleurs sont exposés afin d'apprécier la solution la plus appropriée à mettre en œuvre, en particulier en privilégiant les mesures de protection collective. Dès lors, le syndicat appelant n'est pas fondé à soutenir qu'en ne confirmant pas le retrait de la note de service du 12 octobre 2016 ordonné par l'inspectrice du travail mais en exigeant seulement que les effets dans le temps de cette note de service soient limités, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie a méconnu les dispositions du code du travail imposant à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs, en particulier s'agissant de l'exposition au bruit.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la société Renault, que le syndicat CGT des travailleurs de Renault Sandouville n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie a annulé la décision de l'inspectrice du travail ordonnant à la direction de l'établissement Renault de Sandouville le retrait de la note de service du 12 octobre 2016 relative au port des équipements de protection individuelle contre le bruit et a exigé de celle-ci la limitation dans le temps des effets de cette note jusqu'à ce que les résultats du mesurage de l'exposition au bruit, qu'il avait ordonné par ailleurs, soient connus.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Renault qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante au titre des frais exposés par le syndicat CGT des travailleurs de Renault Sandouville et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat appelant la somme demandée par la société Renault au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du syndicat CGT des travailleurs de Renault Sandouville est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Renault au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat CGT des travailleurs de Renault Sandouville, à la société Renault et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience publique du 24 mars 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2022.

Le rapporteur,

Signé : N. Carpentier-Daubresse

La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

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N°21DA01477

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3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01477
Date de la décision : 07/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-03-01 Travail et emploi. - Conditions de travail. - Règlement intérieur.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Nil Carpentier-Daubresse
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL BAUDEU ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-04-07;21da01477 ?
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