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26/04/2022 | FRANCE | N°21DA00232

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 26 avril 2022, 21DA00232


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2019 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a autorisé Mme C... B... épouse D... à entrer en qualité d'associée exploitante dans l'exploitation agricole à responsabilité limitée de la Ferme du Gué et à exploiter des parcelles agricoles d'une surface totale de 56 hectares 5 ares 61 centiares situées sur le territoire des communes d'Ebouleau, Goudelancourt-lès-Pierrepont, Machecourt, Bucy-lès-Pierrep

ont, Montigny-le-Franc et Mauregny-en-Haye.

Par un jugement n° 1903320 du 24 dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2019 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a autorisé Mme C... B... épouse D... à entrer en qualité d'associée exploitante dans l'exploitation agricole à responsabilité limitée de la Ferme du Gué et à exploiter des parcelles agricoles d'une surface totale de 56 hectares 5 ares 61 centiares situées sur le territoire des communes d'Ebouleau, Goudelancourt-lès-Pierrepont, Machecourt, Bucy-lès-Pierrepont, Montigny-le-Franc et Mauregny-en-Haye.

Par un jugement n° 1903320 du 24 décembre 2020, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 9 juillet 2019 du préfet de la région Hauts-de-France.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 février et 3 mai 2021, Mme C... B... épouse D..., représentée par Me Nicolas Sens-Salis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a annulé l'arrêté contesté au motif tiré de la méconnaissance par le préfet de la région Hauts-de-France des dispositions des articles R. 331-4 et D. 331-4-1 du code rural et de la pêche maritime dès lors que cette obligation de publicité pendant un délai d'un mois n'est pas édictée à peine de nullité ;

- M. A... a, en tout état de cause, été mis en mesure de déposer sa demande d'autorisation d'exploiter en temps utile ;

- M. A... était libre de rencontrer les propriétaires des parcelles concernées dès lors que sa demande n'était pas soumise à autorisation préalable d'exploiter ;

- M. A... ne remplissait pas les conditions énumérées à l'article D. 343-4 du code rural et de la pêche maritime pour relever du premier rang de priorité du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie ;

- elle remplissait les conditions pour relever du premier rang de priorité dès lors que son projet d'entrée dans l'exploitation agricole à responsabilité limitée de la Ferme du Gué constituait une première installation et permettait le maintien d'un des deux associés pour permettre de prendre sa retraite à taux plein ;

- en tout état de cause, l'ordre de priorités n'avait pas à s'appliquer, en l'absence de demande d'autorisation concurrente, M. A... relevant du régime de la simple déclaration.

Par un mémoire, enregistré 12 avril 2021, M. E... A..., représenté par Me Vincent Bué, conclut au rejet de la requête de Mme D... et demande que soit mise à la charge de cette dernière la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le non-respect de la formalité substantielle tenant à l'information du public et à la possibilité pour les concurrents éventuels de présenter une demande concurrente entraîne nécessairement l'annulation de l'autorisation d'exploiter ;

- en tout état de cause, l'arrêté contesté est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que sa demande relevait du premier rang de priorité du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie.

Par un mémoire, enregistré le 8 mars 2022, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête de Mme D....

Il s'en remet à la sagesse de la cour.

Par une ordonnance du 28 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère,

- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte notarié du 28 mars 2014, M. et Mme F... ont constitué l'exploitation agricole à responsabilité limitée de la Ferme du Gué, qui exploite des parcelles agricoles d'une surface totale de 56 hectares 5 ares 61 centiares situées sur le territoire des communes d'Ebouleau, Goudelancourt-lès-Pierrepont, Machecourt, Bucy-lès-Pierrepont, Montigny-le-Franc et Mauregny-en-Haye, dans le département de l'Aisne. Mme C... B... épouse D..., qui exerçait alors sous le statut de conjoint collaborateur, a souhaité rejoindre cette exploitation agricole, en qualité d'associée exploitant dans la perspective du départ à la retraite de M. et Mme F.... Le 20 février 2019, Mme D... a présenté une demande d'autorisation d'exploiter ces parcelles agricoles. M. E... A..., qui a présenté pour l'exploitation agricole à responsabilité limitée A... Théophile la même demande, a été informé par la direction départementale des territoires, par lettre du 4 juillet 2019, que sa demande ne relevait pas du régime de l'autorisation préalable. Par un arrêté du 9 juillet 2019, le préfet de la région Hauts-de-France a délivré à Mme D... l'autorisation sollicitée. Par un jugement du 24 décembre 2020, dont Mme D... relève appel, le tribunal administratif d'Amiens, saisi par M. A..., a annulé cet arrêté.

2. Aux termes de l'article R. 331-4 du code rural et de la pêche maritime : " (...) Le service chargé de l'instruction fait procéder à la publicité de la demande d'autorisation d'exploiter dans les conditions prévues à l'article D. 331-4-1. Cette publicité porte sur la localisation des biens et leur superficie, ainsi que sur l'identité des propriétaires ou de leurs mandataires et du demandeur (...) ". Aux termes de l'article D. 331-4-1 du même code : " La publicité prévue à l'article R. 331-4 précise la date de l'enregistrement de la demande et indique la date limite de dépôt des dossiers de demande d'autorisation. / Les demandes d'autorisation d'exploiter sont affichées pendant un mois à la mairie des communes où sont situés les biens qui font l'objet de la demande et publiées sur le site de la préfecture chargée de l'instruction. / A l'expiration du délai de publicité, il est dressé la liste de toutes les candidatures enregistrées pour un même bien ".

3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.

4. Il ressort des pièces du dossier que la demande de Mme D... tendant à se voir délivrer l'autorisation d'exploiter les parcelles mises en culture par l'exploitation agricole à responsabilité limitée de La Ferme du Gué a fait l'objet d'une première publicité à compter du 4 mars 2019, qui ne comportait toutefois aucune indication permettant d'identifier les parcelles faisant l'objet de cette demande, en méconnaissance des prescriptions des dispositions de l'article R. 331-4 précité du code rural et de la pêche maritime. Le préfet de la région Hauts-de-France a fait procéder à une seconde publication de cette même demande d'autorisation d'exploiter présentée par Mme D... en identifiant précisément chacune des parcelles concernées et dont il est constant qu'elle a été maintenue affichée pendant plus d'un mois, du 25 avril 2019 au 27 mai suivant. Toutefois, le préfet de la région Hauts-de-France n'a pas prolongé le délai initialement ouvert pour présenter des demandes concurrentes, qui ne courait que jusqu'au 1er mai 2019. Dans ces conditions, les tiers, concurrents potentiels, n'ont disposé que de six jours pour présenter une demande à compter du début de la mise en œuvre régulière des formalités de publicité prévues à l'article R. 331-4 du code rural et de la pêche maritime. Il en résulte que les conditions de publication de la demande d'autorisation d'exploiter en litige ont entaché d'irrégularité de procédure l'arrêté contesté. Cette irrégularité a privé les intéressés de la garantie que constitue pour eux l'existence d'un délai suffisant leur permettant de prendre connaissance de la demande d'autorisation d'exploiter et de ses caractéristiques afin, le cas échéant, de présenter eux-mêmes une demande. Mme D... n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé, pour non-respect des formalités de publication prévues aux articles R. 331-4 et D. 331-4-1 du code rural et de la pêche maritime, l'arrêté du 9 juillet 2019 du préfet de la région Hauts-de-France.

5. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions d'appel de Mme D... présentées à l'encontre du jugement du 24 décembre 2020 du tribunal administratif d'Amiens doivent être rejetées.

6. Il résulte des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'Etat n'étant pas la partie perdante à l'instance, les conclusions présentées à ce titre par Mme D... doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière la somme de 1 500 euros que demande M. A... au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Mme D... versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse D..., au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à M. E... A....

Copie sera adressée au préfet de la région Hauts-de-France.

Délibéré après l'audience publique du 5 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Muriel Milard, première conseillère,

- Mme Anne Khater, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2022.

La rapporteure,

Signé : A. KhaterLa présidente de la formation de jugement,

Signé : A. Chauvin

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°21DA00232


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00232
Date de la décision : 26/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-03 Agriculture et forêts. - Exploitations agricoles. - Cumuls et contrôle des structures.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : BUE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-04-26;21da00232 ?
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