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28/06/2022 | FRANCE | N°21DA01847

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 28 juin 2022, 21DA01847


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Lecompte a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 29 mai 2019 par lequel le maire de Longuerue a refusé de lui délivrer un permis de construire un bâtiment agricole à usage de stockage sur une parcelle cadastrée AH n° 259 sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 1902757 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requ

ête enregistrée le 30 juillet 2021, l'EARL Lecompte, représentée par Me Ahmed Akaba, demande à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Lecompte a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 29 mai 2019 par lequel le maire de Longuerue a refusé de lui délivrer un permis de construire un bâtiment agricole à usage de stockage sur une parcelle cadastrée AH n° 259 sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 1902757 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 juillet 2021, l'EARL Lecompte, représentée par Me Ahmed Akaba, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 mai 2019 du maire de Longuerue ;

3°) d'enjoindre au maire de Longuerue de lui délivrer le permis de construire sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Longuerue la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut de motivation ;

- il méconnaît l'article A-2-11 du règlement du plan local d'urbanisme et porte une atteinte excessive au droit de propriété ;

- il méconnaît les articles A-1 et A-2 du même règlement ;

- il méconnaît l'article A-6-2 du même règlement ;

- l'article A-2-12 du règlement du plan local d'urbanisme, sur le fondement duquel l'arrêté attaqué a été pris, porte une atteinte excessive au droit constitutionnel de propriété.

Par des mémoires en défense enregistré les 6 et 16 décembre 2021, la commune de Longuerue, représentée par Me Richard Sedillot, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'EARL Lecompte de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Lecompte a déposé le 22 mars 2019 une demande de permis de construire un bâtiment agricole de stockage de fourrage. Par un arrêté du 29 mai 2019, le maire de Longuerue a rejeté cette demande. L'EARL Lecompte a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Rouen qui a rejeté sa demande par un jugement du 3 juin 2021. L'EARL Lecompte relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de l'arrêté du 29 mai 2019 :

En ce qui concerne le moyen tiré d'un défaut de motivation :

2. Aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis (...) ". Aux termes de l'article L. 424-3 du même code : " Lorsque la décision rejette la demande (...), elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet (...), notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6 (...) ". En vertu de l'article A. 424-2 du même code, l'arrêté par lequel l'autorité compétente se prononce expressément sur une demande de permis de construire vise " les textes législatifs et réglementaires dont il est fait application " et " les avis recueillis en cours d'instruction et leur sens ".

3. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que ce dernier, après avoir cité les articles A-2-11, A-2-12 et A-6-2 du règlement du plan local d'urbanisme de Longuerue approuvé le 27 avril 2015, a relevé que le projet ne pouvait pas être autorisé, d'une part, en raison de son objet et de sa superficie compte tenu de son inscription dans un secteur de protection des cavités souterraines et présentant des risques de ruissèlement et, d'autre part, en raison de son implantation " au-delà d'une bande de 20 mètres comptée à partir de l'axe routier ".

4. La circonstance que l'arrêté attaqué n'a pas visé le plan départemental de prévention des risques naturels est sans incidence sur sa légalité dès lors que cet arrêté n'a pas été pris sur le fondement de ce plan, ni pour son application. Par ailleurs, si l'arrêté attaqué n'a pas fait état de l'avis favorable émis le 1er décembre 2017 par le syndicat mixte d'étude, d'aménagement et d'entretien des bassins versants de l'Andelle et du Crevon, dont la pétitionnaire a d'ailleurs eu communication, il ressort des pièces du dossier que le maire de Longuerue ne s'est pas fondé sur cet avis pour rejeter la demande présentée par l'EARL Lecompte. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article A 2.11 du règlement du plan local d'urbanisme :

5. D'une part, aux termes de l'article A 2.11 du règlement du plan local d'urbanisme de Longuerue : " Dans les secteurs de protection des cavités souterraines, seuls sont autorisés si le risque n'est pas levé par une étude technique : / 2.11.1 - Les extensions mesurées de constructions existantes pour l'amélioration du confort des habitations, sous réserve que ces travaux n'aient pas pour effet d'augmenter le nombre de logements ainsi que leurs annexes de faible emprise, jointives ou non, / 2.11.2 - Les reconstructions après sinistre sauf si ce sinistre est lié à un effondrement du sol, / 2.11.3 - Les aménagements ayant pour objet de vérifier ou supprimer les risques, / 2.11.4 - Les voiries ou ouvrages techniques, / 2.11.5 - Les équipements d'intérêt général ".

6. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire comprend : / a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 ; / b) Les pièces complémentaires mentionnées aux articles R. 431-13 à R. * 431-33-1 ; / c) Les informations prévues aux articles R. 431-34 et R. 431-34-1. / Pour l'application des articles R. 423-19 à R. 423-22, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations mentionnées au a et au b ci-dessus. / Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente ". Aux termes de l'article R. 431-16 du même code : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / (...) / f) Lorsque la construction projetée est subordonnée par un plan de prévention des risques naturels prévisibles ou un plan de prévention des risques miniers approuvés, ou rendus immédiatement opposables en application de l'article L. 562-2 du code de l'environnement, ou par un plan de prévention des risques technologiques approuvé, à la réalisation d'une étude préalable permettant d'en déterminer les conditions de réalisation, d'utilisation ou d'exploitation, une attestation établie par l'architecte du projet ou par un expert certifiant la réalisation de cette étude et constatant que le projet prend en compte ces conditions au stade de la conception (...) ".

7. Il est constant que le terrain d'assiette du projet est situé dans une zone identifiée par le plan local d'urbanisme comme présentant un risque lié à la présence de cavités souterraines. Pour refuser la demande de permis de construire présentée par l'EARL Lecompte, il ressort de la motivation de l'arrêté attaqué et de la défense de la commune que le maire s'est notamment fondé sur l'absence d'étude technique permettant de lever un tel risque.

8. Il ressort des pièces du dossier que l'étude technique prévue par l'article A 2.11 du règlement du plan local d'urbanisme n'est pas prescrite sur le fondement du plan de prévention des risques naturels ou miniers et ne peut pas ainsi pas être regardée comme l'étude prévue au f) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme. En outre, cette étude technique ne figure pas sur la liste limitative des pièces et informations devant assortir une demande de permis de construire en application de l'article R. 431-4 du même code.

9. Dans ces conditions, le maire de Longuerue ne pouvait subordonner la délivrance du permis de construire à la production préalable par la pétitionnaire de cette étude technique, mais seulement, le cas échéant, assortir de prescriptions le permis sollicité. Par suite, l'appelante est fondée à soutenir que l'arrêté attaqué a fait une inexacte application les dispositions précitées de l'article A 2.11 du règlement du plan local d'urbanisme.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article A 2.12 du règlement du plan local d'urbanisme :

10. D'une part, l'article A 1 du règlement du plan local d'urbanisme interdit en zone A " 1.1 - Tous les types d'occupation du sol sauf ceux visés à l'article A 2 ; / 1.2 - Dans les secteurs de ruissellement, sont interdits toutes les occupations et utilisations du sol qui ne figurent pas à l'article A 2 (...) ". En outre, aux termes de l'article A 2.12 du règlement du plan local d'urbanisme de Longuerue : " Dans les zones à risques " ruissellement ", seuls sont autorisés : / 2.12.1 - Les travaux d'entretien sur habitation existante ; / 2.12.2 - Les aménagements destinés à l'amélioration de la sécurité des biens et des personnes ; / 2.12.3 - Les ouvrages hydrauliques ".

11. D'autre part, aux termes de l'article R. 151-30 du code de l'urbanisme : " Pour des raisons de sécurité ou salubrité ou en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, le règlement peut, dans le respect de la vocation générale des zones, interdire : / 1° Certains usages et affectations des sols ainsi que certains types d'activités qu'il définit ; / 2° Les constructions ayant certaines destinations ou sous-destinations ". Aux termes de l'article R. 151-31 du même code : " Dans les zones U, AU, A et N, les documents graphiques du règlement font apparaître, s'il y a lieu : / (...) / 2° Les secteurs où (...) l'existence de risques naturels (...) justifient que soient interdites les constructions et installations de toute nature, permanentes ou non, les plantations, dépôts, affouillements, forages et exhaussements des sols ".

12. Il ressort des pièces du dossier que le projet se situe sur un axe majeur d'écoulement d'eaux de ruissellement. Pour refuser la demande présentée par l'EARL Lecompte, le maire s'est notamment fondé sur les restrictions applicables dans les zones présentant des risques de ruissellement, prévues par l'article A 2.12 du règlement du plan local d'urbanisme.

13. D'une part, contrairement à ce que soutient l'appelante, si les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole sont en principe autorisées dans la zone A, les restrictions prévues par l'article A 2.12 du règlement s'appliquent également, en l'absence de dérogation expresse, à ce type de constructions et installations.

14. D'autre part, si l'appelante soutient, par la voie de l'exception d'illégalité, que cet article A 2.12 porte une atteinte excessive au droit de propriété, elle ne produit aucun élément précis et circonstancié à l'appui de ses allégations, alors que les dispositions contestées sont objectivement justifiées par la prévention des risques d'instabilité et d'effondrement du sol et que les restrictions au droit de propriété qu'elles édictent, qui ne sont ni générales ni absolues, sont définies de manière proportionnée et en lien avec l'objectif d'intérêt général poursuivi. Il ressort en outre des documents graphiques annexés au plan local d'urbanisme que les secteurs d'expansion des axes de ruissellement, au sein desquels s'appliquent les restrictions prévues par l'article A 2.12, ont été précisément circonscrits et représentent une surface réduite à l'échelle du territoire communal. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit de propriété doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article A 6.2 du règlement du plan local d'urbanisme :

15. Aux termes de l'article A 6.2 du règlement du plan local d'urbanisme de Longuerue : " En bordure des voies communales et des chemins ruraux, les constructions agricoles devront être implantées dans une bande de 20 mètres, comptée à partir de l'axe routier, afin de faciliter l'extension des exploitations et leurs mises aux normes ".

16. Il est constant que la construction projetée, qui revêt un caractère agricole, ne sera pas implantée dans une bande de 20 mètres comptée à partir de l'axe routier qui borde le terrain d'assiette. Si l'appelante soutient que l'article A 6.2 du règlement du plan local d'urbanisme ne s'applique pas aux projets d'extension de constructions agricoles, il ressort en tout état de cause des pièces du dossier et notamment des plans fournis que le bâtiment projeté, qui sera implanté à proximité d'un bâtiment agricole existant mais sans lui être accolé, ne peut pas être regardé comme une extension. Dès lors, à supposer même que l'article A 6.2 du règlement du plan local d'urbanisme ne s'applique pas aux extensions, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le maire a commis une erreur de droit en faisant application de cet article.

17. En se fondant sur les seuls motifs tirés de la méconnaissance des articles A 2.12 et A 6.2 du règlement du plan local d'urbanisme, le maire de Longuerue a pu refuser à bon droit la demande de permis de construire sollicitée par l'EARL Lecompte.

18. Il s'ensuit que l'EARL Lecompte n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2019 et, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Longuerue, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par l'EARL Lecompte et non compris dans les dépens.

20. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'EARL Lecompte le versement de la somme réclamée par la commune de Longuerue sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'exploitation agricole à responsabilité limitée Lecompte est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Longuerue sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'exploitation agricole à responsabilité limitée Lecompte et à la commune de Longuerue.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 14 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2022.

Le rapporteur,

Signé : S. Eustache

Le président de la 1ère chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°21DA01847 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01847
Date de la décision : 28/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SELAS NORMANDIE-JURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-06-28;21da01847 ?
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