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22/08/2022 | FRANCE | N°21DA01539

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 22 août 2022, 21DA01539


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 24 février 2021 par lequel la préfète de l'Oise lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite.

Par un jugement n°2101216 du 2 juin 2021, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête n°21DA01539,

enregistrée le 1er juillet 2021, la préfète de l'Oise demande à la cour d'annuler ce jugement.

Elle ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 24 février 2021 par lequel la préfète de l'Oise lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite.

Par un jugement n°2101216 du 2 juin 2021, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête n°21DA01539, enregistrée le 1er juillet 2021, la préfète de l'Oise demande à la cour d'annuler ce jugement.

Elle soutient que :

- la demande de titre de séjour de l'intéressée était fondée exclusivement sur les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable et non sur l'article L. 313-14 de ce code ; l'attestation de dépôt comporte une erreur matérielle sur ce point ;

- la décision de refus de titre de séjour a été prise par une autorité compétente ; elle est suffisamment motivée ; elle n'est pas entachée d'erreur de droit, ni de violation du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable ou de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni d'erreur manifeste d'appréciation, ni de violation de l'article 3 de cette convention.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2022, Mme B... C..., représentée par Me Charlotte Redler, conclut au rejet de la requête, à l'annulation de l'arrêté de la préfète de l'Oise du 24 février 2021, à ce qu'il soit enjoint à la préfète de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour et à défaut, de réexaminer sa situation, ainsi que, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt, et enfin à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 21 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 avril 2022.

II. Par une requête n°21DA01540, enregistrée le 1er juillet 2021, la préfète de l'Oise demande à la cour, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de surseoir à l'exécution du jugement du 2 juin 2021 du tribunal administratif d'Amiens.

Elle soutient que la demande de titre de séjour de l'intéressée était fondée exclusivement sur les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable et non sur l'article L. 313-14 de ce code ; l'attestation de dépôt comporte une erreur matérielle sur ce point.

La requête a été communiquée le 22 septembre 2021 à Mme C..., qui n'a pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 23 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 mars 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Naïla Boukheloua, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. Par son jugement du 2 juin 2021, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 7 janvier 2021 par lequel la préfète de l'Oise a refusé la délivrance d'un titre de séjour à Mme C..., l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite. La préfète fait appel de ce jugement et demande à la cour, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de surseoir à l'exécution de ce jugement.

2. Les requêtes n° 21DA01539 et n° 21DA01540 de la préfète de l'Oise présentent à juger des questions liées. Il y a lieu de les joindre pour y être statué par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la requête n° 21DA01539 :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

3. La requérante soutient qu'elle a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable et que la préfète de l'Oise, en estimant qu'elle avait présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11, 7° du même code, n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation.

4. Toutefois, en admettant même que Mme C... ait bien présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable, l'erreur qui aurait été commise en conséquence par la préfète n'a pas pu, compte tenu des conditions restrictives d'obtention d'une telle admission exceptionnelle au séjour et alors que la situation de l'intéressée ne caractérisait pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de cette disposition, exercer d'influence sur le sens de la décision attaquée.

5. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la valeur probante des pièces produites à l'instance par l'une ou l'autre des parties au litige, la préfète de l'Oise est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a retenu le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la demande de Mme C....

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par Mme C... :

6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif d'Amiens et devant la cour.

S'agissant du refus de titre de séjour :

7. En premier lieu, par un arrêté du 21 décembre 2020 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, la préfète de l'Oise a donné à M. Sébastien Lime, secrétaire général de la préfecture de l'Oise, signataire de l'arrêté attaqué, délégation à l'effet notamment de signer toutes les décisions et tous les actes de procédure prévus par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été adopté par une autorité incompétente manque en fait et doit être écarté.

8. En deuxième lieu, conformément aux articles L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, la décision en litige a énoncé, dans ses considérants ou dans son dispositif, les motifs de droit et de fait qui la fondent. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit, par suite, être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

11. D'une part, Mme C..., née le 18 juillet 1989, a vécu la majeure partie de sa vie, jusqu'à l'âge de 26 ans, en République Démocratique du Congo où sont demeurés son père, son frère et le père de sa fille. Elle est sans emploi.

12. D'autre part, si deux de ses sœurs sont nées et demeurent en France, Mme C... en a été séparée jusqu'à son entrée sur le territoire français le 27 juillet 2015. De même, la requérante a ensuite été séparée de sa mère jusqu'à l'entrée de celle-ci en France en 2019.

13. Enfin, si la fille de la requérante née en 2008 est désormais scolarisée en France, elle a vécu au Congo jusqu'à l'âge de 7 ans et il résulte de ce qui précède qu'elle y conserve des attaches familiales. Il n'est pas davantage justifié qu'elle ne pourrait y poursuivre sa scolarité.

14. Compte tenu de ces circonstances, la décision litigieuse n'a pas porté au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise. Par suite, elle n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur.

15. En dernier lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'une des stipulations d'une convention internationale, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code ou d'une autre stipulation d'une convention internationale, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.

16. Il est constant que Mme C... n'a pas sollicité un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable.

17. Ainsi, et compte tenu de ce qui a été dit précédemment, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse serait entachée d'erreur de droit au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables.

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

18. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, l'obligation faite à Mme C... de quitter le territoire français n'est pas intervenue en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

19. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

20. Les certificats médicaux peu circonstanciés produits par Mme C... ne sont pas de nature à démontrer que la pathologie dont elle souffre pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, qu'elle ne pourrait pas bénéficier effectivement, dans son pays d'origine, d'un traitement approprié. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable doit être écarté.

21. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'en prenant sa décision, la préfète n'a pas commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

S'agissant de la fixation du pays de destination :

22. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

23. Mme C... fait valoir qu'elle souffre d'un syndrome post-traumatique. Toutefois, les certificats médicaux produits à l'instance ne suffisent pas à justifier des risques de traitements inhumains ou dégradants que l'intéressée encourrait actuellement et personnellement en retournant dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable doit être écarté.

24. Il suit de là que la préfète de l'Oise est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé son arrêté du 24 février 2021.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n°21DA01540 :

25. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la préfète de l'Oise à fin de sursis à exécution du jugement du 2 juin 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction et au titre des frais de justice :

26. Par voie de conséquence, les conclusions de Mme C... à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 2 juin 2021 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la préfète de l'Oise à fin de sursis à exécution du jugement du 2 juin 2021.

Article 3 : La demande de Mme C... présentée devant le tribunal administratif d'Amiens est rejetée.

Article 4 : Les conclusions de Mme C... à fin d'injonction et présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera transmise pour information à la préfète de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 4 juillet 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- Mme Naïla Boukheloua, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 août 2022.

La rapporteure,

Signé : N. Boukheloua

Le président de la 1ère chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : S. Cardot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°21DA01539, 21DA01540 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01539
Date de la décision : 22/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Naila Boukheloua
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : REDLER;;REDLER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-08-22;21da01539 ?
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