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27/09/2022 | FRANCE | N°22DA01003

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 27 septembre 2022, 22DA01003


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et Mme C... E... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les arrêtés du 5 novembre 2020 par lesquels le préfet du Nord a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2105130, 2106624 du 17 février 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enr

egistrée sous le n° 22DA01003 le 11 mai 2022, M. B..., représenté par Me Antoine Berthe, demande à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et Mme C... E... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les arrêtés du 5 novembre 2020 par lesquels le préfet du Nord a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2105130, 2106624 du 17 février 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 22DA01003 le 11 mai 2022, M. B..., représenté par Me Antoine Berthe, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2020 du préfet du Nord ;

3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un certificat de résidence algérien mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 155 euros par jour de retard ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation et de l'admettre provisoirement au séjour, sous astreinte de 155 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision préfectorale lui refusant un titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation concernant l'offre de soins adaptés pour sa fille en Algérie ;

- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle et de son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence ;

- elle méconnaît, en outre, elle-même l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et celle de sa famille, notamment de sa fille.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2022, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 22DA01004 le 11 mai 2022, Mme E... épouse B..., représentée par Me Antoine Berthe, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2020 du préfet du Nord ;

3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un certificat de résidence algérien mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 155 euros par jour de retard ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation et de l'admettre provisoirement au séjour, sous astreinte de 155 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision préfectorale lui refusant un titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation concernant l'offre de soins adaptés pour sa fille en Algérie ;

- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle et de son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence ;

- elle méconnaît, en outre, elle-même l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et celle de sa famille, notamment de sa fille.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2022, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête pour les mêmes motifs que ceux exposés sous le n° 22DA01003.

M. et Mme B... ont chacun été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 7 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2019-69 du 1er février 2019 portant publication du protocole annexe à la convention générale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur la sécurité sociale du 1er octobre 1980 relatif aux soins de santé programmés dispensés en France aux ressortissants algériens assurés sociaux et démunis non assurés sociaux résidant en Algérie, signé à Alger le 10 avril 2016 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... et Mme E... épouse B..., ressortissants algériens nés respectivement le 10 mars 1970 et le 30 janvier 1979 en Algérie, ont sollicité un titre de séjour en qualité de parents d'enfant malade. Par deux arrêtés du 5 novembre 2020, le préfet du Nord a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

2. Les requêtes susvisées n° 22DA01003 et n° 22DA01004, présentées pour M. et Mme B..., présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la légalité des arrêtés préfectoraux du 5 novembre 2020 :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Mme B... et M. B... sont entrés en France respectivement en septembre 2014 et en juin 2015 munis de visas de court séjour, afin d'accompagner leur fille née le 5 avril 2012, qui présente depuis sa naissance une grave malformation, diagnostiquée comme un " hypertélorisme associé à une fente n° 14 ". Par un avis du 2 mars 2020, le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de l'enfant de M. et Mme B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut était susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il résulte des certificats médicaux produits par les requérants, notamment des 20 octobre 2014, 15 février 2016, 2 mars 2016, 11 décembre 2019, 17 novembre 2020, 26 novembre 2020, 27 septembre 2021, que leur fille présente une pathologie complexe, rare et grave, qui a donné lieu à un programme chirurgical comprenant plusieurs interventions et nécessite un suivi multidisciplinaire jusqu'à la fin de sa croissance, assuré au centre de référence des malformations craniomaxillofaciales rares du centre hospitalier régional universitaire de Lille. Par ailleurs, M. et Mme B... résident, avec leurs deux enfants nés en 2005 et 2012, depuis plus de cinq ans à la date de la décision attaquée sur le territoire français, où M. B... travaille, muni d'un contrat à durée indéterminée. Dans ces conditions, dans les circonstances particulières de l'espèce et compte tenu de l'intérêt pour la famille d'obtenir une continuité de la prise en charge pluridisciplinaire de la fille cadette par les équipes en place, en refusant à M. et Mme B... le bénéfice d'un titre de séjour, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 5 novembre 2020 du préfet du Nord.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. L'annulation des arrêtés attaqués par le présent arrêt implique, compte tenu des motifs d'annulation de ces arrêtés, que le préfet du Nord délivre à M. B... et à Mme E... épouse B... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Nord d'y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par M. et Mme B....

Sur les frais liés à l'instance :

7. M. et Mme B... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Berthe, avocat de M. et Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Berthe de la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2105130, 2106624 du 17 février 2022 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Les arrêtés du 5 novembre 2020 par lesquels le préfet du Nord a rejeté leurs demandes de titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi, sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Nord de délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " à M. B... et à Mme E... épouse B... dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à Me Berthe une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Berthe renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Mme C... E... épouse B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet du Nord et à Me Antoine Berthe.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2022.

Le président-rapporteur,

Signé : M. D...La présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

2

N°22DA01003, 22DA01004


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01003
Date de la décision : 27/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Marc Baronnet
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : BERTHE;BERTHE;BERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-09-27;22da01003 ?
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