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11/10/2022 | FRANCE | N°21DA02190

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 11 octobre 2022, 21DA02190


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les décisions en date du 6 juin 2021 par lesquelles le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, lui a interdit le retour sur le territoire français avant l'expiration du délai de deux ans.

Par un jugement n° 2104440 du 30 juillet 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal admin

istratif de Lille a annulé la décision du 6 juin 2021 par laquelle le préfet du Nord ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les décisions en date du 6 juin 2021 par lesquelles le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, lui a interdit le retour sur le territoire français avant l'expiration du délai de deux ans.

Par un jugement n° 2104440 du 30 juillet 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 6 juin 2021 par laquelle le préfet du Nord a interdit à M. B... le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2021, et un mémoire du 16 septembre 2022, qui n'a pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Olivier Cardon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions du 6 juin 2021 portant obligation de quitter le territoire français, refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 2 ans ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de 15 jours suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à l'effacement de son signalement au fichier SIS et au fichier FPR, en application de l'article 24 du règlement 1977/2006 du 20 décembre 2006 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité, les premiers juges n'ayant pas répondu aux moyens tirés de la méconnaissance du droit d'être entendu préalablement aux décisions défavorables, de l'absence de prise en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant et de l'insuffisante motivation en droit de l'arrêté ;

En ce qui concerne la légalité externe de l'ensemble des décisions :

- elles sont insuffisamment motivées ;

- elles sont entachées d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- le droit d'être entendu préalablement à la décision a été méconnu ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des 5°) et 9°) de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

- elle est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ont été méconnues ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :

- elle est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le19 juillet 2022, le préfet du Nord, représenté par Me Xavier Termeau, conclut au rejet de la requête, et par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 1er du jugement du 30 juillet 2021 et au rejet de la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, présentée devant le tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

- en ce qui concerne le bien-fondé de l'interdiction de retour d'une durée de deux ans, l'intéressé représente une menace pour l'ordre public au vu des faits de menaces réitérées de destruction dangereuse et des faits de violence sans incapacité, il s'est maintenu sur le territoire national plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour sans en avoir demandé le renouvellement et ne justifie d'aucune circonstance humanitaire particulière s'opposant à cette interdiction ; la durée de deux ans est proportionnée à sa situation.

Par ordonnance du 8 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 26 août 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... A..., magistrat administratif honoraire, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant marocain, relève appel du jugement du 30 juillet 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille, en tant qu'elle a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 6 juin 2021 par lesquelles le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Il demande également de procéder à l'effacement de son signalement au fichier SIS et au fichier FPR. Par la voie de l'appel incident, le préfet du Nord demande l'annulation du jugement, en tant qu'il a annulé sa décision du 6 juin 2021 par laquelle il a interdit à M. B... le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des points 3 à 5 du jugement en litige que la magistrate désignée a répondu au moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu préalablement aux décisions défavorables et du point 12 qu'elle a répondu au moyen tiré de la prise en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant de l'intéressé. La magistrate désignée n'était en outre pas tenue de répondre à tous les arguments développés à l'appui du moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions attaquées :

S'agissant de l'insuffisance de motivation :

3. Les décisions attaquées mentionnent avec suffisamment de précisions les circonstances de fait et de droit sur lesquelles elles se fondent. Le préfet a mentionné notamment la présence de la fille de l'intéressé sur le territoire national en indiquant qu'elle n'était pas à sa charge et que celui-ci ne justifiait pas contribuer à son entretien et à son éducation, prenant ainsi en considération l'intérêt supérieur de l'enfant, sans que puisse lui être reproché l'absence de visa de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. En outre, l'erreur de plume commise par le préfet sur la citation de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est sans incidence sur la légalité de l'arrêté.

4. Les considérations de fait et de droit sont donc suffisamment développées pour mettre utilement M. B... en mesure de discuter les motifs de ces décisions. Par suite, alors que le préfet du Nord n'avait pas à reprendre expressément et de manière exhaustive l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle, familiale ou professionnelle de l'intéressé, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ces décisions doit être écarté.

S'agissant du défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé :

5. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet du Nord, pour prendre ses décisions, a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé au regard de ses droits. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de M. B... doit être écarté.

S'agissant de la méconnaissance du droit d'être entendu préalablement aux décisions :

6. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Enfin, aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ".

7. Le droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne, se définit comme celui de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief. Toutefois, ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales. Enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.

8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de son audition par les services de police le 6 juin 2021 à 11 heures 50, que M. B... a été informé de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une décision l'obligeant à quitter le territoire à destination de son pays d'origine ou de tout autre pays où il serait légalement admissible, éventuellement assortie d'une assignation à résidence, d'un placement en centre de rétention administrative ou d'une interdiction de retour sur le territoire français. Il a été invité à présenter des observations sur ces points et a donc été mis en mesure de faire part de tout élément relatif à sa situation personnelle. Par suite, et malgré la brièveté de cette audition, le moyen tiré de ce que le préfet du Nord a méconnu le droit de M. B... d'être entendu doit être écarté.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

10. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui a bénéficié d'un titre de séjour à compter du 23 septembre 2006, renouvelé jusqu'au 22 septembre 2010, est à nouveau entré en France le 7 octobre 2015 avec un visa valable pour une durée de 30 jours. Un titre de séjour d'une durée d'un an à compter du 6 novembre 2018 lui a ensuite été délivré. L'intéressé fait valoir qu'il est le père d'une fille de nationalité française, née le 2 février 2006. Toutefois, il a divorcé de la mère de cette enfant par un jugement du 6 janvier 2009 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nice, lequel a notamment prévu l'exercice exclusif de l'autorité parentale par la mère, la fixation de la résidence de l'enfant au domicile de cette dernière et des droits de visite au bénéfice du requérant, une fois par mois, dans le cadre d'un espace de rencontre. Dans un jugement du 22 mai 2017, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bobigny a défini des modalités d'exercice de l'autorité parentale identiques et renouvelé les droits de visite de M. B... dans un espace de rencontre en en fixant les modalités précises. S'il ressort des pièces du dossier que la mère de l'enfant s'est opposée à plusieurs reprises à l'organisation de rencontres entre le père et sa fille, l'intéressé ne démontre pas avoir entrepris, en dehors d'une déclaration de main courante effectuée le 18 avril 2018, des démarches tendant à faire respecter son droit de visite. En outre, il ne verse à l'instance aucun élément tendant à établir qu'il contribue, dans la mesure de ses moyens, à l'entretien et à l'éducation de sa fille ou qu'il entretient avec elle des liens affectifs, à l'exception d'une attestation de la mère de son enfant en ce sens et d'un billet de train au nom de sa fille entre Paris et Lille, postérieurs à la décision attaquée et dont il n'est pas établi que les faits attestés portent sur une période antérieure. Si M. B... s'est marié à une ressortissante française le 5 octobre 2019, il est constant qu'il est séparé de son épouse et n'a d'ailleurs pas sollicité le renouvellement de la carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dont il bénéficiait depuis le 6 novembre 2018. Enfin, les membres de la famille de M. B... résident dans son pays d'origine, selon ses propres déclarations, et son passeport mentionne plusieurs allers-retours entre la France et le Maroc en 2018 et 2019. Il n'établit donc pas avoir transféré en France le centre de ses intérêts personnels et familiaux. Dans ces conditions, la décision en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et, par suite, ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En deuxième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Dans la mesure où, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. B... ne vit pas avec sa fille, n'exerce pas l'autorité parentale, ne cherche pas à faire respecter son droit de visite auprès de celle-ci dans un espace tiers et ne participe pas à son entretien et à son éducation et dès lors que rien ne s'oppose à ce qu'une rencontre avec sa fille puisse être organisée lors de ses courts séjours en France, son éloignement ne porte pas aux intérêts de celle-ci une atteinte incompatible avec ces stipulations au regard desquelles la décision en litige n'est en outre pas entachée de l'erreur manifeste d'appréciation invoquée par l'appelant.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 5° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; /.../ 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".

13. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui sont exposés au point 10,

M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard des dispositions précitées du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. En cinquième lieu, M. B... réitère devant la cour le moyen, déjà soulevé devant les premiers juges, tiré de ce que la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 9°) de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il ne produit en appel aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ce moyen. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges, au point 10 du jugement attaqué.

15. En sixième lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Toutefois, lorsque l'étranger est assigné à résidence aux fins d'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français ou placé ou maintenu en rétention administrative en application du titre IV du livre VII, l'avis est émis par un médecin de l'office et transmis sans délai au préfet territorialement compétent ". Il résulte des pièces du dossier que l'intéressé n'a pas fait valoir, lors de son audition par les services de police ni devant le médecin qui l'a examiné lors de sa retenue administrative, que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dès lors, la décision en litige n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article R. 611-1 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision refusant un délai de départ volontaire :

16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 15 que M. B..., à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision refusant un délai de départ volontaire, n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

17. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". L'article L. 612-3 de ce code précise que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. "

18. Il ressort des termes de l'arrêté du 6 juin 2021 que le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est notamment fondé sur l'absence d'une résidence stable sur le territoire et la circonstance que l'intéressé est démuni de tout document de voyage. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B... justifie d'un domicile stable et d'un document d'identité en cours de validité. La décision en litige ne pouvait donc pas être légalement fondée sur ces motifs.

19. Il est cependant constant que M. B... s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour sans en avoir demandé le renouvellement. Dans ces conditions, le préfet pouvait légalement se fonder sur ce motif pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire. Il résulte de l'instruction que le préfet du Nord aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que ce motif. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées des articles L 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé au regard de ces dispositions doivent être écartés.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :

20. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 15 que M. B..., à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination, n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

21. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumaines ou dégradants ".

22. En se bornant à soutenir que le centre de ses intérêts personnels et familiaux se situe dorénavant en France et que son éloignement au Maroc constitue un traitement inhumain ou dégradant, M. B... n'établit pas être personnellement et actuellement exposé au risque de subir dans son pays d'origine des traitements prohibés par les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, la décision en litige n'a pas méconnu ces stipulations. Par suite, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne les conclusions d'appel incident du préfet du Nord :

23. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". En outre, aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

24. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

25. Il ressort des pièces du dossier que la décision d'interdiction de retour pendant une durée de deux ans est fondée sur les conditions de l'entrée et du séjour de l'intéressé en France, sur la circonstance qu'il n'a jamais fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, sur l'absence de liens familiaux stables et anciens sur le territoire national et sur l'appréciation qu'il représente une menace pour l'ordre public au vu des faits pour lesquels il est connu au fichier " FAED ".

26. Même si l'intéressé n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, il s'est maintenu depuis le 5 novembre 2019 sur le territoire national sans avoir demandé le renouvellement de son titre de séjour. La réalité de ses liens privés et familiaux stables et anciens en France n'est pas établie, ainsi qu'il a été dit ci-dessus. Il ne ressort en revanche d'aucune pièce du dossier que les faits de violences signalés en novembre 2019 et reprochés à l'intéressé, faits qu'il ne conteste pas, aient fait l'objet d'une condamnation pénale, ni même d'une information judiciaire, ni qu'ils aient été renouvelés. Ainsi, les motifs retenus par le préfet du Nord ne permettent pas de justifier légalement la durée de la décision d'interdiction de retour en France au regard des critères posés par les dispositions précitées de l'article L. 612-10. En outre, dès lors que l'interdiction de retour sur le territoire français rend impossible l'exercice du droit de visite de M. B... auprès de sa fille mineure selon les modalités et le lieu fixés par le juge aux affaires familiales, la décision en litige porte une atteinte disproportionnée au droit de l'appelant au respect de sa vie familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

27. Il résulte de tout ce qui précède d'une part, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 30 juillet 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 6 juin 2021 par lesquelles le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et d'autre part, que le préfet du Nord n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le même jugement, la magistrate désignée a annulé la décision du 6 juin 2021 prononçant une interdiction de retour de M. B... sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

28. Aux termes de l'article L. 613-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour sur le territoire français est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (UE) n° 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant la convention d'application de l'accord de Schengen et modifiant et abrogeant le règlement (CE) n° 1987/2006. Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. " et aux termes de l'article R. 613-7 du même code : " Les modalités de suppression du signalement d'un étranger effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour sont celles qui s'appliquent, en vertu de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées, aux cas d'extinction du motif d'inscription dans ce traitement. ". Aux termes du IV de l'article 2 du décret du 28 mai 2010 : " IV. - Peuvent également être inscrits dans le fichier à l'initiative des autorités administratives compétentes : ... / 5° Les étrangers faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français non exécutée, en application du I de l'article L. 511-1 ou de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; / 6° Les étrangers faisant l'objet d'une interdiction de retour en application du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pendant sa période de validité ; (...) ".

29. L'exécution du présent arrêt, qui confirme notamment l'annulation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans prise à l'encontre de M. B..., implique seulement la rectification du fichier du système d'information Schengen et celle du fichier des personnes recherchées, en tant que l'intéressé est inscrit dans ces fichiers au titre de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet du Nord ou au préfet territorialement compétent de procéder à cette rectification dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. B... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident présentées par le préfet du Nord sont rejetées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Nord ou au préfet territorialement compétent de rectifier le signalement de M. B... dans le fichier du système d'information Schengen et dans le fichier des personnes recherchées, en tant qu'il est inscrit dans ces fichiers au titre de l'interdiction de retour sur le territoire français, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Les conclusions de M. B... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., au préfet du Nord et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience publique du 22 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. D... A..., magistrat administratif honoraire ;

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-P. A...

La présidente de la formation de jugement,

Signé : C. Baes-Honoré

La greffière,

Signé : S. Cardot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°21DA02190 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02190
Date de la décision : 11/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Baes Honoré
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre Bouchut
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : CARDON

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-10-11;21da02190 ?
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