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17/11/2022 | FRANCE | N°20DA01187

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 novembre 2022, 20DA01187


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, dans la catégorie des plus-values de cession de biens immobiliers.

Par un jugement n° 1710316 du 19 mai 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoi

res, enregistrés le 6 août 2020, le 13 mai 2022, le 10 juin 2022, le 30 août 2022 et le 21 octo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, dans la catégorie des plus-values de cession de biens immobiliers.

Par un jugement n° 1710316 du 19 mai 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 août 2020, le 13 mai 2022, le 10 juin 2022, le 30 août 2022 et le 21 octobre 2022, M. et Mme B..., représentés C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer, à titre principal, la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige, à titre subsidiaire, une réduction de ces impositions et contributions.

Ils soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que la valeur d'inscription du bien à l'actif inclut le montant des travaux réalisés, qui, en conséquence, n'ont pas fait l'objet d'une déduction à titre professionnel en tant que charges, compte-tenu de leur immobilisation, seuls les intérêts des emprunts professionnels ayant été portés en charges ; le refus par l'administration de la déduction des factures correspondantes, dont ils ont pu retracer les modalités de paiement à concurrence d'une somme de 109 270,03 euros, réglée, à hauteur de 47 197,76 euros, à partir de leur compte joint et, à hauteur de 62 072,27 euros, à partir du compte affecté par M. B... à son activité de loueur de meublés, revient ainsi à imposer deux fois ces travaux ; le fait qu'une partie de ces sommes aurait été financée par des prêts professionnels demeure sans incidence sur la prise en compte du coût de ces travaux, pour leur montant réel, dans le cadre de la détermination de la plus-value imposable ; enfin, les entrepreneurs concernés attestent de ce que ces travaux se rapportent à la parcelle cédée, ce que l'administration avait d'ailleurs admis, eu égard à l'objet des factures produites, dans le cadre de la procédure précontentieuse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2020, et par des mémoires, enregistrés le 30 mai 2022, le 13 juin 2022 et le 16 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que M. et Mme B... ne justifiant pas avoir personnellement payé les dépenses de travaux dont ils font état et pour lesquels ils ont fourni plusieurs factures, alors que l'entreprise individuelle de M. B... avait souscrit plusieurs emprunts professionnels dont les échéances ont été portées en charges et que plusieurs factures, représentant un montant total de 62 072,27 euros, ont été réglées à partir du compte bancaire de l'entreprise individuelle de M. B..., le service était fondé à évaluer ceux-ci par application du forfait de 15 % prévu au 4° du II de l'article 150 VB du code général des impôts.

Par un arrêt n°20DA01187 du 30 juin 2022, la cour administrative d'appel de Douai a prescrit, avant dire droit, un supplément d'instruction aux fins, pour M. et Mme B..., de produire les relevés de compte bancaire se rapportant aux travaux d'aménagement dont ils soutenaient, par un tableau précis et non sérieusement contesté, avoir supporté le coût, ainsi que tous éléments de nature à justifier que ces travaux se rapportent effectivement au bien cédé et, pour le ministre, de produire les factures fournies par les intéressés en ce qui concerne ces travaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Guey-Balgairies, substituant Me Stienne-Duwez, représentant M. et Mme B..., ainsi que celles de M. B....

Une note en délibéré, présentée pour M. et Mme B..., C..., a été enregistrée le 4 novembre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... B... ont acquis, selon un acte notarié établi le 2 janvier 2002, un terrain, situé à Lambersart (Nord), couvrant une surface totale de 3 553 m², et qui comprenait alors une construction à usage d'habitation, des garages et plusieurs dépendances. M. et Mme B... ont fait procéder à une division de ce fonds, par acte du 6 août 2013, en plusieurs parcelles et ils ont revendu l'une d'entre elles, d'une surface de 281 m² et désormais cadastrée AN 441, de même que le bâtiment qui y était édifié, dans lequel ils avaient fait aménager des logements meublés. Ayant estimé qu'en raison de l'inscription des biens cédés à l'actif de l'entreprise individuelle de location de meublés exploitée par M. B..., la plus-value de cession réalisée par eux était de nature professionnelle et qu'elle était exonérée, ils n'ont souscrit aucune déclaration spécifique à cette opération et n'ont pas davantage porté cette plus-value dans leur déclaration de revenus d'ensemble. Par un avis du 6 août 2015, M. B... a été informé de l'engagement d'une vérification de comptabilité, en ce qui concerne son activité de loueur de meublés, au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. A l'issue de ce contrôle, l'administration a remis partiellement en cause le régime d'exonération sous lequel M. et Mme B... avaient placé la plus-value réalisée lors de cette cession, après avoir estimé qu'une partie de celle-ci relevait du régime des plus-values des particuliers. L'administration a fait connaître sa position à M. B..., par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 17 juin 2016. Elle a ensuite informé M. et Mme B..., par une proposition de rectification qu'elle leur a adressée le 20 juin 2016, d'une part, des conséquences de ce rehaussement sur le revenu imposable de leur foyer fiscal, d'autre part, de l'imposition de la part de plus-value relevant du régime des particuliers. M. et Mme B... ont vainement présenté des observations, par lesquelles ils ne contestaient d'ailleurs pas le principe de l'imposition d'une partie de la plus-value selon le régime applicable aux particuliers. Les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant des rehaussements notifiés ont été mis en recouvrement le 13 mars 2017, à hauteur d'un montant, en droits et pénalités, de 174 974 euros. Leur réclamation ayant été rejetée, M. et Mme B... ont porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont ainsi été assujettis au titre de l'année 2013, dans la catégorie des plus-values de cession de biens immobiliers. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 19 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

2. Par un arrêt avant dire-droit n°20DA01187 du 30 juin 2022, la cour administrative d'appel de Douai, après avoir écarté la fin de non-recevoir opposée par le ministre, de même que les moyens de M. et Mme B... contestant la régularité de la procédure d'imposition, a confirmé la fixation, par l'administration, à 44 128 euros du prix d'acquisition de la parcelle cédée, en regardant comme non pertinentes les modalités d'évaluation alternatives proposées par M. et Mme B.... Ensuite, après avoir constaté que M. et Mme B... avaient fourni, sous la forme d'un tableau, des éléments précis et non contestés, mais insuffisants à eux seuls, pour démontrer qu'ils avaient effectivement supporté une partie des dépenses se rapportant aux travaux d'aménagement réalisés sur la parcelle cédée, la cour a prescrit un supplément d'instruction aux fins, pour M. et Mme B..., de produire les relevés de compte bancaire se rapportant à ces opérations, ainsi que tous éléments de nature à justifier que celles-ci se rapportent effectivement à la parcelle cédée et, pour le ministre, de produire les factures fournies par les intéressés en ce qui concerne ces travaux.

3. En vertu du I de l'article 150 U du code général des impôts, les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont, en principe, passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. L'article 150 V précise que la plus-value ou moins-value brute réalisée lors de la cession de biens ou droits mentionnés à l'article 150 U est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition par le cédant. L'article 150 VA définit, en son I, le prix de cession comme le prix réel stipulé dans l'acte. En son II, il précise que ce prix est majoré, notamment, de toutes les charges et indemnités mentionnées au deuxième alinéa du I de l'article 683, hors indemnités d'assurance consécutives à un sinistre. En son III, il ajoute que ce prix est réduit, sur justificatifs, du montant de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée et des frais, définis par décret, supportés par le vendeur à l'occasion de cette cession. Enfin, l'article 150 VB définit, quant à lui, en son I, le prix d'acquisition, comme étant celui stipulé dans l'acte et effectivement acquitté par le futur cédant. En son II, cet article précise que ce prix est, sur justificatifs, majoré notamment de toutes les charges et indemnités mentionnées au deuxième alinéa du I de l'article 683, des frais afférents à l'acquisition à titre onéreux définis par décret, que le cédant peut fixer forfaitairement à 7,5 % du prix d'acquisition dans le cas des immeubles, et des dépenses de construction, de reconstruction, d'agrandissement ou d'amélioration, supportées par le vendeur et réalisées par une entreprise depuis l'achèvement de l'immeuble ou son acquisition si elle est postérieure, lorsqu'elles n'ont pas été déjà prises en compte pour la détermination de l'impôt sur le revenu et qu'elles ne présentent pas le caractère de dépenses locatives. Le II ajoute cependant que, lorsque le contribuable, qui cède un immeuble bâti plus de cinq ans après son acquisition, n'est pas en état d'apporter la justification de ces dépenses, une majoration égale à 15 % du prix d'acquisition est pratiquée.

4. Dans le cadre du supplément d'instruction prescrit par la cour, M. et Mme B... ont produit les factures qu'ils avaient déjà fournies à l'administration et ils ont produit, en regard, une copie des chèques émis pour régler ces factures ainsi qu'une copie du relevé de compte bancaire comportant la mention de l'opération correspondante. Il n'est pas contesté que les travaux faisant l'objet de ces factures ne correspondent pas à des dépenses locatives mais procèdent d'une opération de construction, de reconstruction, d'agrandissement ou d'amélioration, au sens des dispositions, rappelées au point précédent, du II de l'article 150 VB du code général des impôts, des dépendances bâties implantées sur la parcelle cédée. En outre, il n'est pas sérieusement contesté que ces factures n'ont donné lieu à aucune déduction en charges de l'activité individuelle de loueur de meublés exercée par M. B..., les appelants confirmant, dans le dernier état de leurs écritures, sans être contredits, que seuls les intérêts des emprunts professionnels contractés par M. B... ont fait l'objet d'une telle déduction en charges, de sorte que les dépenses correspondant à ces factures n'ont pas, par elles-mêmes, été déjà prises en compte pour la détermination de l'impôt sur le revenu, quand bien même certaines ont fait l'objet d'une inscription en immobilisation. Les conditions, posées par le II de l'article 150 VB du code général des impôts, doivent ainsi être regardées comme satisfaites. Enfin, la circonstance que certaines de ces factures ont été réglées à partir du compte bancaire professionnel de M. B... demeure sans incidence sur leur prise en compte pour la détermination de la valeur d'acquisition de la parcelle cédée.

5. Toutefois, si, par les éléments qu'ils ont produits dans le cadre du supplément d'instruction prescrit par la cour, M. et Mme B... justifient avoir effectivement payé ces factures, à concurrence d'un montant de 109 270,03 euros, au moyen de leurs comptes personnels ou du compte professionnel de M. B..., les mentions de ces factures ne permettent pas, ainsi que le relève le ministre, d'établir que les travaux correspondants ont tous été exécutés dans les dépendances bâties situées sur la parcelle cédée, ce que des attestations rédigées, près de dix années après celle en litige, par les entrepreneurs concernés ne peuvent suffire à établir. Ainsi, les factures établies les 1er juin, 22 juin et 30 août 2008 par la société Vecteur Cuivre, qui se rapportent, sans précision sur le lieu de réalisation de ces travaux, à des travaux de protection de tuyauterie, ainsi qu'à des travaux effectués dans " la chaufferie ", ne peuvent être admises. Il en est de même des deux factures établies le 20 décembre 2010 par la société AD Bois, portant, sans plus de précision, sur le remplacement de menuiseries. Dans ces conditions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de regarder les autres factures, dont M. et Mme B... établissent le paiement pour un montant total de 78 675,46 euros, comme se rapportant, y compris celle établie le 20 décembre 2010 par la société AD Bois en ce qui concerne la fourniture et la pose de fenêtres de toit pour 1 582 euros, de telles prestations étant induites par l'aménagement des studios, à des travaux d'aménagement, éligibles, effectués sur les immeubles situés sur la parcelle cédée. Par suite, il y a lieu de majorer de la somme de 78 675,46 euros le prix d'acquisition de la parcelle, tel que retenu par le service pour 44 128 euros.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... sont, dans la mesure de ce qui a été dit au point 5, fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, dans la catégorie des plus-values de cession de biens immobiliers, et qu'ils sont fondés à demander une réduction de la base sur laquelle ces cotisations ont été établies, laquelle réduction devra prendre en compte une valeur d'acquisition de la parcelle cédée s'élevant à 122 803,46 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est accordé à M. et Mme B... une réduction de la base sur laquelle ont été établies les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, dans la catégorie des plus-values de cession de biens immobiliers, laquelle réduction prendra en compte une valeur d'acquisition de la parcelle cédée s'élevant à 122 803,46 euros.

Article 2 : M. et Mme B... sont déchargés, dans la mesure de la réduction de base définie à l'article 1er ci-dessus, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, dans la catégorie des plus-values de cession de biens immobiliers.

Article 3 : Le jugement n° 1710316 du 19 mai 2020 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 27 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

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N°20DA01187

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01187
Date de la décision : 17/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : STIENNE-DUWEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-11-17;20da01187 ?
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