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17/11/2022 | FRANCE | N°21DA00640

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 novembre 2022, 21DA00640


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) STC a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer, en droits et pénalités, d'une part, une réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 novembre 2014, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er décembre 2011 au 30 novembre 2014, d'autre part, la décharge des rappels de taxe sur les véhicules de s

ociété mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) STC a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer, en droits et pénalités, d'une part, une réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 novembre 2014, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er décembre 2011 au 30 novembre 2014, d'autre part, la décharge des rappels de taxe sur les véhicules de société mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2014. Par la même demande, la SAS STC a demandé, en outre, au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1708560 du 21 janvier 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mars 2021, et par un mémoire, enregistré le 19 octobre 2022, qui n'a pas été communiqué, la SAS STC, représentée par Me Drancourt, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer, après avoir procédé à la mesure d'instruction visant, pour la cour, à se faire communiquer le dossier d'immatriculation du véhicule en cause, la réduction ou la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 750 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur ses conclusions tendant à ce qu'une mesure d'instruction soit prescrite afin, pour le tribunal administratif, de se faire communiquer le dossier d'immatriculation du véhicule ayant fait l'objet de l'achat sur lequel ont porté les rectifications contestées ;

- les observations qu'elle a présentées sur la proposition de rectification qui lui a été adressée le 20 novembre 2015 ne peuvent être regardées comme tardives pour l'application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales ;

- sa comptabilité a été écartée à tort comme insuffisamment sincère et probante, alors que l'ensemble des pièces justificatives susceptibles d'appuyer ses écritures comptables, y compris ses registres de police, avaient fait l'objet d'un vol ; elle justifie du dépôt d'une plainte à la suite de cet événement, constitutif d'un cas de force majeure ;

- contrairement à ce qu'a retenu, à tort, le tribunal administratif, la déduction, en tant que charge de l'exercice clos en 2013, de l'achat d'un véhicule, de même que la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée y afférente, n'ont pas été opérées au vu d'une facture de complaisance ; en réalité, la société venderesse a commis une erreur matérielle lors de l'établissement, le 2 octobre 2012, de la facture initiale, en la libellant au nom du titulaire d'une délégation de paiement, une telle délégation ne devant pas faire l'objet, à peine de nullité, d'un quelconque formalisme ; cette erreur a été corrigée par la facture du 2 octobre 2013 que l'administration a regardée à tort comme une facture de complaisance, alors que cette facture a été établie peu avant la livraison du véhicule, en novembre 2013, et à une date à laquelle la société venderesse exerçait encore une activité ; en outre, il n'est pas établi que la personne mise en cause ait acquis la propriété de ce véhicule, puisqu'elle a, en réalité, renoncé à l'acquérir en raison de sa non-conformité à la commande et qu'elle s'en est vu rembourser le prix ; sa comptabilité retrace fidèlement ces opérations successives ; la communication du dossier d'immatriculation détenu par la préfecture permettrait d'identifier le cocontractant de la société venderesse et serait ainsi utile à la solution du litige, alors, par ailleurs, qu'elle verse à l'instruction un bon de commande, matérialisant son accord, ainsi que celui de la venderesse, sur la chose et le prix, ainsi qu'un certificat d'immatriculation établi, pour ce véhicule, à son propre nom ;

- elle est fondée à solliciter la décharge, par voie de conséquence, des pénalités dont les droits en litiges sont assortis, ainsi que de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts ;

- les rappels de taxe sur les véhicules de société mis à sa charge ne sont pas fondés, dès lors que les deux véhicules qui font l'objet de ces rappels, d'une part, sont de ceux qu'elle commercialise habituellement et, d'autre part, sont utilisés par elle pour les besoins de son activité de vente de véhicules d'occasion ; ces véhicules doivent donc bénéficier de l'exonération prévue à l'article 1010 du code général des impôts en faveur des véhicules de démonstration ; la doctrine administrative publiée le 1er octobre 2014 sous la référence BOI-TFP-TVS-10-30 conforte sa position sur ce point.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'est entaché d'aucune omission à statuer, dès lors que ces motifs révèlent que les premiers juges ont, implicitement mais nécessairement, estimé que la mesure d'instruction qui leur était demandée ne présentait pas un caractère utile ;

- la SAS STC, qui a présenté des observations après l'expiration du délai qui lui était imparti à compter de la réception de la proposition de rectification qui lui avait été adressée le 20 novembre 2015, supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des suppléments d'impôt et des rappels de taxe mis à sa charge, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales ;

- le service vérificateur a estimé, à juste titre, que la facture du 3 octobre 2013, au vu de laquelle la SAS STC a enregistré en comptabilité l'achat d'un véhicule d'occasion pour un montant toutes taxes comprises de 55 200 euros, incluant 9 046,15 euros de taxe sur la valeur ajoutée déductible, est une facture de complaisance ; en effet, le fournisseur de ce véhicule, tel que désigné par le registre des biens mobiliers de la SAS STC, est M. A... et non la SARL Mustangs, qui a émis cette facture ; en outre, l'EURL Angebault, qui a, en définitive, acquis ce véhicule, a transmis, à la demande du service vérificateur, une facture d'achat établie, pour ce véhicule, le 3 octobre 2012 au nom de M. A..., par la SARL Mustangs, ainsi qu'une facture d'entretien établie le 27 mars 2014 également au nom de M. A... ; en outre, l'annonce publiée sur un site internet de vente entre particuliers mentionne que ce véhicule a été acquis neuf le 1er octobre 2012 ; il a donc été nécessairement utilisé entre cette acquisition et sa revente, la facture d'entretien établie le 27 mars 2014 révélant que ce véhicule avait, à cette date, parcouru 36 094 kilomètres ; par ailleurs, le mandataire judiciaire de la SARL Mustangs a confirmé au service que l'activité de cette société avait, selon les éléments communiqués par son gérant, cessé en septembre 2013 ; enfin, le règlement de cette facture n'est intervenu que le 27 mai 2014, pour un montant de 20 700 euros, alors que le montant facturé s'élevait à 55 200 euros ;

- la preuve étant rapportée de ce que la facture du 3 octobre 2013 ne correspond pas à une opération réelle, il appartient à la SAS STC, qui supporte la charge de démontrer le caractère exagéré des suppléments d'impôt et de taxes en litige, d'apporter toutes justifications du contraire ; si elle fait état de l'existence d'une délégation de paiement, qu'elle aurait consentie à M. A..., elle ne l'établit pas par les seules pièces qu'elle verse à l'instruction, dont notamment le bon de commande, non daté et non signé, qui ne comporte aucune mention d'une telle délégation ; en outre, la SAS STC n'explique pas la raison pour laquelle elle a communiqué à l'acquéreur final de ce véhicule la facture d'achat du 3 octobre 2012 qui, selon ses allégations, était erronée et a été remplacée par la facture du 3 octobre 2013, qu'elle présente comme une facture rectificative ; en outre, contrairement aux allégations de la SAS STC, la SARL Mustangs ne disposait plus d'aucun établissement au 5 avril 2013 à l'adresse figurant sur cette facture ; par ailleurs, la possession d'un certificat d'immatriculation, qui est un titre de police dont la détention est obligatoire pour la mise en circulation du véhicule mais qui n'est pas un titre de propriété, ne peut suffire à la SAS STC à apporter la preuve de ce que ce véhicule lui a appartenu ; par suite, la mesure d'instruction demandée par cette société ne présente pas un caractère utile ; enfin, les allégations de l'appelante afférente à un retard de livraison de ce véhicule et à une erreur de millésime ne sont appuyées par aucun justificatif ; en conséquence, l'administration était fondée à remettre en cause la déduction de taxe sur la valeur ajoutée pratiquée par la SAS STC, au vu d'une facture au surplus irrégulière en la forme, en ce qui concerne l'achat d'un véhicule, qui, en réalité, était détenu et utilisé par un particulier ;

- la comptabilisation de la dépense d'achat de ce véhicule en tant que charge de l'exercice clos le 30 novembre 2013, au vu d'une facture de complaisance, a été, dans ces conditions, remise en cause à bon droit par l'administration ; toutefois, dès lors que la vente du véhicule a été comptabilisée pour un montant hors taxes de 37 000 euros et par souci de réalisme économique, le vérificateur a déduit du résultat de la SAS STC une charge de 34 000 euros, calculée par application d'un coefficient de marge de 1,09, en cohérence avec les marges pratiquées par l'entreprise sur les ventes de ce type de véhicule, de sorte que le rehaussement a été limité à 12 154 euros ; si la société requérante soutient qu'elle a supporté une charge de 55 200 euros au titre de l'acquisition du véhicule, en faisant valoir que le service a omis de prendre en compte un chèque de 34 500 euros, émis par elle le 15 mai 2014 au bénéfice de M. A..., le libellé de l'opération comptable correspondante ne permet pas d'établir qu'elle concernerait le paiement de ce véhicule, alors d'ailleurs que le libellé figurant sur le relevé de compte bancaire correspondant révèle que ce chèque a été encaissé par une autre personne ;

- la SAS STC ayant sciemment justifié des écritures comptables au moyen d'une facture de complaisance, dans le but de dissimuler l'identité du véritable fournisseur du véhicule, c'est à bon droit que l'administration a fait application de l'amende prévue au 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts ;

- les rappels de taxe sur les véhicules de société ayant été établis d'office, la SAS STC supporte la charge de la preuve de leur caractère exagéré, en application des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration a retenu à bon droit que deux véhicules, respectivement pris en location à compter du 13 mars 2013 et inscrit dans les stocks de la SAS STC depuis 2011, que le dirigeant de cette société a reconnu utiliser régulièrement dans le cadre de son activité et qui ont, respectivement, été mis en vente en mars 2014 et en janvier 2014, entraient dans le champ d'application de la taxe sur les véhicules de société ; contrairement à ce que soutient la SAS STC, ces véhicules ne peuvent être regardés, eu égard notamment à leur millésime et à leur kilométrage aux dates auxquels ils ont été mis en vente, comme des véhicules de démonstration exonérés de cette taxe ; l'appelante n'est, à cet égard, pas fondée à invoquer les énonciations de la doctrine administrative publiée le 1er octobre 2014 sous la référence BOI-TFP-TVS-10-30.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Drancourt, représentant la SAS STC.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) STC, qui a son siège à Cambrai (Nord), exerce une activité de négoce de véhicules d'occasion. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er décembre 2011 au 30 novembre 2014. Au cours de ce contrôle, le vérificateur, après avoir estimé que la comptabilité qui lui avait été présentée n'était pas suffisamment sincère et probante, a entendu remettre en cause la déduction, en tant que charge, d'une dépense liée à l'achat d'un véhicule, ainsi que la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée y afférente, au motif que ces déductions avaient, selon lui, été opérées au vu d'une facture de complaisance. En outre, le vérificateur a estimé que deux véhicules à la disposition de la SAS STC n'avaient pas, à tort, été soumis à la taxe sur les véhicules de société. L'administration a fait connaître sa position, sur ces trois points, à la connaissance de la SAS STC par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 20 novembre 2015. Les observations présentées par la SAS STC n'ayant que partiellement convaincu l'administration, les suppléments d'impôt sur les sociétés, ainsi que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les véhicules de société résultant des rectifications ainsi notifiées et maintenues ont été mis en recouvrement le 31 décembre 2016, à hauteur des montants respectifs de 2 031 euros, 24 407 euros et 15 263 euros, en droits et pénalités. Dans le même temps, une amende d'un montant de 27 600 euros a été mise à la charge de la SAS STC, sur le fondement du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts, pour avoir justifié des écritures comptables par une facture de complaisance. Sa réclamation n'ayant fait l'objet que d'une admission partielle, la SAS STC a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille en lui demandant de prononcer, en droits et pénalités, d'une part, une réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 novembre 2014, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er décembre 2011 au 30 novembre 2014, d'autre part, la décharge des rappels de taxe sur les véhicules de société mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2014. Par la même demande, la SAS STC a demandé, en outre, au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts. La SAS STC relève appel du jugement du 21 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des motifs du jugement attaqué que, pour rejeter les conclusions de la demande de la SAS STC tendant à la décharge des impositions et de l'amende en litige, les premiers juges ont estimé que, par les éléments qu'elle faisait valoir, l'administration établissait que la facture en litige, relative à l'achat d'un véhicule, présentait le caractère d'une facture de complaisance et que la SAS STC, qui ne contestait d'ailleurs pas sérieusement ces éléments en se prévalant d'une délégation de paiement dont la réalité n'était pas établie, ne démontrait pas que cette facture correspondait à une opération réelle. Si les visas de ce jugement font, en outre, mention de la demande de la SAS STC tendant à ce que le tribunal administratif fasse, avant de statuer sur ses conclusions tendant à la réduction ou à la décharge des impositions en litige, usage de ses pouvoirs d'instruction afin d'obtenir de la préfecture la communication du dossier d'immatriculation de ce véhicule, les motifs ainsi retenus par les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'argument tiré, par la SAS STC, de la possession, pour le véhicule en cause, d'un certificat d'immatriculation établi à son nom, étaient, par eux-mêmes, suffisants à permettre à la SAS STC de comprendre que la mesure d'instruction sollicitée par elle ne présentait pas un caractère utile. Par suite, la SAS STC n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer.

Sur le caractère probant de la comptabilité :

3. Il est constant que, si l'administration a regardé comme insuffisamment probante la comptabilité que la SAS STC avait présentée en ce qui concerne la période vérifiée, elle n'a cependant tiré aucune conséquence de ce constat dès lors qu'elle n'a pas procédé à une reconstitution des recettes de l'entreprise, mais qu'elle s'est limitée à remettre en cause la déductibilité d'une dépense, en tant que charge, et de la taxe y afférente, qui avait été portées en déduction au vu d'une facture qu'elle a regardée comme étant de complaisance, et à assujettir la SAS STC à la taxe sur les véhicules de société à raison de deux véhicules en sa possession. Par suite, le moyen tiré par la SAS STC de ce que sa comptabilité, alors que l'ensemble des pièces justificatives susceptibles d'appuyer ses écritures comptables, y compris ses registres de police, avaient fait l'objet d'un vol, a été regardée à tort comme insuffisamment sincère et probante doit être écarté comme inopérant, alors d'ailleurs que l'absence de pièces justificatives n'est pas le seul motif retenu par le service pour estimer cette comptabilité non probante.

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

4. En vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services. Dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y est mentionnée, d'établir, indépendamment de la procédure d'imposition mise en œuvre, qu'il s'agit d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance. Si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération.

5. Au cours de la vérification de comptabilité dont la SAS STC a fait l'objet, le vérificateur a constaté que cette société avait porté en déduction de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle était redevable la taxe mentionnée, pour un montant de 9 046,15 euros, sur une facture émise le 3 octobre 2013 par la SARL Mustangs, portant sur l'acquisition, auprès de cette société, d'un véhicule Dodge Ram Sport 2012 pour un prix toutes taxes comprises de 55 200 euros. L'administration a remis en cause la déductibilité de cette taxe après avoir estimé que la facture du 3 octobre 2013 avait la nature d'une facture de complaisance.

6. Pour établir, comme il lui incombe, que cette facture ne correspond pas à une opération réelle, mais qu'elle a la nature d'une facture de complaisance, le ministre fait valoir, en s'appropriant notamment les motifs de la proposition de rectification adressée le 20 novembre 2015 à la SAS STC, que le nom du fournisseur du véhicule ayant fait l'objet de l'achat en cause, tel que mentionné sur le registre des biens mobiliers que la SAS STC a pu présenter au vérificateur, est M. A..., et non la SARL Mustangs qui a émis cette facture. Le ministre fait valoir, en outre, que l'EURL Angebault, qui a, en définitive, acquis ce véhicule, a transmis, à la demande du service vérificateur, qui a exercé à son égard son droit de communication, une facture d'achat établie, pour ce véhicule, le 3 octobre 2012 au nom de M. A..., par la SARL Mustangs, ainsi qu'une facture d'entretien établie le 27 mars 2014 également au nom de M. A.... Le ministre ajoute que ces éléments d'information sont corroborés par les mentions d'une annonce publiée sur un site internet de vente entre particuliers, selon lesquelles ce véhicule a été acquis neuf le 1er octobre 2012. Le ministre en tire la conséquence que ce véhicule a nécessairement été utilisé entre cette date, à laquelle il a été acquis, et sa revente, intervenue le 8 mai 2014, dès lors que, selon la facture d'entretien établie le 27 mars 2014, soit moins de deux mois auparavant, ce véhicule avait parcouru 36 094 kilomètres. Le ministre fait, par ailleurs, valoir que le mandataire judiciaire de la SARL Mustangs a confirmé au service que l'activité de cette société avait, selon les éléments communiqués par son gérant, cessé, à compter du 5 avril 2013, à l'adresse mentionnée sur la facture litigieuse, émise par elle le 3 octobre 2013. Enfin, le ministre fait observer que le règlement de cette facture n'est intervenu que le 27 mai 2014, soit après même la revente du véhicule, et que ce règlement a été effectué à hauteur d'une somme de 20 700 euros, alors que le montant facturé s'élevait à 55 200 euros. Le ministre tire de ces éléments la conclusion que la facture au vu de laquelle la SAS STC a procédé à la déduction de taxe sur la valeur ajoutée remise en cause par le service, a été regardée bon droit par celui-ci comme ne correspondant à aucune transaction réelle, l'acquisition du véhicule en cause étant, en réalité, antérieure et ayant été effectuée par un autre acquéreur que la SAS STC, de sorte que cette facture a permis à cette dernière de réduire indûment sa dette de taxe sur la valeur ajoutée.

7. Si, pour combattre ces éléments, la SAS STC soutient que la facture initialement établie par la SARL Mustangs le 3 octobre 2012 a été libellée par erreur au nom de M. A..., alors que celui-ci agissait seulement en tant qu'intermédiaire, en exécution d'une délégation de paiement qu'elle avait conclue avec lui, elle n'apporte aucun élément au soutien de ces assertions. A cet égard, si les dispositions du code civil ne subordonnent la validité d'une telle délégation à aucun formalisme particulier, il appartient au délégant de prendre les mesures propres à lui permettre de rendre celle-ci opposable aux tiers et de justifier de son existence. Il ne peut davantage être tenu pour établi, dans ces conditions, que la facture du 3 octobre 2013, regardée par l'administration comme présentant la nature d'une facture de complaisance, a été émise, comme l'allègue la SAS STC, dans le seul but de corriger l'erreur commise pour l'établissement, au demeurant un an auparavant, de la facture du 3 octobre 2012. En outre, la SAS STC ne produit aucun élément probant au soutien de ses allégations selon lesquelles le délai d'un an séparant l'émission de ces deux factures s'expliquerait par un délai de livraison anormalement long et par le constat, par l'acheteur, d'une erreur du fournisseur dans les caractéristiques du véhicule commandé. De même, si elle soutient que M. A... a finalement renoncé, compte-tenu de cette erreur, à acquérir le véhicule, dont elle a donc acquis la propriété, la seule production d'un certificat d'immatriculation établi à son nom, pour ce véhicule, le 31 décembre 2013, ne peut suffire à corroborer ses allégations, dès lors qu'un tel document ne constitue pas un titre de propriété, mais seulement un titre de police autorisant la mise en circulation du véhicule par son titulaire. Par suite, la production du dossier d'immatriculation de ce véhicule ne serait pas utile à la solution du litige. Cette preuve ne peut davantage être apportée par la copie d'un bon de commande non daté et non signé, qui n'est, en conséquence, pas de nature à permettre la constatation d'un accord sur la chose et le prix. Enfin, si, comme le relève la SAS STC, le ministre mentionne, dans un premier temps, à tort, dans son mémoire en défense, que la SARL Mustangs n'exerçait plus aucune activité à compter du mois de septembre 2013, il corrige cette erreur en indiquant, aux pages suivantes du même mémoire, que, selon les éléments d'information communiqués au service par le mandataire judiciaire de la SARL Mustangs, celle-ci ne disposait plus d'aucun établissement au 5 avril 2013 à l'adresse figurant sur la facture émise le 3 octobre 2013, ce que la SAS STC ne conteste pas. Dans ces conditions, la société requérante ne conteste pas sérieusement les éléments avancés par le ministre, qui doit donc être regardé comme établissant que la facture du 3 octobre 2013 présente le caractère d'une facture de complaisance. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction de taxe sur la valeur ajoutée pratiquée par la SAS STC au vu de cette facture.

Sur le bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

8. Selon le 1 de l'article 39 du code général des impôts, le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment, selon le 1° de ce 1, les frais généraux de toute nature.

9. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions susmentionnées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net, défini à l'article 38 de ce code, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.

10. Au cours de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SAS STC, il est apparu que cette société avait déduit, de son résultat imposable de l'exercice clos le 30 novembre 2013, une somme de 46 154 euros, au vu de la facture établie le 3 octobre 2013 par la société Mustangs, pour un montant de 55 200 euros toutes taxes comprises, et qui portait sur l'acquisition, auprès de cette société, d'un véhicule Dodge Ram Sport 2012, que la SAS STC a ensuite revendu à la société Angebault le 8 mai 2014 pour un montant de 37 500 euros hors taxes. Estimant que la facture du 3 octobre 2013 était une facture de complaisance, le service vérificateur a réintégré au résultat de l'exercice suivant, clos le 30 novembre 2014, une somme correspondant à la différence entre la somme de 46 154 euros initialement déduite et la somme de 34 000 euros résultant d'une évaluation, dans un souci de réalisme économique, du coût d'acquisition dudit véhicule, déterminé par application d'un coefficient de marge de 1,09, regardé comme cohérent par rapport aux marges pratiquées par l'entreprise sur les ventes de ce type de véhicule, de sorte que le rehaussement du résultat imposable de la SAS STC a été limité à 12 154 euros.

11. La SAS STC, à qui il incombe de justifier du bien-fondé de l'écriture de charge qu'elle a portée en comptabilité et qui a été remise en cause par le service, soutient qu'elle a réellement supporté une charge de 55 200 euros au titre de l'acquisition du véhicule. Toutefois, alors d'ailleurs qu'elle n'a elle-même porté en déduction, en tant que charge, qu'une somme de 46 154 euros au titre de l'acquisition de ce véhicule, elle n'établit pas que le chèque de 34 500 euros, émis par elle le 15 mai 2014 au bénéfice de M. A..., dont elle fait état, se rapporterait à cet achat, alors que le ministre fait valoir, sans être contredit, d'une part, que le libellé de l'opération comptable correspondante ne permet pas d'établir qu'elle concernerait le paiement de ce véhicule et, d'autre part, que le libellé figurant sur le relevé de compte bancaire correspondant révèle que ce chèque a été encaissé par une autre personne. En outre, si la SAS STC soutient, dans son dernier mémoire, avoir effectué deux autres versements, opérés pour les montants respectifs de 10 500 euros et de 10 200 euros, au profit d'ailleurs de M. A... et non de la SARL Mustangs, elle n'en justifie pas, en tout état de cause, alors, au demeurant, que, comme elle l'admet, le second de ces versements n'a pas été effectué par elle, mais, à titre personnel, par son gérant. Dans ces conditions, et alors que le ministre établit, ainsi qu'il a été dit aux points 6 et 7, que l'écriture de charge remise en cause par le service a été portée en comptabilité au vu d'une facture de complaisance, la SAS STC n'apporte pas d'éléments suffisants pour remettre en cause l'analyse, sur ce point, de l'administration, qui a pu à bon droit réintégrer, selon des modalités qui ne sont pas contestées, la somme de 12 154 euros au résultat imposable de l'exercice clos le 30 novembre 2014.

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur les véhicules de société :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

12. En vertu de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. L'article R. 193-1 de ce livre précise qu'il lui appartient, pour ce faire, de démontrer le caractère exagéré des suppléments d'impôt mis à sa charge.

13. Les rappels de taxe sur les véhicules de société mis à la charge de la SAS STC au titre de la période allant du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2014 ont été établis et notifiés selon la procédure de taxation d'office. Dès lors, la SAS STC supporte, s'agissant de ces rappels de taxe, la charge de la preuve de leur caractère exagéré.

En ce qui concerne l'assujettissement à la taxe sur les véhicules de sociétés des deux véhicules en cause :

14. Aux termes de l'article 1010 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules de tourisme qu'elles utilisent en France, quel que soit l'Etat dans lequel ils sont immatriculés, ou qu'elles possèdent et qui sont immatriculés en France. Sont considérés comme véhicules de tourisme les voitures particulières au sens du 1 du C de l'annexe II à la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 septembre 2007, établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules, ainsi que les véhicules à usages multiples qui, tout en étant classés en catégorie N1 au sens de cette même annexe, sont destinés au transport de voyageurs et de leurs bagages ou de leurs biens. / (...) / La taxe n'est toutefois pas applicable aux véhicules destinés exclusivement soit à la vente, soit à la location de courte durée, soit à l'exécution d'un service de transport à la disposition du public, lorsque ces opérations correspondent à l'activité normale de la société propriétaire. / (...) / Lorsqu'elle est exigible en raison des véhicules pris en location, la taxe est à la charge de la société locataire. (...) ".

15. Au cours du contrôle dont a fait l'objet la SAS STC, le vérificateur a constaté qu'un véhicule Mini Countryman avait été pris en location par cette société à compter du 13 mars 2013, avant d'être mis en vente en mars 2014. Il a également constaté qu'un autre véhicule, de type Audi A 5, était inscrit dans les stocks de la SAS STC depuis 2011, avant d'être mis lui aussi en vente, en janvier 2014, les factures d'entretien de ce véhicule, auxquelles le vérificateur a eu accès, mentionnant que le compteur kilométrique affichait 49 000 kilomètres en mars 2012 et 79 000 kilomètres en janvier 2014. Dans le cadre du débat oral et contradictoire avec le vérificateur, le dirigeant de la SAS STC a reconnu utiliser régulièrement ces deux véhicules dans le cadre de son activité. Le service en a déduit que ceux-ci entraient dans le champ d'application de la taxe sur les véhicules de société et que c'est à tort qu'ils n'avaient pas été soumis à cette taxe.

16. La SAS STC soutient que ces deux véhicules figuraient dans ses stocks et qu'ils étaient destinés à la revente, dans le cadre de l'exercice normal de son activité. Elle précise qu'il s'agissait de véhicules de démonstration, destinés à permettre à sa clientèle d'essayer deux types de véhicules qu'elle proposait couramment à la vente, et en déduit que ces véhicules étaient exonérés, par nature, de la taxe sur les véhicules de société. Toutefois, la SAS STC, qui supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des rappels de taxe mis à sa charge et qui ne conteste pas que ces véhicules n'étaient pas exclusivement destinés à la vente mais qu'ils ont, durant la période vérifiée, été habituellement utilisés par son dirigeant pour ses déplacements professionnels et non de façon occasionnelle pour des déplacements personnels, n'apporte aucun élément au soutien de ces allégations. Au demeurant, ainsi que le relève le ministre, la nature de l'activité de la SAS STC, qui consiste à commercialiser non pas des véhicules neufs mais des véhicules d'occasion, ainsi que l'ancienneté de ces deux véhicules et le kilométrage affiché à la date de leur revente rendent peu plausibles l'utilisation de ceux-ci à des fins de démonstration. Il suit de là que c'est à bon droit que l'administration a soumis ces deux véhicules à la taxe sur les véhicules de société au titre de la période allant du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2014. La SAS STC n'est pas fondée à invoquer, à cet égard, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les énonciations de la doctrine administrative publiée le 1er octobre 2014 sous la référence BOI-TFP-TVS-10-30, qui ne comportent pas une interprétation formelle de la loi fiscale qui soit différente de celle dont le présent arrêt fait application.

Sur l'amende et les pénalités :

17. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 16 que la SAS STC n'est pas fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, ainsi que des rappels de taxe sur les véhicules de société qui lui ont été assignés. Par suite, ses conclusions tendant, par voie de conséquence, à la décharge des pénalités dont ont été assortis ces cotisations ou rappels et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts, ne peuvent qu'être rejetées.

18. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée, que la SAS STC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS STC est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS STC et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 27 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

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N°21DA00640

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3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00640
Date de la décision : 17/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DRANCOURT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-11-17;21da00640 ?
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