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29/11/2022 | FRANCE | N°21DA01407

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 29 novembre 2022, 21DA01407


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E..., Mme G... B... épouse E... et M. H... E... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 12 février 2016 du préfet de la Somme accordant à M. I... C... l'autorisation d'exploiter une superficie de 63,9155 hectares de terres situées sur le territoire de la commune de Quend, dont neuf parcelles appartiennent à M. et Mme E... et six parcelles à d'autres propriétaires, ensemble la décision implicite du 26 juin 2016 de rejet de leur recours gracieux formé à l'encontre de

cette décision.

Par un jugement n° 1602297 du 29 mai 2018, le tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E..., Mme G... B... épouse E... et M. H... E... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 12 février 2016 du préfet de la Somme accordant à M. I... C... l'autorisation d'exploiter une superficie de 63,9155 hectares de terres situées sur le territoire de la commune de Quend, dont neuf parcelles appartiennent à M. et Mme E... et six parcelles à d'autres propriétaires, ensemble la décision implicite du 26 juin 2016 de rejet de leur recours gracieux formé à l'encontre de cette décision.

Par un jugement n° 1602297 du 29 mai 2018, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à leur demande en annulant l'intégralité de l'arrêté préfectoral attaqué.

Par un arrêt n° 18DA01484,18DA01573 du 14 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel du ministre de l'agriculture et de l'alimentation, d'une part, de M. I... C... et de M. F... C..., d'autre part, fait droit à l'appel du ministre et partiellement droit à l'appel des consorts C... en annulant ce jugement en tant seulement qu'il annule l'arrêté du 12 février 2016 accordant à M. C... l'autorisation d'exploiter les six parcelles n'appartenant pas à M. et Mme E..., cadastrées AO 141, 142, 144, 145, 146 et 150 et a rejeté le surplus des conclusions des consorts C... dirigées contre l'annulation, par le tribunal, de l'autorisation d'exploiter les neuf parcelles appartenant à M. et Mme E....

Par une décision n° 437587 du 16 juin 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par MM. Jean-Philippe et Dominique C..., annulé l'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai n° 18DA01484, 18DA01573 en date du 14 novembre 2019 rejetant les conclusions de MM. Jean-Philippe et Dominique C... dirigées contre le jugement du 29 mai 2018 du tribunal administratif d'Amiens ayant annulé l'arrêté du 12 février 2016 accordant à M. I... C... l'autorisation d'exploiter les parcelles appartenant à M. et Mme E..., et a renvoyé l'affaire, dans la limite de la cassation prononcée, devant la même cour.

Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'Etat :

Par un mémoire, enregistré après renvoi le 21 février 2022, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour de rejeter les conclusions de M. I... C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et s'en remet pour le surplus à la sagesse de la cour.

Il soutient que M. C... défendant la légalité de l'arrêté préfectoral lui accordant l'autorisation d'exploiter, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

Par des mémoires, enregistrés après renvoi les 14 mars, 14 mai et 24 octobre 2022, MM. Jean-Philippe et Dominique C..., représentés par Me Marjorie Drieux-Vadunthun, demandent à la cour d'annuler le jugement n° 1602297 du 29 mai 2018 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il annule l'arrêté du 12 février 2016 accordant l'autorisation d'exploiter les neuf parcelles appartenant à M. et Mme E..., cadastrées section AO n° 6 à 11, section AP n° 25, section ZA n° 23 et section ZC n° 29, et de mettre à la charge de MM. Guillaume et Pierre E... et Mme G... B... épouse E... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

Ils soutiennent que :

- M. et Mme E... ayant été informés de l'intention de M. I... C... d'exploiter leurs terres, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 14 novembre 2019 pour erreur de droit, par suite, leur demande relative à l'autorisation d'exploiter les terres appartenant à M. et Mme E... est régulière ;

- la décision du Conseil d'Etat est entachée d'une simple erreur matérielle car il ne s'agit pas de six mais de neuf parcelles appartenant à M. et Mme E... ;

- l'article 1er de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 14 novembre 2019 qui annule le jugement annulant l'autorisation d'exploiter accordée pour les parcelles n'appartenant pas à M. et Mme E..., non visé par le pourvoi, est passé en force de chose jugée et, concernant les parcelles de M. et Mme E..., la cour ne pourra que confirmer le raisonnement déjà tenu dans son arrêt du 14 novembre 2019 sur l'ordre de priorité des demandes ;

- si la cour considérait qu'elle n'était pas tenue par le raisonnement motivant son arrêt du 14 novembre 2019, elle ne pourra que constater que la demande de M. I... C... relève d'un rang de priorité supérieur à celle de M. H... E... ; les consorts E..., s'ils critiquent la motivation et l'application du droit par l'arrêt du 14 novembre 2019, sont hors délai de pourvoi en cassation et les différents critères, notamment la viabilité de l'exploitation de M. I... C..., ont fait l'objet d'un examen par l'autorité administrative ;

- la candidature de M. H... E... comporte de fausses informations car le numéro SIRET porte sur une activité individuelle radiée qui a cessé depuis 2006, il ne s'agit pas de l'agrandissement d'une exploitation individuelle et il a déclaré ne pas être associé exploitant dans une société d'exploitation agricole alors qu'il est co-gérant de l'EARL E... depuis l'année 2006.

Par des mémoires, enregistrés après renvoi les 14 avril, 5 mai et 10 novembre 2022, MM. Pierre et Guillaume E... et Mme G... B... épouse E..., représentés par Me Marie Soyer, demandent à la cour de rejeter les conclusions de MM. C... tendant à l'annulation du jugement n° 1602297 du 29 mai 2018 du tribunal administratif d'Amiens et de mettre à la charge de MM. C... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la cassation est dépourvue d'effet car le Conseil d'Etat a commis une erreur à l'article 1er du dispositif de sa décision du 16 juin 2021 en visant six parcelles situées sur le territoire de la commune de Quend alors qu'il n'était pas saisi sur ce point, le litige sur l'autorisation d'exploiter les six parcelles de terres n'appartenant pas aux époux E... ayant été définitivement tranché par la Cour ;

- ils persistent à considérer, nonobstant la décision du Conseil d'Etat, que la procédure est entachée d'irrégularité dès lors que le dossier n'était pas complet et ne pouvait pas être instruit puisque MM. Dominique et Jean-Philippe C... ne justifiaient pas les avoir informés conformément aux dispositions de l'article R. 331-4 du code rural et de la pêche maritime ;

- M. I... C... ne démontre pas que sa demande relève d'un rang de priorité supérieur à celle de M. H... E..., la demande de M. I... C... ne lui permet pas d'atteindre le seuil de viabilité et relève du rang de priorité 1.7, au mieux du rang 1.3 alors que la demande de M. H... E... relève du rang de priorité 1.3, à titre subsidiaire, s'il faut départager les candidats, les consorts C... ne démontrent pas disposer de bâtiments à proximité des biens objet de la demande, contrairement à M. H... E... et il faut tenir compte de la situation personnelle des pétitionnaires, M. C... étant célibataire sans enfant alors que M. E... est marié et père de deux enfants ;

- la candidature de M. H... E... ne comportait pas d'informations fausses et une éventuelle inexactitude n'a pas influencé la décision prise.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. I... C... a demandé, le 21 décembre 2015, l'autorisation d'exploiter une superficie de 61 hectares 63 ares 52 centiares de terres situées sur le territoire de la commune de Quend composée de neuf parcelles cadastrées AO n° 6 à 11 et section ZA n° 23, section ZC n° 29 et section AP n° 25, auparavant mises en valeur par son père, M. F... C... et dont M. A... E... et Mme K... sont propriétaires, ainsi que six parcelles d'une superficie de 2 hectares 28 ares 3 centiares situées sur la même commune, cadastrées AO 141, 142, 144, 145, 146 et 150 appartenant à d'autres propriétaires. M. H... E... a présenté une demande concurrente en demandant l'autorisation d'exploiter huit des neuf parcelles appartenant à ses parents, pour une superficie de 61 hectares 63 ares 52 centiares, cadastrées ZC n° 29, ZA n°23 et AO n °6 à 11. Après consultation de la commission départementale d'orientation de l'agriculture le 3 février 2016, le préfet de la Somme a, par un arrêté du 12 février 2016, accordé à M. I... C... l'autorisation demandée et, par un second arrêté du même jour, M. H... E... a également été autorisé à exploiter la superficie de 61 hectares 63 ares 52 centiares de terres demandée.

2. M. A... E..., Mme G... K... et M. H... E... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 février 2016 du préfet de la Somme accordant à M. I... C... l'autorisation d'exploiter une superficie de 63,9 hectares de terres situées sur le territoire de la commune de Quend (Somme), ainsi que la décision par laquelle il a rejeté leur recours gracieux contre cette décision. Par un jugement n° 1602297 du 29 mai 2018, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à leur demande en annulant l'intégralité de l'arrêté préfectoral attaqué. Par un arrêt n° 18DA01484, 18DA01573 du 14 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel du ministre de l'agriculture et de l'alimentation, d'une part, de M. I... C... et de M. F... C..., d'autre part, prononcé l'annulation de la partie de ce jugement annulant l'arrêté du 12 février 2016 accordant à M. C... l'autorisation d'exploiter les six parcelles cadastrées AO 141, 142, 144, 145, 146 et 150 appartenant à d'autres propriétaires, au motif que MM. E... et Mme E... étaient dépourvus d'intérêt à agir pour cette partie de l'autorisation et a rejeté le surplus des conclusions des consorts C....

3. Par une décision n° 437587 du 16 juin 2021, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par MM. Jean-Philippe et Dominique C..., a annulé l'article 2 de l'arrêt n° 18DA01484, 18DA01573 de la cour rejetant leurs conclusions dirigées contre le jugement du 29 mai 2018 du tribunal administratif d'Amiens annulant l'arrêté du 12 février 2016 accordant à M. I... C... l'autorisation d'exploiter les parcelles appartenant à M. et Mme E... et a renvoyé l'affaire, dans la limite de la cassation prononcée, à la cour administrative d'appel de Douai.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par les consorts E... :

4. Il est constant que M. I... C... avait la qualité de défendeur de première instance avec M. F... C.... Par suite, il a intérêt à faire appel du jugement du tribunal administratif d'Amiens annulant l'arrêté du 12 février 2016 lui accordant l'autorisation d'exploiter en litige. La fin de non-recevoir opposée par les consorts E... doit, par suite, être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. M. I... C... et M. F... C... soutiennent que le tribunal administratif d'Amiens a statué " ultra petita " en annulant l'arrêté litigieux dans son ensemble alors qu'il n'était saisi de conclusions qu'aux fins d'annulation de l'autorisation portant sur les parcelles d'une superficie de 61 hectares 63 ares 52 centiares appartenant à M. et Mme E.... Toutefois, ce moyen est irrecevable en ce qu'il relève d'une cause juridique distincte et n'a été soulevé par les consorts C... que dans un mémoire enregistré le 6 mars 2019, après l'expiration du délai de recours contentieux.

Sur la légalité de l'arrêté du 12 février 2016 accordant à M. I... C... l'autorisation d'exploiter :

6. En premier lieu, il ressort du point 5 des motifs de la décision du Conseil d'Etat qu'il annule l'arrêt n° 18DA01484, 18DA0573 de la cour administrative d'appel de Douai " en tant seulement qu'il rejette l'appel de MM. Jean-Philippe et Dominique C... relatif à l'autorisation d'exploiter les terres appartenant à M. et Mme E... ", c'est-à-dire les neuf parcelles cadastrées section AO n° 6 à 11, section ZA n° 23 et ZC n° 29, et section AP n° 25. La circonstance que le Conseil d'Etat a commis une erreur de plume à l'article 1er du dispositif de sa décision du 16 juin 2021, en évoquant six au lieu de neuf parcelles situées sur le territoire de la commune de Quend, est sans incidence sur la solution du litige et ne prive pas la cassation de son effet.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction applicable au présent litige : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; (...) / L'autorisation peut n'être délivrée que pour une partie de la demande, notamment si certaines des parcelles sur lesquelles elle porte font l'objet d'autres candidatures prioritaires. Elle peut également être conditionnelle ou temporaire (...) ". Aux termes de l'article 2 du schéma directeur départemental des structures agricoles de la Somme, arrêté par le préfet de la Somme le 22 février 2011 : " En fonction des orientations définies à l'article 1, les autorisations d'exploiter sont accordées selon les ordres de priorité décrits en 1 et 2 de cet article ". Aux termes du 1. du même article : " Lorsque le bien objet de la demande a une superficie supérieure à 0,5 UR les autorisations d'exploiter sont accordées selon l'ordre de priorité suivant : / (...) / 12 - les installations à titre principal d'un jeune agriculteur qui répond aux conditions d'accès aux aides à l'installation, et présentant un projet économiquement viable (...) ; / 13 - les installations progressives (première installation avec présentation d'un projet viable et des motivations) permettant d'atteindre au minimum la viabilité (1 UR) dans les 5 ans suivants l'installation ; / 15 - favoriser l'agrandissement des exploitations agricoles inférieures à une Unité de Référence afin de faire en sorte qu'elles puissent atteindre ce seuil ".

8. Le préfet, saisi de demandes concurrentes d'autorisation d'exploiter portant sur les mêmes terres, doit, pour statuer sur ces demandes, observer l'ordre des priorités établi par le schéma directeur départemental des structures agricoles. Il peut être conduit à délivrer plusieurs autorisations lorsque plusieurs candidats à la reprise relèvent du même rang de priorité et qu'aucun autre candidat ne relève d'un rang supérieur.

9. Comme il a été dit au point 1, M. I... C... et M. H... E... ont présenté des demandes d'exploitation en partie concurrentes en tant qu'elles portent sur les mêmes parcelles dont M. A... E... et Mme G... E... sont propriétaires. Le préfet de la Somme, saisi de demandes concurrentes, était ainsi tenu d'observer l'ordre des priorités établi par le schéma directeur départemental des structures agricoles. Il ressort des pièces du dossier que M. I... C..., âgé de vingt-huit ans et exerçant un emploi à la fédération départementale des coopératives d'utilisation de matériel agricole de la Somme, a souhaité s'installer en qualité d'agriculteur après avoir démissionné de son emploi. Son projet répond également aux conditions d'accès aux aides à l'installation. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce projet ne serait pas économiquement viable quand bien-même il concernerait une superficie inférieure au seuil de viabilité fixé à 80 hectares par le schéma départemental des structures agricoles du département de la Somme, dès lors que l'objectif de la réglementation en matière de contrôle des structures agricoles est de permettre d'atteindre progressivement ce seuil. Au regard des priorités fixées par le schéma départemental des structures agricoles concernant les biens, objet de la demande ayant une superficie supérieure à 0,5 UR, applicables, sa demande relève ainsi de la priorité énoncée au n° 12 du point 1 de l'article 2, relative aux installations à titre principal d'un jeune agriculteur qui répond aux conditions d'accès aux aides à l'installation et présente un projet économiquement viable. Quant à la demande de M. H... E..., âgé de trente-huit ans, qui a présenté une demande concurrente, celui-ci mettait déjà en valeur 31 hectares 23 ares au sein de l'EARL E... qui exploite 122 hectares 88 ares 35 centiares et a souhaité s'installer à titre individuel. Sa demande ne peut ainsi être regardée comme un agrandissement mais comme une installation progressive et elle relève, par suite, de la priorité précitée énoncée au n° 13 du point 1 de l'article 2 du schéma. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la demande d'autorisation d'exploiter de M. I... C... relève d'un rang de priorité supérieur à celui de M. H... E....Par suite, les consorts C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 12 février 2016 accordant à M. I... C... l'autorisation d'exploiter, au motif que les deux projets relevaient du même rang de priorité et que le préfet de la Somme avait commis une erreur de droit en ne faisant pas application des critères permettant de les hiérarchiser, fixés par le schéma départemental des structures agricoles.

10. Il appartient toutefois à la cour, saisie dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par les consorts E... devant les premiers juges et repris en appel.

11. Lorsqu'une opération portant sur une exploitation agricole est, en vertu du I de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, au nombre de celles soumises à autorisation dans le cadre du contrôle des structures agricoles, la demande d'autorisation est présentée conformément aux dispositions de l'article R. 331-4 du même code. Le deuxième alinéa de cet article dispose en particulier que : " Si la demande porte sur des biens n'appartenant pas au demandeur, celui-ci doit justifier avoir informé par écrit de sa candidature le propriétaire ". Par ailleurs, en vertu du I de l'article R. 331-5 du même code, lorsque la commission départementale d'orientation de l'agriculture mentionnée à l'article R. 313-l est saisie : " (...) Les candidats, les propriétaires et les preneurs en place sont informés de la date d'examen des dossiers les concernant par la commission par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou remise contre récépissé ".

12. S'il résulte des dispositions citées ci-dessus de l'article R. 331-4 du code rural et de la pêche maritime que, lorsque la demande d'autorisation d'exploitation agricole émane d'une personne qui n'est pas propriétaire des parcelles en cause, cette personne doit en principe avoir informé elle-même le propriétaire de sa candidature, l'absence dans le dossier de demande de la pièce établissant qu'il a procédé à cette information n'est pas par elle-même de nature à entacher sa demande d'irrégularité, dès lors que le propriétaire a été effectivement informé de sa candidature, y compris, le cas échéant, par l'administration au cours de l'instruction du dossier, dans des conditions lui permettant de présenter, en temps utile, ses observations écrites. Lorsque la demande est soumise à la commission départementale d'orientation de l'agriculture, l'information du propriétaire doit lui permettre de présenter utilement ses observations préalablement à la réunion de cette commission. A défaut d'avoir été assurée par le demandeur lui-même, cette information peut résulter de la lettre recommandée que l'administration adresse au propriétaire pour l'informer de l'examen de cette candidature par la commission, conformément aux dispositions de l'article R. 331-5 du même code.

13. Il ressort des pièces du dossier que si M. et Mme E... contestent avoir été spécialement informés de l'intention de M. I... C... d'exploiter leurs terres par l'intéressé lui-même, ils ne contestent pas avoir reçu la lettre du 15 janvier 2016 par laquelle le préfet de la Somme, en les informant de l'examen de la candidature de M. I... C... par la commission départementale d'orientation de l'agriculture, les invitait à formuler leurs observations écrites sur cette candidature. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 12 février 2016 a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement n° 1602297 du 29 mai 2018 du tribunal administratif d'Amiens pour le surplus du dispositif prononçant l'annulation de l'arrêté du 12 février 2016 accordant à M. I... C... l'autorisation d'exploiter les neuf parcelles appartenant aux consorts E..., qui n'a pas été déjà annulé par l'article 1er passé en force de chose jugée de l'arrêt de la cour n°18DA01484, 18DA01573 du 14 novembre 2019 et de rejeter la demande de MM. Pierre et Guillaume E... et de Mme G... B... épouse E....

Sur les dépens et les frais liés à l'instance :

15. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions présentées à ce titre par MM. Jean-Philippe et Dominique C..., dépourvues d'objet, doivent être rejetées,

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par MM. Pierre et Guillaume E... et Mme G... B... épouse E... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens, les consorts C... n'étant pas la partie perdante à l'instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par à MM. Dominique et Jean-Philippe C....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1602297 du 29 mai 2018 du tribunal administratif d'Amiens est annulé pour le surplus du dispositif prononçant l'annulation de l'arrêté du 12 février 2016 accordant à M. I... C... l'autorisation d'exploiter les neuf parcelles appartenant aux consorts E....

Article 2 : La demande de MM. Pierre et Guillaume E... et de Mme G... B... épouse E... est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, à M. I... C..., à M. F... C..., à M. A... E..., à Mme G... B... épouse E... et à M. H... E....

Copie en sera adressée au préfet de la région Hauts-de-France et au préfet de la Somme.

Délibéré après l'audience publique du 15 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2022.

Le président-rapporteur,

Signé : M. D...La présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : Anne-Sophie Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°21DA01407


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01407
Date de la décision : 29/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Marc Baronnet
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : SCP LACHAUD MANDEVILLE COUTADEUR et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-11-29;21da01407 ?
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