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05/01/2023 | FRANCE | N°22DA00926

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 05 janvier 2023, 22DA00926


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... demandé au tribunal administratif de Lille, par quatre demandes distinctes, en premier lieu, d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2020 par lequel le maire de la commune d'Orchies a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie dont il souffre et, d'autre part, d'enjoindre au maire de la commune d'Orchies de reconnaître cette imputabilité et de le placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 17 décembre 2014,

jusqu'à la consolidation de son état de santé, ou à défaut, de procéder a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... demandé au tribunal administratif de Lille, par quatre demandes distinctes, en premier lieu, d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2020 par lequel le maire de la commune d'Orchies a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie dont il souffre et, d'autre part, d'enjoindre au maire de la commune d'Orchies de reconnaître cette imputabilité et de le placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 17 décembre 2014, jusqu'à la consolidation de son état de santé, ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, en deuxième lieu, d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2020 le plaçant en disponibilité d'office pour une durée d'un an " allant jusqu'au 16 décembre 2020 inclus ", en troisième lieu, d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 juin 2021 par lequel le maire de la commune d'Orchies a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie et, d'autre part, d'enjoindre au maire de la commune d'Orchies de reconnaître cette imputabilité et de le placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 17 décembre 2014 jusqu'à la consolidation de son état de santé, ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et, en quatrième lieu, d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 juin 2021 par lequel le maire de la commune d'Orchies a renouvelé sa mise en disponibilité d'office à compter du 17 décembre 2020 et, d'autre part, d'enjoindre au maire de la commune d'Orchies de le placer dans une position statutaire régulière, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, dans un délai de trente jours à compter du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2100174, 2100175, 2105134, 2105135 du 8 mars 2022, le tribunal administratif de Lille, après avoir joint les demandes de M. A..., a annulé ces arrêtés et a enjoint au maire de la commune d'Orchies de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont est atteint M. A..., à compter du 13 décembre 2014, de reconstituer sa carrière et de le placer dans une position statutaire régulière, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, a mis à la charge de la commune d'Orchies la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de ces demandes ainsi que les conclusions présentées par la commune d'Orchies sur le même fondement.

Procédure devant la cour :

I/ Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 22DA00926 le 29 avril 2022 et le 30 septembre 2022, la commune d'Orchies, représentée par Me Deregnaucourt, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a partiellement fait droit aux demandes de M. A... ;

2°) de rejeter, dans cette mesure, les demandes présentées par M. A... en première instance ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en application des dispositions du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une maladie ne figurant pas sur les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale est notamment subordonnée à la condition que l'agent établisse que cette maladie est essentiellement et directement causée par

l'exercice des fonctions ;

- M. A... n'établit pas la réalité des conditions de travail auxquelles il impute la pathologie dont il souffre ;

- le lien entre cette pathologie et l'exercice par M. A... de ses fonctions n'est pas démontré ;

- M. A... présentait un état antérieur de nature à détacher la survenance de cette pathologie de l'exercice de ses fonctions ;

- le moyen tiré par M. A... de ce que sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie dont il souffre ne présentait pas un caractère tardif est inopérant, dès lors que l'arrêté du 25 novembre 2020 rejetant cette demande n'était pas fondé sur la tardiveté de celle-ci ;

- les autres moyens soulevés par M. A... en première instance, tirés de l'incompétence de l'auteur des arrêtés contestés, de l'insuffisance de motivation des arrêtés du 25 novembre 2020 et du 25 juin 2021 par lequel le maire de la commune d'Orchies a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie dont il souffre et de l'irrégularité de la procédure de consultation du comité médical préalablement aux arrêtés du 25 novembre 2020 et du 25 juin 2021 le plaçant en disponibilité d'office ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2022, M. A..., représenté par Me Jamais, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, à la cour, de mettre à la charge de la commune d'Orchies la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la commune d'Orchies ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 3 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 octobre 2022.

II/ Par une requête, enregistrée sous le n° 22DA01859 le 29 août 2022, la commune d'Orchies, représentée par Me Leuliet, demande à la cour :

1°) sur le fondement des dispositions des articles R. 811-15, R. 811-17 et R. 811-18 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement du 8 mars 2022 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué risque de l'exposer à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient

accueillies ;

- en application des dispositions du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une maladie ne figurant pas sur les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale est notamment subordonnée à la condition que l'agent établisse que cette maladie est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions ;

- M. A... n'établit pas la réalité des conditions de travail auxquelles il impute la pathologie dont il souffre ;

- le lien entre cette pathologie et l'exercice par M. A... de ses fonctions n'est pas démontré ;

- M. A... présentait un état antérieur de nature à détacher la survenance de cette pathologie de l'exercice de ses fonctions ;

- ces moyens sont sérieux ;

- ils sont de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ;

- l'exécution de ce jugement risque d'entraîner pour elle des conséquences difficilement réparables.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public,

- et les observations de Me Leuliet, représentant la commune d'Orchies, et de Me Jamais, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ingénieur principal territorial, a intégré les services de la commune d'Orchies le 1er mai 2013, par voie de mutation, en qualité de directeur des services techniques. Il a fait l'objet d'un premier arrêt de travail entre le 15 septembre et le 31 octobre 2014, puis a été placé à compter du 17 décembre 2014 en position de congé de maladie longue durée. Ce congé a été renouvelé sans interruption jusqu'au 16 décembre 2019, en raison d'un " burn-out " et d'un état anxio-dépressif réactionnel. Le 23 avril 2019, M. A... a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service de cette pathologie. Par deux arrêtés du 25 novembre 2020, le maire de la commune d'Orchies a, respectivement, rejeté sa demande et l'a placé en disponibilité d'office jusqu'au 16 décembre 2016. A la suite d'une ordonnance du 26 janvier 2021, par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille a prononcé la suspension de l'arrêté du 25 novembre 2020 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont souffrait M. A... et a enjoint au maire de la commune d'Orchies de réexaminer la situation de ce dernier, cette autorité a pris, le 25 juin 2021, deux nouveaux arrêtés, d'une part, réitérant sa décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de M. A... et, d'autre part, maintenant celui-ci en disponibilité d'office à compter du 17 décembre 2020, " à titre provisoire ", dans l'attente de l'avis du comité médical saisi en vue de se prononcer sur le renouvellement de cette position. Par une requête enregistrée sous le n° 22DA00926, la commune d'Orchies relève appel du jugement du 8 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé les deux arrêtés du 25 novembre 2020 et les deux arrêtés du 25 juin 2021. Elle demande également à la cour, par une requête enregistrée sous le n° 22DA01859, de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.

2. Ces deux requêtes tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du 8 mars 2022 et au rejet de la demande de première instance de M. A... :

En ce qui concerne les dispositions applicables :

3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...). / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".

4. L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a institué un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " en insérant dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires un article 21 bis aux termes duquel : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. / (...) / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". Le III de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 modifie, notamment, les dispositions, citées au point précédent du deuxième alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 en excluant les cas de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service du dispositif de maintien en congé de maladie avec conservation de l'intégralité du traitement qu'elles prévoient.

5. L'application de ces dispositions résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 était manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire, auquel renvoient d'ailleurs les dispositions du VI de ce même article. Elles ne sont donc entrées en vigueur, en ce qui concerne la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, publié au journal officiel de la République française du 12 avril 2019. Ces dispositions ont vocation à s'appliquer aux situations en cours, sous réserve des exigences attachées au principe de non-rétroactivité, qui exclut que les nouvelles dispositions s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant leur entrée en vigueur. Les droits des agents publics en matière de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle la maladie est diagnostiquée.

6. En l'espèce, il résulte des pièces du dossier qu'en 2014, le médecin traitant de M. A... a diagnostiqué que ce dernier souffrait d'un " burn-out " sévère, et que le médecin psychiatre qui a suivi l'intéressé, a constaté dans un certificat médical établi le 8 avril 2019, que M. A... souffrait d'un épuisement professionnel physique et psychique " survenu dans le cadre d'une souffrance au travail ". Ainsi, la pathologie dont souffre M. A... a été diagnostiquée avant l'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, des dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Les droits de M. A... à la reconnaissance de l'imputabilité au service de cette pathologie doivent donc, contrairement à ce que soutient la commune d'Orchies, être examinés au regard des dispositions, citées au point 3, du deuxième alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984.

En ce qui concerne l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre M. A... :

7. Pour l'application des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée.

8. D'une part, M. A..., qui, depuis son entrée dans la fonction publique en 1982, a exercé différents métiers impliquant de nombreuses responsabilités, fait valoir que, lorsqu'en mai 2013, il a été nommé, par voie de mutation, au poste de directeur des services techniques de la commune d'Orchies, ceux-ci présentaient d'importants dysfonctionnements tenant, en particulier, à l'inexistence de l'encadrement intermédiaire, exclusivement constitué par les deux agents de maîtrise affectés aux ateliers municipaux, ce qui le contraignait à assurer l'encadrement direct des assistants territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM), des agents intervenant dans le service de restauration scolaire et de ceux qui assuraient la propreté des locaux municipaux, ainsi qu'à l'insuffisance des moyens informatiques, limités à un unique ordinateur attribué à sa secrétaire sans connexion au réseau de la commune. M. A... fait également valoir qu'il n'a pas disposé des moyens nécessaires à l'accomplissement de la mission de réorganisation des services techniques qui lui avait été confiée, en l'absence, notamment, de fourniture des nouveaux logiciels prévus pour la gestion des remplacements du personnel et des interventions des services techniques. Il expose, en outre, que de nouvelles missions lui ont été dévolues au cours de l'année 2013, telles que la mise en œuvre des temps d'activité périscolaires, la co-animation des trois conseils de quartier de la commune et le suivi technique des actions à réaliser, la mise en œuvre d'un " agenda 21 " et la préparation de la commission extramunicipale de l'environnement, ainsi que le suivi des six emplois jeunes recrutés au sein des ateliers municipaux, en relation avec leurs tuteurs, les financeurs et les services sociaux. Il souligne, enfin, que le remplacement de sa secrétaire, en arrêt de travail pour une durée d'environ six mois depuis le début de l'année 2014, n'a été que partiellement assuré à l'issue de quatre mois d'absence, et qu'il s'est trouvé contraint de prendre temporairement en charge tant la gestion des absences des agents des services techniques et de leurs remplacements que le traitement des demandes d'occupation du domaine public. Ces éléments précis, relatifs à l'ampleur de la charge de travail assumée par M. A..., sont corroborés par les indications figurant dans le compte-rendu de l'entretien professionnel de l'intéressé du 16 décembre 2013, en ce qui concerne la réorganisation du service et l'attribution à M. A... de nouvelles missions. Ils ne sont pas sérieusement contestés par la commune d'Orchies, qui se borne à soutenir que leur matérialité est insuffisamment établie sans fournir elle-même aucun élément de nature à contredire ceux apportés par M. A....

9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. A... a fait état, dans un courriel du 25 septembre 2014, de symptômes physiques d'épuisement ainsi que d'anxiété pour lesquels il a entrepris de consulter une psychologue clinicienne. Il affirme, à cet égard, qu'au retour d'un premier congé pour maladie ordinaire, en novembre 2014, les relations avec sa hiérarchie se sont fortement dégradées, ce qui a aggravé ses souffrances psychologiques. Le médecin traitant de M. A... précise, dans un certificat suffisamment lisible du 26 mars 2019, que celui-ci souffrait depuis 2014 d'un " burn-out sévère ", résultant d'un " stress professionnel majeur ". Le médecin psychiatre qui a pris M. A... en charge à partir de février 2015 a, quant à lui, relevé dans un certificat médical du 8 avril 2019, que celui-ci souffrait d'un épuisement professionnel physique et psychique " survenu dans le cadre d'une souffrance au travail ". Par ailleurs, si M. A... a fait état, dans son courriel du 25 septembre 2014, d'une " surdose de travail qui perdure maintenant depuis plusieurs années ", son médecin traitant relève dans le certificat du 26 mars 2019 qu'il suivait ce patient depuis " plus de 20 ans " et que ce dernier ne présentait pas d'antécédents du type de la pathologie diagnostiquée en 2014. Il ressort, en outre, du rapport d'expertise établi le 20 novembre 2019 par le chef du service psychiatrique du centre hospitalier de Lille Nord, mandaté en tant qu'expert par le comité médical départemental, que l'effondrement de M. A... résulte d'un épuisement professionnel tant physique que psychique, que " sa symptomatologie est liée de façon directe et certaine avec cette souffrance au travail " et qu'elle " est donc imputable au service à compter du 13 décembre 2014 ". Ni la circonstance que les médecins qui ont diagnostiqué la nature et l'origine de la pathologie présentée par M. A... ont nécessairement été conduits, compte-tenu de ce type de pathologie, à tenir compte des propres déclarations l'intéressé, ni celle que les certificats médicaux du 26 mars 2019 et du 8 avril 2019 ont été rédigés à sa propre initiative pour être produits à l'appui de sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service, ne suffisent à remettre en cause les conclusions concordantes de ces trois praticiens. Au demeurant, la commission départementale de réforme a émis, le 16 octobre 2020, un avis favorable à la reconnaissance d'imputabilité au service.

10. Dans les conditions énoncées aux deux points précédents, la pathologie dont souffre M. A... présente un lien direct avec les conditions dans lesquelles il exerçait ses fonctions, qui étaient de nature à susciter le développement de la maladie en cause.

11. Pour contester l'imputabilité au service de la pathologie de M. A..., la commune d'Orchies soutient que l'intéressé présentait un état antérieur en s'appuyant sur le contenu du courriel, mentionné au point 8, du 25 septembre 2014, dans lequel le requérant admettait prendre à sa charge, à son initiative, une importante charge de travail et que cette situation perdurait depuis plusieurs années. Toutefois, ainsi que précisé au point 9, M. A... ne peut être considéré comme souffrant d'un épuisement professionnel préexistant à sa prise de fonctions dans les services de la commune d'Orchies. S'il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que M. A... a pu accepter d'assumer de nombreuses missions et présente un tempérament qualifié de perfectionniste, ces circonstances ne suffisent pas à caractériser un fait personnel de cet agent de nature à détacher du service la survenance de sa pathologie. Dans ces conditions, aucun fait personnel de M. A... ni aucune autre circonstance particulière ne conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de sa maladie du service.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Orchies n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé les arrêtés du 25 novembre 2020 et du 25 juin 2021 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre M. A..., ainsi que les arrêtés du 25 novembre 2020 et du 25 juin 2021, pris en conséquence des deux précédents, le plaçant en situation de disponibilité d'office, a enjoint au maire de la commune d'Orchies de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont est atteint M. A..., à compter du 13 décembre 2014, de reconstituer sa carrière et de le placer dans une position statutaire régulière, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de ce jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, a mis à la charge de la commune d'Orchies la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des demandes de M. A... ainsi que les conclusions présentées par la commune d'Orchies sur le même fondement.

Sur la demande de sursis à exécution du jugement du 8 mars 2022 :

13. La cour rejetant par le présent arrêt les conclusions de la commune d'Orchies tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille du 8 mars 2022, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les frais relatifs aux instances :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les frais, non compris dans les dépens, exposés par la commune d'Orchies soient mis à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans l'instance n° 22DA00926 et ne peut être regardé comme tel dans l'instance n° 22DA01859. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Orchies, sur le fondement des mêmes dispositions, une somme de 2 000 euros au titre des frais, non compris dans les dépens, exposés par M. A... dans l'instance n° 22DA00926.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22DA01859 de la commune d'Orchies tendant au sursis à exécution du jugement n° 2100174, 2100175, 2105134, 2105135 du 8 mars 2022 du tribunal administratif de Lille.

Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par la commune d'Orchies est rejeté.

Article 3 : La commune d'Orchies versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Orchies et à M. B... A....

Délibéré après l'audience publique du 6 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Nathalie Massias, présidente de la cour,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 janvier 2023.

La rapporteure,

Signé : D. Bureau

La présidente de la cour,

Signé : N. Massias

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au préfet du Nord ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

C. Huls-Carlier

2

Nos 22DA00926 et 22DA01859


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00926
Date de la décision : 05/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Massias
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : DEREGNAUCOURT DIMITRI;DEREGNAUCOURT DIMITRI;JAMAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-01-05;22da00926 ?
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