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12/01/2023 | FRANCE | N°22DA00681

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 12 janvier 2023, 22DA00681


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A..., par deux demandes successives, a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 20 janvier 2022 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, ainsi que l'arrêté du 24 février 2022 par lequel la préfète de l'Oise l'a assigné à résidence à son domicile à Clermont (Oise) pour une duré

e de quarante-cinq jours, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui dél...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A..., par deux demandes successives, a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 20 janvier 2022 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, ainsi que l'arrêté du 24 février 2022 par lequel la préfète de l'Oise l'a assigné à résidence à son domicile à Clermont (Oise) pour une durée de quarante-cinq jours, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 20 euros par jour de retard.

Par un jugement n°2200704, 2200705 du 1er mars 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens, après avoir admis à titre provisoire M. A... à l'aide juridictionnelle, a, d'une part, annulé l'arrêté du 20 janvier 2022 en tant que, par cet arrêté, la préfète de l'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, ainsi que l'arrêté du 24 février 2022 par lequel la préfète de l'Oise l'a assigné à résidence, d'autre part, renvoyé à une formation collégiale le jugement des conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2022 en tant que, par cet arrêté, la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ainsi que des conclusions aux fins d'injonction sous astreinte.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mars 2022, la préfète de l'Oise demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé les décisions, contenues dans l'arrêté du 20 janvier 2022, faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi, ainsi que l'arrêté du 24 février 2022 assignant M. A... à résidence ;

2°) de rejeter les conclusions y afférentes présentées par M. A... devant le tribunal administratif d'Amiens.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a relevé le premier juge, l'arrêté du 20 janvier 2022, en ce qu'il fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixe le pays de renvoi, n'est pas entaché d'un vice de procédure compte tenu du fait que le médecin rapporteur n'a pas siégé au sein du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 17 juin 2022, M. A..., représenté par Me Lebaupain, conclut au rejet de la requête et à ce que les dépens soient mis à la charge de l'Etat en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté, en ce qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixe le pays de renvoi, est entaché d'incompétence ;

- il est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- il est entaché d'irrégularité, en l'absence de justification de ce que le médecin ayant établi le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 35 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'arrêté portant assignation à résidence est entaché d'un détournement de pouvoir.

Par une ordonnance du 15 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 novembre 2022.

M. A... a été maintenu de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Christian Heu, président de chambre, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant sénégalais né le 30 décembre 1978 à Médina Gounass (Sénégal), est entré irrégulièrement en France le 13 février 2017, selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 27 septembre 2017 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, devenue définitive. M. A... a sollicité, le 12 juillet 2018, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 décembre 2018, le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 14 mai 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un arrêt du 17 juillet 2020, la cour administrative d'appel de Douai a, sur la requête de M. A..., annulé ce jugement ainsi que l'arrêté du 19 décembre 2018 du préfet de l'Oise au motif que l'administration ne justifiait pas de la régularité des conditions dans lesquelles le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avait émis son avis et a enjoint au préfet de l'Oise de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai de deux mois à compter de la date de notification de cet arrêt. Par ailleurs, M. A... a sollicité, le 20 octobre 2020, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement, notamment, de l'article L. 310-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 9 février 2021, la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 2 juin 2021, devenu définitif, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté. L'intéressé a de nouveau sollicité, le 2 avril 2021, la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé. Par un arrêté du 20 janvier 2022, la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un second arrêté du 24 février 2022, la préfète de l'Oise l'a assigné à résidence à son domicile à Clermont (Oise) pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 1er mars 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens, après avoir admis à titre provisoire M. A... à l'aide juridictionnelle, a, d'une part, annulé l'arrêté du 20 janvier 2022 en tant que, par cet arrêté, la préfète de l'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, ainsi que l'arrêté du 24 février 2022 par lequel la préfète de l'Oise l'a assigné à résidence, d'autre part, renvoyé à une formation collégiale le jugement des conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2022 en tant que, par cet arrêté, la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ainsi que des conclusions aux fins d'injonction sous astreinte. La préfète de l'Oise relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé les décisions, contenues dans l'arrêté du 20 janvier 2022, faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi, ainsi que l'arrêté du 24 février 2022 assignant M. A... à résidence.

Sur le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 de ce code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / (...) ".

3. S'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doive comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu à l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est transmis au collège de médecins, ces dispositions prévoient, en revanche, que le médecin ayant établi ce rapport ne siège pas au sein du collège. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter tous éléments permettant d'établir que le médecin ayant rédigé le rapport n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, par suite, la régularité de la procédure.

4. Il ressort des pièces produites pour la première fois devant la cour par la préfète de l'Oise, qui n'avait pas produit d'observations en première instance ni même l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a, par un avis en date du 16 décembre 2021, estimé que, si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Cet avis comporte, outre le nom du médecin rapporteur, le nom et la signature des trois médecins qui ont délibéré collégialement sur le cas de M. A.... Il ressort également des pièces du dossier que le médecin ayant établi le rapport médical prévu à l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas siégé au sein du collège de médecins, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, la préfète de l'Oise est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens, pour annuler les décisions, contenues dans l'arrêté du 20 janvier 2022, faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté d'assignation à résidence, a relevé que ces décisions et cet arrêté étaient, par voie d'exception de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, entachés d'illégalité.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... tant en première instance qu'en appel.

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne les décisions, contenues dans l'arrêté du 20 janvier 2022, portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi :

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. Sébastien Lime, secrétaire général de la préfecture de l'Oise, signataire de l'arrêté contesté, disposait d'une délégation, en vertu de l'arrêté du 21 décembre 2020, régulièrement publié le même jour au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture de l'Oise, à l'effet de signer les décisions, contenues dans l'arrêté contesté, faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

7. En deuxième lieu, il ressort des motifs mêmes de l'arrêté contesté que cet arrêté, en ce qu'il fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, après avoir refusé de lui délivrer un titre de séjour, et fixe le pays de renvoi, énonce de manière détaillée les motifs de droit et les considérations de fait tenant à la situation personnelle de M. A..., sur lesquels la préfète de l'Oise s'est fondée pour édicter ces décisions. Par suite, et alors que l'autorité préfectorale n'avait pas à reprendre expressément et de manière exhaustive l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle ou familiale de l'intéressé, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions contestées manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

8. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que la préfète de l'Oise, avant de faire obligation à M. A... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et de fixer le pays de renvoi, a procédé à un examen particulier et attentif de la situation de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de M. A... doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

10. Il ressort des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque ce défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou en l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

11. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

12. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre, d'une part, d'une pathologie ophtalmique à l'œil droit et d'une myopie évolutive à l'œil gauche nécessitant un suivi régulier, d'autre part, d'une pathologie pneumologique depuis l'enfance. L'intéressé fait valoir que le traitement dont il doit bénéficier n'est pas disponible au Sénégal. Toutefois, par un avis du 16 décembre 2021, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Or, les pièces médicales produites au dossier concernant tant les problèmes ophtalmologiques sérieux que l'asthme sévère chronique dont M. A... est affecté, si elles permettent d'établir la réalité du besoin de soins nécessité par l'état de santé de l'intéressé, ne permettent pas d'établir que le défaut de prise en charge médicale de celui-ci serait de nature à entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète de l'Oise, en refusant de délivrer à M. A... un titre de séjour, a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut qu'être écarté. De même, est, en tout état de cause, inopérant le moyen tiré par M. A... de ce qu'il ne pourrait avoir accès à un traitement approprié en cas de retour dans son pays d'origine.

13. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

14. M. A..., qui, selon ses déclarations, est entré en France en février 2017, se prévaut de la relation affective qu'il a nouée avec une personne, dont il indique qu'elle est de nationalité française. Toutefois, les pièces qu'il verse au dossier, constituées pour l'essentiel d'attestations peu circonstanciées, ne permettent pas à M. A... de justifier d'une vie commune effective avec la personne avec laquelle il soutient entretenir une relation intime. Par ailleurs, il ne justifie pas être dépourvu d'attaches familiales ou privées dans son pays où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-huit ans et où résident ses enfants. Enfin, il ne justifie pas davantage d'une insertion particulière sur le territoire français, et ce nonobstant les allégations selon lesquelles il aurait exercé une activité de mécanicien et aurait des compétences remarquables en matière d'informatique et de musique moderne ou d'animation culturelle. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les décisions contestées ont porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ces décisions ont été édictées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

15. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 35 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit d'accéder à la prévention en matière de santé et de bénéficier de soins médicaux dans les conditions établies par les législations et pratiques nationales. Un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de l'Union. ".

16. M. A... soutient que l'arrêté contesté, en ce qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixe le pays de renvoi, méconnaît les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 35 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Toutefois, compte tenu de ce qu'il n'est pas établi, ainsi qu'il a été dit au point 12, que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé serait de nature à entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... serait susceptible de faire l'objet de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, la préfète de l'Oise, en lui faisant obligation de quitter le territoire français et en fixant le pays de renvoi, ne peut être regardée comme ayant méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article 35 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

17. En premier lieu, le moyen, soulevé par M. A... en première instance, tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté portant assignation à résidence doit être écarté par les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6.

18. En deuxième lieu, il ressort des motifs mêmes de l'arrêté du 24 février 2022 par lequel la préfète de l'Oise a assigné M. A... à résidence à son domicile à Clermont (Oise) pour une durée de quarante-cinq jours, que cet arrêté énonce de manière détaillée les motifs de droit et les considérations de fait tenant à la situation personnelle de l'intéressé, sur lesquels l'autorité préfectorale s'est fondée pour édicter cette mesure et en définir les modalités d'exécution. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

19. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que la préfète de l'Oise, avant d'assigner M. A... à résidence à son domicile à Clermont (Oise) pour une durée de quarante-cinq jours, a procédé à un examen particulier et attentif de la situation de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de M. A... doit être écarté.

20. En quatrième lieu, M. A... soutient que l'arrêté d'assignation à résidence est entaché d'erreur de droit, faute de perspective raisonnable d'exécution de la mesure d'éloignement au regard de son besoin de soins. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu notamment de ce qui a été dit au point 12, que l'état de santé de M. A... ferait obstacle à ce que l'exécution de la mesure d'éloignement s'inscrive dans une perspective raisonnable. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté.

21. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de l'Oise, en assignant M. A... à résidence à son domicile à Clermont (Oise) pour une durée de quarante-cinq jours et en définissant les modalités d'exécution de cette mesure, aurait porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de la vie privée et familiale au regard des motifs poursuivis par cette décision. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

22. En sixième lieu, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la préfète de l'Oise, en assignant M. A... à résidence à son domicile à Clermont (Oise) pour une durée de quarante-cinq jours, aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni davantage les dispositions de l'article 35 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

23. En septième et dernier lieu, M. A... soutient que l'arrêté du 24 février 2022 par lequel la préfète de l'Oise l'a assigné à résidence à son domicile à Clermont (Oise) pour une durée de quarante-cinq jours, a pour objet de compromettre les chances de succès de sa demande d'annulation de l'arrêté, en date du 20 janvier 2022, par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté d'assignation à résidence, tant par le principe de cette mesure que par ses modalités d'exécution, aurait une incidence quelconque sur les conditions dans lesquelles le requérant a pu contester l'arrêté du 20 janvier 2022 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par suite, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

24. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de l'Oise est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a annulé les décisions, contenues dans son arrêté du 20 janvier 2022, faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi, ainsi que son arrêté du 24 février 2022 assignant M. A... à résidence.

Sur les dépens :

25. La présente instance n'ayant occasionné aucun des frais prévus à l'article R. 761-1 du code de justice administrative, la demande de M. A... tendant à ce que les " dépens " soient mis à la charge de l'Etat ne peut qu'être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2200704, 2200705 du 1er mars 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant qu'il a annulé les décisions, contenues dans l'arrêté du 20 janvier 2022 de la préfète de l'Oise, faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi, ainsi que l'arrêté du 24 février 2022 de la préfète de l'Oise assignant M. A... à résidence.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif d'Amiens, tendant à l'annulation des décisions, contenues dans l'arrêté du 20 janvier 2022 de la préfète de l'Oise, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi, et de l'arrêté du 24 février 2022 de la préfète de l'Oise l'assignant à résidence, de même que les conclusions présentées par M. A... devant la cour, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à la préfète de l'Oise, à M. B... A... et à Me Lebaupain.

Délibéré après l'audience publique du 15 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2023.

Le premier vice-président,

président de chambre, rapporteur,

Signé : C. HeuL'assesseur le plus ancien,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

N°22DA00681 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00681
Date de la décision : 12/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Christian Heu
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : LEBAUPAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-01-12;22da00681 ?
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