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09/02/2023 | FRANCE | N°21DA02622

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 09 février 2023, 21DA02622


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 27 mai 2021 par lequel la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de la Somme de procéder au réexamen de sa situation, d

ans le délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à interve...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 27 mai 2021 par lequel la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de la Somme de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2102204 du 11 octobre 2021 le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 novembre 2021, M. A..., représenté par Me Tourbier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 mai 2021 par lequel la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Somme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- il est entaché d'une erreur de droit compte tenu du fait que l'autorité administrative a considéré à tort que son identité sierra-léonaise était usurpée alors qu'il est entré en France sous couvert d'un passeport d'emprunt sénégalais ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fiant le pays renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à la préfète de la Somme qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 24 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 avril 2022.

Des pièces ont été produites, pour M. A..., par Me Tourbier, le 20 janvier 2023 et le 24 janvier 2023, après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Heu, président de chambre,

- et les observations de Me Basili, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Un ressortissant étranger se présentant désormais sous l'identité de M. B... A..., né le 3 septembre 1979 à Freetown (Sierra Leone) et revendiquant la nationalité sierra-léonaise, est entré sur le territoire français le 1er juin 2018, selon ses déclarations, sous couvert d'un passeport d'emprunt sénégalais, délivré au nom de M. D..., revêtu d'un visa court séjour délivré le 19 avril 2018 par les autorités consulaires françaises. L'intéressé, déclarant se nommer Mohamed A..., a présenté une demande d'asile le 25 juin 2018. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 4 janvier 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 27 août 2019. M. A... a sollicité, le 13 janvier 2020, le réexamen de sa demande d'asile. Sa demande de réexamen a été rejetée comme irrecevable par une décision du 15 janvier 2020 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 29 mai 2020. Par un arrêté du 3 août 2020, la préfète de la Somme a refusé l'admission au séjour de M. A... au titre de l'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de soixante jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 22 septembre 2020, confirmé par une ordonnance du 25 mars 2021 de la présidente de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Douai, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision, contenue dans cet arrêté, fixant le Libéria comme pays de renvoi, au motif que cette décision était entachée d'une erreur de fait, l'intéressé étant de nationalité sierra-léonaise, et a enjoint à la préfète de la Somme de se prononcer de nouveau sur la situation de M A.... Par un arrêté du 29 septembre 2020, la préfète de la Somme a, en conséquence, fixé la Sierra Leone comme pays de renvoi de M. A... en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement contenue dans son arrêté du 3 août 2020. Par un jugement du 21 juillet 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté. M. A..., qui s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français, a sollicité, le 16 décembre 2020, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, la consultation par l'administration du fichier " Visabio " a permis d'établir que l'intéressé était entré en France muni d'un visa de court séjour délivré le 19 avril 2018 par les autorités consulaires françaises au Sénégal sous l'identité de D..., né le 8 mars 1987 à Thiaroye au Sénégal, et qu'à l'occasion de cette demande de visa, avait été présenté un passeport sénégalais, délivré le 1er mars 2018, valable du 1er mars 2018 au 28 février 2023. Par un arrêté du 27 mai 2021, la préfète de la Somme a refusé de délivrer à M. A... le titre de séjour sollicité par celui-ci, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 11 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que cet arrêté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles les mesures ainsi édictées par la préfète de la Somme se fondent, et satisfait ainsi à l'exigence de motivation posée par les dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. En particulier, l'arrêté contesté, après avoir indiqué que M. A... est de nationalité sierra-léonaise, rappelle les conditions d'entrée en France de celui-ci sous couvert d'un passeport d'emprunt revêtu d'un visa court séjour obtenu sous l'identité D..., et indique, notamment, que l'intéressé ne peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour de plein droit, alors même qu'il a conclu un pacte civil de solidarité avec un ressortissant français, l'intéressé ne faisant, par ailleurs, pas état d'une vie commune suffisamment stable et ancienne avec ce dernier. L'arrêté contesté relève également que M. A... ne fait état d'aucun élément justifiant qu'un délai supérieur à trente jours lui soit accordé pour quitter volontairement le territoire français, qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine et qu'aucun motif exceptionnel ou humanitaire ne fait obstacle à l'édiction d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, aucune atteinte disproportionnée n'étant, ce faisant, apportée à son droit au respect de la vie privée et familiale. Par suite, et alors que le préfet n'avait pas à reprendre expressément et de manière exhaustive l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle, familiale ou professionnelle de l'intéressé, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté est entaché d'une insuffisance de motivation manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A..., alors même qu'il est entré en France sous couvert d'un passeport d'emprunt revêtu d'un visa court séjour obtenu auprès des autorités consulaires au Sénégal, s'est toujours présenté sous cette identité tant au cours de la procédure diligentée en vue d'obtenir une protection internationale qu'au cours de celle diligentée en vue d'obtenir un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides ainsi que la Cour nationale du droit d'asile ont d'ailleurs instruit sa demande d'asile en prenant en compte la nationalité et l'identité sierra-léonaise de M. A.... De même, la préfète de la Somme a tenu pour établies la nationalité sierra-léonaise et l'identité de M. A... dans l'arrêté contesté du 27 mai 2021, l'arrêté du 3 août 2020, annulé par la juridiction administrative en tant qu'il avait fixé le Libéria comme pays de renvoi, étant en réalité entaché uniquement d'une confusion interne quant à l'identification de la nationalité de l'intéressé ainsi d'ailleurs que le relève l'arrêté du 27 mai 2021 qui indique qu'il s'agissait là d'" une erreur de rédaction ". Or, alors même que M. A... est entré initialement sur le territoire français sous une identité sénégalaise et sous couvert d'un passeport d'emprunt, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que l'intéressé, qui produit une carte d'identité sierra-léonaise dont la préfète de la Somme ne soutient pas qu'il s'agirait d'un faux, soit tenu, ainsi d'ailleurs que l'a estimé l'autorité préfectorale dans l'arrêté contesté, comme étant de nationalité sierra-léonaise. Enfin, et alors que le fait que l'intéressé soit entré en France sous l'identité usurpée d'un ressortissant sénégalais n'est pas de nature à justifier légalement le refus de titre de séjour qui lui a été opposé par la préfète de la Somme, il résulte de l'instruction que l'autorité préfectorale aurait pris la même décision en se fondant exclusivement sur les éléments, par ailleurs énoncés dans l'arrêté contesté, permettant de caractériser la situation personnelle de M. A... au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. M. A... fait valoir qu'il réside sur le territoire français depuis juin 2018 et qu'ayant conclu, le 28 novembre 2019, un pacte civil de solidarité avec un ressortissant français, il a transféré le centre de ses intérêts privés et familiaux en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le pacte civil de solidarité conclu entre M. A... et un ressortissant français n'a été signé que récemment, d'autre part, que l'intéressé ne démontre pas l'ancienneté et la stabilité de la relation qu'il entretient avec cette personne, enfin qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a résidé jusqu'à l'âge de trente-huit ans. Par ailleurs, le requérant, en se bornant à indiquer qu'il s'est impliqué dans les activités de l'association " Flash our true colors ", ne justifie d'aucune insertion réelle sur le territoire français. Dans ces conditions, la préfète de la Somme, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis par ces décisions. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

6. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

7. D'une part, M. A..., qui soutient qu'il ferait l'objet de mauvais traitements et de violences en cas de retour en Sierra-Léone en raison de son orientation sexuelle, doit, ce faisant, être regardé comme invoquant la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision, contenue dans l'arrêté contesté, par laquelle la préfète de la Somme a fixé le pays dont il a la nationalité ou tout pays dans lequel il serait légalement admissible comme pays de renvoi. Toutefois, l'intéressé, dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile alors qu'il avait déjà fait état de son orientation sexuelle et de la conclusion d'un pacte civil de solidarité avec un ressortissant français, ne produit aucun élément permettant d'établir qu'il serait soumis à des mauvais traitements ou à des violences en cas de retour dans son pays d'origine, en raison de son orientation sexuelle alléguée. En outre, les documents produits au dossier et présentés comme des rapports de police ou encore, en tout état de cause, comme un avis de recherche, doivent être tenus comme étant dépourvus de valeur probante, en l'absence de toute justification quant à leurs conditions d'obtention. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

8. D'autre part, M. A... ne peut utilement soutenir, à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de la décision fixant le pays de renvoi, qu'il ferait l'objet de violences, en cas de renvoi au Sénégal, en raison de son orientation sexuelle alléguée, dès lors que l'arrêté contesté, qui relève qu'il est de nationalité sierra-léonaise, n'a nullement pour objet ou pour effet de désigner le Sénégal comme pays de renvoi de l'intéressé en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement. Ce moyen, qui est inopérant, doit donc être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise à la préfète de la Somme.

Délibéré après l'audience publique du 26 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2023.

Le premier vice-président,

président de chambre, rapporteur,

Signé : C. Heu

L'assesseur le plus ancien,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°21DA02622


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02622
Date de la décision : 09/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Christian Heu
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : AARPI QUENNEHEN - TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-02-09;21da02622 ?
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