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16/02/2023 | FRANCE | N°21DA02634

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 16 février 2023, 21DA02634


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. La société Lubrizol France a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a édicté des restrictions sanitaires de mise sur le marché de productions alimentaires d'origine animale et végétale, l'arrêté du 2 octobre 2019 abrogeant cet arrêté du 28 septembre 2019 et édictant de nouvelles restrictions sanitaires, l'arrêté du 14 octobre 2019 modifiant cet arrêté du 2 octobre 2019, l'arrêté du 18 octobre 2019 abroge

ant cet arrêté du 2 octobre 2019 ainsi que la décision du 27 décembre 2019 rejetant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. La société Lubrizol France a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a édicté des restrictions sanitaires de mise sur le marché de productions alimentaires d'origine animale et végétale, l'arrêté du 2 octobre 2019 abrogeant cet arrêté du 28 septembre 2019 et édictant de nouvelles restrictions sanitaires, l'arrêté du 14 octobre 2019 modifiant cet arrêté du 2 octobre 2019, l'arrêté du 18 octobre 2019 abrogeant cet arrêté du 2 octobre 2019 ainsi que la décision du 27 décembre 2019 rejetant son recours gracieux contre ces arrêtés.

Par une ordonnance n° 2000721 du 14 septembre 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

II. La société Lubrizol France a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2019 par lequel la préfète de la Somme a édicté des restrictions sanitaires de mise sur le marché de productions alimentaires d'origine animale et végétale, l'arrêté du 2 octobre 2019 abrogeant cet arrêté du 29 septembre 2019 et édictant de nouvelles restrictions sanitaires, l'arrêté du 14 octobre 2019 modifiant cet arrêté du 2 octobre 2019, l'arrêté du 18 octobre 2019 abrogeant cet arrêté du 2 octobre 2019 ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre ces arrêtés.

Par une ordonnance n° 2001167 du 28 octobre 2021, le président de la 1ière chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

III. La société Lubrizol France a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2019 par lequel le préfet de l'Oise a édicté des restrictions sanitaires de mise sur le marché de productions alimentaires d'origine animale et végétale, l'arrêté du 2 octobre 2019 abrogeant cet arrêté du 29 septembre 2019 et édictant de nouvelles restrictions sanitaires, l'arrêté du 14 octobre 2019 modifiant cet arrêté du 2 octobre 2019, l'arrêté du 18 octobre 2019 abrogeant cet arrêté du 2 octobre 2019 ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre ces arrêtés.

Par une ordonnance n° 2001166 du 28 octobre 2021, le président de la 1ière chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

IV. La société Lubrizol France a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2019 par lequel le préfet de l'Aisne a édicté des restrictions sanitaires de mise sur le marché de productions alimentaires d'origine animale et végétale, l'arrêté du 2 octobre 2019 abrogeant cet arrêté du 29 septembre 2019 et édictant de nouvelles restrictions sanitaires, l'arrêté du 14 octobre 2019 modifiant cet arrêté du 2 octobre 2019, l'arrêté du 18 octobre 2019 abrogeant cet arrêté du 2 octobre 2019 ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre ces arrêtés.

Par une ordonnance n°2001165 du 28 octobre 2021, le président de la 1ière chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 13 novembre 2021 sous le n° 21DA02634 et des mémoires enregistrés les 3 juin 2022, 6 décembre 2022 et 27 janvier 2023, la société Lubrizol France, représentée par Me Françoise Labrousse, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 14 septembre 2021 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) d'annuler les arrêtés des 28 septembre, 2 octobre, 14 octobre et 18 octobre 2019 du préfet de la Seine-Maritime, ainsi que la décision du 27 décembre 2019 rejetant son recours gracieux dirigé contre ces arrêtés ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler ces arrêtés en tant qu'ils se prononcent sur le lieu d'origine de l'incendie survenu le 26 septembre 2019 et affirment que les suies en cause résultent de la combustion des produits se trouvant sur le site de l'usine qu'elle exploite.

Elle soutient que :

- il y a lieu de statuer sur ses demandes d'annulation ;

- elle a intérêt pour agir contre les décisions attaquées ;

- la décision de rejet de son recours gracieux est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- les arrêtés préfectoraux sont entachés d'une contradiction de motifs ;

- ils sont entachés de plusieurs erreurs de fait ;

- ils méconnaissent l'article 7 du règlement européen n°178/2002 du 28 janvier 2002 ;

- ils sont entachés d'une erreur de droit en raison de leur manque de clarté, d'intelligibilité et d'accessibilité ;

- ils sont entachés d'une erreur d'appréciation ;

- ils sont entachés d'un détournement de pouvoir.

Par des mémoires en défense enregistrés les 10 mai 2022 et 24 janvier 2023, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la société n'a pas intérêt pour agir ;

- les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.

II. Par une requête enregistrée le 27 décembre 2021 sous le n° 21DA02955 et des mémoires enregistrés les 7 juin 2022, 6 décembre 2022 et 27 janvier 2023, la société Lubrizol France, représentée par Me Françoise Labrousse, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2001167 du 28 octobre 2021 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) d'annuler les arrêtés des 29 septembre, 2 octobre, 14 octobre et 18 octobre 2019 de la préfète de la Somme, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre ces arrêtés.

Elle soutient que :

- il y a lieu de statuer sur ses demandes d'annulation ;

- elle a intérêt pour agir contre les décisions attaquées ;

- la décision de rejet de son recours gracieux est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- les arrêtés préfectoraux sont entachés d'une contradiction de motifs ;

- ils sont entachés de plusieurs erreurs de fait ;

- ils méconnaissent l'article 7 du règlement européen n°178/2002 du 28 janvier 2002 ;

- ils sont entachés d'une erreur de droit en raison de leur manque de clarté, d'intelligibilité et d'accessibilité ;

- ils sont entachés d'une erreur d'appréciation ;

- ils sont entachés d'un détournement de pouvoir.

Par des mémoires en défense enregistrés les 12 mai 2022 et 24 janvier 2023, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la société n'a pas intérêt pour agir ;

- les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.

III. Par une requête enregistrée le 27 décembre 2021 sous le n° 21DA02956 et des mémoires enregistrés les 7 juin 2022, 6 décembre 2022 et le 27 janvier 2023, la société Lubrizol France, représentée par Me Françoise Labrousse, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n°2001166 du 28 octobre 2021 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) d'annuler les arrêtés des 29 septembre, 2 octobre, 14 octobre et 18 octobre 2019 du préfet de l'Oise ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre ces arrêtés.

Elle soutient que :

- il y a lieu de statuer sur ses demandes d'annulation ;

- elle a intérêt pour agir contre les décisions attaquées ;

- la décision de rejet de son recours gracieux est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- les arrêtés préfectoraux sont entachés d'une contradiction de motifs ;

- ils sont entachés de plusieurs erreurs de fait ;

- ils méconnaissent l'article 7 du règlement européen n°178/2002 du 28 janvier 2002 ;

- ils sont entachés d'une erreur de droit en raison de leur manque de clarté, d'intelligibilité et d'accessibilité ;

- ils sont entachés d'une erreur d'appréciation ;

- ils sont entachés d'un détournement de pouvoir.

Par des mémoires en défense enregistrés le 12 mai 2022 et le 24 janvier 2023, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la société n'a pas intérêt pour agir ;

- les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.

IV. Par une requête enregistrée le 27 décembre 2021 sous le n° 21DA02957 et des mémoires enregistrés les 7 juin 2022, 6 décembre 2022 et le 27 janvier 2023, la société Lubrizol France, représentée par Me Françoise Labrousse, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2001165 du 28 octobre 2021 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) d'annuler les arrêtés du 29 septembre, 2 octobre, 14 octobre et 18 octobre 2019 du préfet de l'Aisne ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre ces arrêtés.

Elle soutient que :

- il y a lieu de statuer sur ses demandes d'annulation ;

- elle a intérêt pour agir contre les décisions attaquées ;

- la décision de rejet de son recours gracieux est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- les arrêtés préfectoraux sont entachés d'une contradiction de motifs ;

- ils sont entachés de plusieurs erreurs de fait ;

- ils méconnaissent l'article 7 du règlement européen n°178/2002 du 28 janvier 2002 ;

- ils sont entachés d'une erreur de droit en raison de leur manque de clarté, d'intelligibilité et d'accessibilité ;

- ils sont entachés d'une erreur d'appréciation ;

- ils sont entachés d'un détournement de pouvoir.

Par des mémoires en défense enregistrés le 12 mai 2022 et le 24 janvier 2023, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la société n'a pas intérêt pour agir ;

- les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Elodie Simon et Me Karim Tarantino, représentant , la société Lubrizol France.

Une note en délibéré présentée par la société Lubrizol France a été enregistrée le 7 février 2023, dans chaque dossier.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de l'incendie survenu le 26 septembre 2019 à Rouen, le préfet de la Seine-Maritime a édicté, par un arrêté du 28 septembre 2019, des restrictions sanitaires de mise sur le marché du lait, des œufs, du miel et des poissons d'élevage ainsi que des productions végétales ou des aliments pour animaux, collectés ou récoltés sur les parcelles agricoles où ont été identifiées des retombées de suies de fumées consécutives à cet incendie. Par un arrêté du 2 octobre 2019, le préfet de la Seine-Maritime a abrogé son arrêté du 28 septembre 2019 et édicté de nouvelles restrictions sanitaires. Par un arrêté du 14 octobre 2019, le préfet de la Seine-Maritime a supprimé les restrictions sanitaires concernant le lait et les produits laitiers édictées par son arrêté du 2 octobre 2019. Par un arrêté du 18 octobre 2019, le préfet de la Seine-Maritime a abrogé en toutes ses dispositions son arrêté du 2 octobre 2019. Par une décision du 27 décembre 2019, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté le recours gracieux formé le 27 novembre 2019 par la société Lubrizol France contre ces arrêtés des 28 septembre, 2 octobre, 14 octobre et 18 octobre 2019.

2. A la suite du même incendie, la préfète de la Somme et les préfets de l'Oise et de l'Aisne ont édicté, par des arrêtés du 29 septembre 2019, des restrictions sanitaires de mise sur le marché du lait, des œufs, du miel et des poissons d'élevage ainsi que des productions végétales ou des aliments pour animaux, collectés ou récoltés sur les parcelles agricoles où ont été identifiées des retombées de suies de fumées consécutives à l'incendie. Par des arrêtés du 2 octobre 2019, ces mêmes autorités ont abrogé leurs arrêtés du 29 septembre 2019 et édicté de nouvelles restrictions sanitaires. Par des arrêtés du 14 octobre 2019, elles ont supprimé les restrictions sanitaires concernant le lait et les produits laitiers édictées par leur arrêté du 2 octobre 2019. Par des arrêtés du 18 octobre 2019, elles ont abrogé en toutes leurs dispositions leur arrêté du 2 octobre 2019. Le silence gardé pendant plus de deux mois par ces autorités sur les recours gracieux formés par la société Lubrizol France contre leur arrêté des 29 septembre, 2 octobre, 14 octobre et 18 octobre 2019 ont fait naître des décisions implicites de rejet.

3. La société Lubrizol France a demandé l'annulation des décisions mentionnées ci-dessus aux tribunaux administratifs de Rouen et d'Amiens. Par des ordonnances du 14 décembre 2021 et du 28 octobre 2021, ses demandes ont été rejetées sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. La société Lubrizol France relève appel de ces ordonnances par des requêtes n° 21DA02634, n° 21DA02655, n° 21DA02956 et n° 21DA02657, qui présentent à juger les mêmes questions et qu'il y a lieu de joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre les arrêtés des 28 et 29 septembre et du 2 octobre 2019 :

4. En premier lieu, il ressort des pièces des dossiers que les restrictions sanitaires litigieuses, prises à l'égard d'exploitants agricoles, définis comme " toute personne exerçant à titre habituel des activités réputées agricoles et produisant, au stade de la production primaire, des denrées alimentaires, des produits destinés à l'alimentation animale ou des aliments pour animaux d'origine végétale ", ont pour objet de consigner, " à titre conservatoire ", certaines productions animales et végétales " en raison de la suspicion de contamination liée à [des] retombées de suies et de fumées " et d'interdire leur mise sur le marché dans l'attente d'une levée de cette consignation. Eu égard à l'objet de ces restrictions et à la nature des activités de la société Lubrizol France, qui ne produit ni ne commercialise les denrées agricoles en cause, cette dernière ne peut être regardée comme destinataire des arrêtés attaqués ou associée, directement ou indirectement, à leur mise en œuvre.

5. En deuxième lieu, si l'appelante a produit des réclamations par lesquelles des entreprises agroalimentaires lui ont demandé l'indemnisation des préjudices nés de l'application des restrictions litigieuses, il ressort des termes mêmes de ces réclamations qu'elles recherchent la responsabilité de la société Lubrizol France à raison de son implication directe dans le déclenchement de l'incendie du 26 septembre 2019, et non dans la mise en œuvre de ces restrictions. En outre, alors que le ministre a relevé en défense que l'appelante ne précisait pas les suites données à ces réclamations, la société Lubrizol France ne s'est prévalue que de frais d'expertise portant sur l'évaluation des pertes agricoles subies et n'a justifié ni avoir indemnisé de tels préjudices, ni avoir fait l'objet d'une condamnation mettant à sa charge ces frais ou ces indemnités.

6. En troisième lieu, l'appelante fait valoir que, par un jugement du 23 juillet 2021, le tribunal administratif de Rouen a condamné l'Etat à verser une somme de 4 354 euros à un exploitant agricole en réparation des préjudices subis du fait de l'application des restrictions litigieuses et qu'à titre récursoire, l'agent judiciaire de l'Etat l'a assignée devant le tribunal judiciaire de Rouen.

7. Toutefois, alors que cette condamnation pécuniaire a été prononcée sur le fondement de la responsabilité sans faute de l'Etat, ce dernier a relevé dans l'assignation, qu'il a d'ailleurs dirigée tant à l'encontre de la société Lubrizol France que de la société NL Logistique, que les arrêtés litigieux " avaient pour objet de prévenir les risques éventuels des conséquences de l'incendie pour la santé publique sans se prononcer sur l'origine de celui-ci " et qu'une " instruction pénale est actuellement en cours au pôle santé publique du tribunal judiciaire de Paris afin de déterminer le point de départ de l'incendie, à savoir s'il est né dans l'usine Lubrizol ou dans les entrepôts de la société Normandie Logistique ", avant de solliciter un sursis à statuer jusqu'à la fin de cette instruction pénale. L'appelante ne saurait ainsi soutenir que, dans le cadre de cette action récursoire, sa responsabilité dans le déclenchement de l'incendie est recherchée en s'appuyant sur les arrêtés contestés dans la présente instance.

8. En quatrième lieu, les arrêtés attaqués mentionnent, dans leur intitulé, " les retombées de suies de fumées de l'incendie de l'usine Lubrizol " et relèvent, dans leurs motifs, qu'" un incendie conséquent s'est déclaré dans l'usine Lubrizol, ICPE classée SEVESO seuil haut, située à Rouen, et qu'il est à l'origine de retombées de suies consécutives à un panache de fumée ". Par ces indications, ces arrêtés se bornent à se référer au lieu de l'incendie dont les retombées ont justifié des restrictions sanitaires, sans avoir ni pour objet ni pour effet de se prononcer sur la cause matérielle de l'incendie ou d'en imputer, en tout ou partie, la responsabilité à la société Lubrizol France. Si cette dernière soutient que les arrêtés litigieux n'ont pas défini avec une précision suffisante le lieu de survenance de l'incendie, en omettant de mentionner les entrepôts de la société NL Logistique, ces arrêtés avaient pour objet de déterminer non pas le lieu exact de déclenchement de l'incendie mais seulement le périmètre dans lequel s'appliquaient les restrictions qu'ils édictaient.

9. Il résulte de ce qui précède qu'eu égard, d'une part, à l'objet des arrêtés préfectoraux des 28 septembre, 29 septembre et 2 octobre 2019 et, d'autre part, à l'objet des conclusions présentées par la société Lubrizol France, qui ne tendent pas à l'occultation des mentions la concernant mais à l'annulation de tout ou partie de ces arrêtés, la requérante ne justifie pas d'un intérêt suffisamment direct et certain.

10. Il résulte de ce qui précède que la société Lubrizol France n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par les ordonnances attaquées, ses conclusions tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux des 28 et 29 septembre et 2 octobre 2019 ainsi que, par voie de conséquence, des décisions rejetant ses recours gracieux formés contre ces arrêtés ont été rejetées.

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre les arrêtés des 14 et 18 octobre 2019 :

11. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, l'appelante ne peut être regardée comme destinataire des arrêtés attaqués ou associée, directement ou indirectement, à leur mise en œuvre. Au surplus, si des entreprises agroalimentaires ont adressé des réclamations à la société Lubrizol France à raison de l'application des restrictions litigieuses, les arrêtés attaqués du 14 octobre 2019 ont pour objet de lever les restrictions " concernant le lait et les produits laitiers ", tandis que les arrêtés attaqués du 18 octobre 2019 ont pour objet d'abroger, en toutes leurs dispositions, les arrêtés préfectoraux du 2 octobre 2019.

12. En deuxième lieu, les arrêtés attaqués comportent les mentions énoncées au point 8 et relèvent en outre que l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), dans son avis du 14 octobre 2019, " n'indique pas de préoccupation sanitaire pour le lait en lien avec la première exposition des animaux par les retombées directes suite à l'incendie de l'usine Lubrizol ". Par ces indications, ces arrêtés se bornent à se référer au lieu de l'incendie dont les retombées ont justifié des restrictions sanitaires, sans avoir ni pour objet ni pour effet de se prononcer sur la cause matérielle de l'incendie ou d'en imputer, en tout ou partie, la responsabilité à la société Lubrizol France, alors même que le préfet de la Seine-Maritime a modifié, par des arrêtés des 27 et 31 décembre 2019, l'intitulé et les motifs de ses arrêtés des 14 et 18 octobre 2019. Enfin, ainsi qu'il a été dit, les arrêtés litigieux n'ont pas eu pour objet de déterminer le lieu exact de déclenchement de l'incendie.

13. Il résulte de ce qui précède qu'eu égard, d'une part, à l'objet des arrêtés préfectoraux des 14 et 18 octobre 2019 et, d'autre part, à l'objet des conclusions présentées par la société Lubrizol France, qui ne tendent pas à l'occultation des mentions la concernant mais à l'annulation de tout ou partie de ces arrêtés, la requérante ne justifie pas d'un intérêt suffisamment direct et certain.

14. Il résulte de ce qui précède que la société Lubrizol France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les ordonnances attaquées, les tribunaux administratifs de Rouen et d'Amiens ont rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux des 14 et 18 octobre 2019 ainsi que des décisions rejetant ses recours gracieux contre ces arrêtés.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes n° 21DA02634, n° 21DA02955, n° 21DA02956 et n° 21DA02957 de la société Lubrizol France sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lubrizol France, au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera transmise pour information à la préfète de l'Oise, aux préfets de la Seine-Maritime, de la Somme et de l'Aisne.

Délibéré après l'audience publique du 2 février 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. Eustache

Le président de la 1ère chambre,

Signé : M. A...La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°21DA02634, 21DA02955, 21DA02956, 21DA02957 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02634
Date de la décision : 16/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : JONES DAY;JONES DAY;JONES DAY;JONES DAY;JONES DAY

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-02-16;21da02634 ?
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