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16/02/2023 | FRANCE | N°22DA02150

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 16 février 2023, 22DA02150


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 par lequel la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement.

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 par lequel la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire f

rançais dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par des jugements n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 par lequel la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement.

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 par lequel la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par des jugements n°2202088 et 2202089 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 20 octobre 2022 sous le n°22DA02150, M. A... C..., représenté par Me Antoine Tourbier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°2202088 du 22 septembre 2022 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) d'annuler l'arrêté pris à son encontre par la préfète de la Somme le 25 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Somme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'erreurs de fait ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

Par une décision du 9 février 2023, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Douai a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. A... C....

II. Par une requête enregistrée le 21 octobre 2022 sous le n° 22DA02151, Mme D... C..., représentée par Me Antoine Tourbier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°2202089 du 22 septembre 2022 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) d'annuler l'arrêté pris à son encontre par la préfète de la Somme le 25 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Somme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'erreurs de fait ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

Par une décision du 9 février 2023, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Douai a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de Mme D... C... née E....

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... et Mme D... C..., ressortissants algériens, ont sollicité le 5 avril 2022 un titre de séjour en se prévalant de leurs liens personnels et familiaux en France. Par des arrêtés du 25 mai 2022, la préfète de la Somme a rejeté leurs demandes, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays d'éloignement. M. et Mme C... ont demandé l'annulation de ces arrêtés au tribunal administratif d'Amiens qui a rejeté leurs demandes par deux jugements du 22 septembre 2022. Ils relèvent appel de ces jugements par deux requêtes n°22DA02150 et n°22DA02151 qui présentent à juger des questions semblables, qui ont fait l'objet d'une instruction commune et qu'il y a lieu ainsi de joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n°22DA02150 :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des motifs mêmes du jugement n°2202088 que le tribunal administratif d'Amiens a expressément répondu aux moyens soulevés par M. C.... En particulier, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation et d'erreurs de fait, en examinant notamment les formations suivies par M. C..., les démarches qu'il a entreprises pour exercer un emploi et ses activités professionnelles. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., né le 6 septembre 1984 en Algérie, est entré en France le 18 juillet 2015, qu'il a suivi une formation de " préparation esthétique d'un véhicule d'occasion " du 23 au 27 mai 2016 d'une durée de 41 heures et qu'il a exercé une activité à temps partiel de " serveur polyvalent " du 1er février 2021 au 31 juillet 2021 puis du 1er août 2021 au 1er février 2022. Cette courte formation et cette brève période d'activité ne suffisent pas à établir que M. C... aurait établi le centre de ses intérêts privés en France, alors qu'il a fait l'objet d'un refus de titre de séjour et de plusieurs obligations de quitter le territoire français, restées inexécutées, par des arrêtés du 6 octobre 2017 et du 30 janvier 2019, respectivement confirmés par un jugement n°1703089 du 6 février 2018 et un jugement n°1901219 du 11 juin 2019 du tribunal administratif d'Amiens, devenus définitifs.

5. En outre, si l'épouse de M. C... a obtenu le 5 octobre 2021 un certificat d'aptitude professionnelle mention " accompagnant éducatif petite enfance " et a été accompagnante de sorties scolaires, il ressort des pièces du dossier qu'elle ne séjourne pas de manière régulière en France et qu'elle a également fait l'objet, par un arrêté du 30 janvier 2019, confirmé par un jugement n°1901221 du 11 juin 2019 du tribunal administratif d'Amiens, devenu définitif, d'un refus de titre de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français, qu'elle n'a pas exécutée. Si elle exerce une activité à durée indéterminée d'" assistante de vie " depuis le 1er juillet 2022, cette circonstance, survenue après l'édiction de l'arrêté attaqué, est sans incidence sur sa légalité.

6. Enfin, si M. et Mme C... sont parents de deux enfants nés en France le 24 septembre 2017 et le 24 novembre 2019, qui résident avec eux et qui sont scolarisés, leur cellule familiale pourra se reconstituer, compte tenu du jeune âge de leurs enfants, dans leur pays d'origine où M. et Mme C... ont résidé respectivement jusqu'à l'âge de 30 et 34 ans.

7. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué porterait une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré d'un erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". En l'espèce, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.

9. En troisième lieu, la préfète de la Somme a relevé dans l'arrêté attaqué que M. C... " ne démontre pas (...) exercer une activité professionnelle ou avoir fait des démarches en vue d'exercer un emploi ou une formation et il ne justifie pas également de conditions d'existence (...) ne disposant d'aucune ressource ".

10. Si M. C... soutient qu'il exerçait une activité professionnelle à la date de l'arrêté attaqué du 25 mai 2022, il se borne à produire un contrat de travail et des avenants, établis par la société Resto Kebab Longueau, indiquant qu'il a exercé une activité professionnelle du 1er février 2021 au 31 juillet 2021 puis du 1er août 2021 au 1er février 2022. En outre, s'il soutient qu'il disposait de ressources suffisantes à la date de l'arrêté attaqué, il se borne à produire une facture d'électricité établie le 26 avril 2022, des bulletins de salaires dont le plus récent a été établi en janvier 2022, un document mentionnant son revenu fiscal de référence en 2020 et un contrat de location sans produire de quittance de loyers. Il s'ensuit que M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'erreurs de faits sur son activité professionnelle et ses ressources.

11. En revanche, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'attestation établie par la chambre des métiers et de l'artisanat de la Somme, que M. C... a suivi une formation du 23 au 27 mai 2016 d'une durée de 41 heures, dispensée par la société Carpolish. En outre, ainsi qu'il a été dit, M. C... a exercé une activité professionnelle au sein de la société Resto Kebab Longueau. Par suite, en considérant que M. C... ne démontrait pas avoir entrepris des démarches en vue d'exercer un emploi ou une formation, l'arrêté attaqué est entaché d'erreurs de fait.

12. Toutefois, ces erreurs sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué dès lors que l'intéressé ne justifie pas de liens privés et familiaux suffisants pour bénéficier d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et qu'il résulte de l'instruction que la préfète de la Somme aurait pris la même décision que celle attaquée en se fondant sur ce seul motif.

13. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 5 avril 2022 et, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.

Sur la requête n°22DA02151 :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

14. Il ressort des motifs mêmes du jugement n°2202089 que le tribunal administratif d'Amiens a expressément répondu aux moyens soulevés par Mme C.... En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation et d'erreurs de fait, en examinant notamment les formations suivies par son époux, les démarches qu'il a entreprises pour exercer un emploi et le certificat d'aptitude professionnelle qu'elle a obtenu. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

15. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la violation l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

16. En second lieu, la préfète de la Somme a relevé dans l'arrêté attaqué que Mme C... " Madame C... a obtenu un CAP " accompagnant éducatif petite enfance " le 6 octobre 2021 ; elle ne justifie en revanche pas de conditions d'existence (...), ne disposant d'aucune ressource ". Si Mme C... soutient que ces motifs sont entachés d'erreur de fait, elle ne produit aucun élément justifiant de ses ressources ou de celles de son époux. Par ailleurs, si elle soutient que l'arrêté attaqué comporte des erreurs de fait concernant les formations et les activités professionnelles réalisées par son époux, ces erreurs sont, ainsi qu'il a été dit, sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré d'erreurs de fait doit être écarté.

17. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 5 avril 2022 et, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les frais liés aux deux instances :

18. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par Me Antoine Tourbier et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Somme.

Délibéré après l'audience publique du 2 février 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2023.

Le rapporteur,

Signé:

S. Eustache

Le président de la 1ère chambre,

Signé:

M. B...

La greffière,

Signé:

C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Christine Sire

N°22DA02150, 22DA02151 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02150
Date de la décision : 16/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : AARPI QUENNEHEN - TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-02-16;22da02150 ?
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